Polémique
Dossier
Les histoires les plus folles ont couru, en juillet dernier, après l’attaque présumée de trois génisses par des vautours sur un alpage en Maurienne. L’affaire a fait grand bruit jusqu’à ce que l’autopsie pratiquée sur ces bêtes dévorées close les débats : elles souffraient d’entérotoxémie, une maladie des ruminants qui entraîne la mort en quelques heures.
Jean-Pierre Choisy, naturaliste de terrain et biologiste de formation, chargé de mission au parc naturel du Vercors de 1993 à 2011, explique, dans un article publié en 2011, que lorsqu’un éleveur signale un dommage, il est généralement persuadé que les vautours sont soit responsables de la mort de l’animal, soit pour le moins intervenus du vivant de ce dernier, malgré l’absence de sang : « Or les morts subites ne sont pas exceptionnelles chez les ruminants. Les signes avant-coureurs peuvent être discrets et il est probable que les vautours savent repérer ces manifestations annonciatrices de pitance. L’expertise des vétérinaires, auprès des agents établissant les constats de dommages, se révèle nécessaire à l’apaisement de la controverse. »
En Maurienne, les vautours n’ont finalement fait que leur travail. Un travail de fossoyeur naturel d’autant plus efficace, selon l’association Ferus, que son processus digestif, avec un pH élevé, détruit les bactéries. Du côté de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Savoie, Caroline Druesne regrette cet emballement médiatique et rappelle que « le vautour n’est pas du tout adapté pour attaquer ou tuer un animal. Il possède un gros bec tranchant, mais qui ne peut donner la mort ». Concernant les instances agricoles, le président de la chambre d’agriculture de l’Ariège, François Toulis, est persuadé que les vautours ont changé de comportement et s’attaquent à des bêtes vivantes.
C’est précisément en Ariège, un département où se retrouvent déjà la plupart des ours pyrénéens, que la polémique enfle autour des supposées attaques des vautours. En raison du climat délétère qu’elle provoque, un vétérinaire souhaite même garder l’anonymat : « Cela ressemble à une mesquine histoire d’argent. Les éleveurs veulent, qu’à la longue, toutes les bêtes susceptibles d’avoir subi une prédation, quelle qu’elle soit, fassent systématiquement l’objet d’une indemnisation. En Ariège, il suffit d’être en zone “ours” pour qu’un animal mort soit remboursé. On ne cherche même plus à savoir si les lésions sont liées à une prédation par ours ou non. Les éleveurs voudraient la même chose pour les vautours. » Et de regretter la dégradation de l’état sanitaire dans les élevages : « La situation économique de l’élevage est telle que le vétérinaire n’est plus payé. Nous ne faisons plus de césarienne de brebis, Schmallenberg ou non. Ça passe ou ça casse. En élevage bovin, il y a de plus en plus de pratiques de ce genre. Les vaches vêlent dans les champs; si ça se passe bien tant mieux, sinon tant pis. Alors, forcément, il y a des placentas à consommer et des animaux morts, qui ne sont plus enlevés en raison du coût de l’équarrissage. Certains préfèrent au contraire les déclarer victimes d’attaques par des prédateurs, avec une chance d’indemnisation à la clé. Alors les vautours rappliquent. »
Jean-Pierre Alzieu (T 81), directeur du laboratoire vétérinaire de l’Ariège, réfute quant à lui le raisonnement, bien rôdé à ses yeux des protecteurs, du vautour, selon lequel celui-ci est un charognard, point final : « Tout au plus admettent-ils qu’il peut s’en prendre à des animaux encore vivants, mais agonisants ou très affaiblis. Pourtant, en juin dernier, j’ai démontré avec une observation extrêmement documentée, en présence des autorités préfectorales du département, qu’en l’espace de deux jours, des vautours étaient intervenus sur un troupeau sédentaire dans le Piémont pyrénéen. Ils ont attaqué des brebis gravides de trois ou quatre mois, qui n’avaient pas de maladie interférente, ni infectieuse ni parasitaire. »
Erreur de casting des vautours ? Auraient-ils considéré comme morts des animaux qui, accablés par la canicule, étaient couchés dans l’herbe à l’abri des arbres ? « J’ai eu la chance que les éleveurs s’en aperçoivent rapidement, poursuit Jean-Pierre Alzieu. J’ai pu pratiquer les autopsies avant que les cadavres n’aient été complètement nettoyés. En tant que directeur du laboratoire départemental, je n’ai pas vocation à instruire un dossier à charge. Je décris ce que je vois. J’ai transmis mon rapport aux autorités compétentes, qui m’ont attesté le prendre très au sérieux. Dans l’attente d’une confirmation de mon interprétation, elles ont requis des analyses complémentaires. » Le caractère unique de cette description suffira-t-il à constituer une preuve scientifique ?
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