ASNIÈRES, AU CIMETIÈRE DES ILLUSIONS PERDUES - La Semaine Vétérinaire n° 1596 du 12/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1596 du 12/09/2014

Reportage

Auteur(s) : Frédéric Decante

Ouvert en 1899, à Asnières-sur-Seine, le plus ancien cimetière animalier au monde est un lieu de repos éternel pour les chiens et autres compagnons à poils, plumes ou écailles. Rintintin, vedette des années 1950, et Moustache, héros de l’armée napoléonienne, y reposent aux côtés d’anonymes vénérés par leurs maîtres.

Lorsque mon chien est mort, le vétérinaire m’a proposé de l’incinérer. Pour moi, c’était impensable. J’ai tout de suite décidé de l’enterrer ici. » Élodie est la seule visiteuse de l’après-midi du cimetière des chiens de la ville d’Asnières (Hauts-de-Seine)1. Elle regarde quelques tombes, redresse les pots de fleurs tombés, arrose ici et là. « On s’entraide entre amis. Je m’occupe des tombes de ceux qui ne peuvent pas venir. Ils feront de même pour moi. » Pour l’enterrement de son animal, Élodie a fait appel à une entreprise de pompes funèbres classiques. « Nous assurons une prestation comparable en tout point à ce que l’on peut offrir pour les hommes. En revanche, toute cérémonie religieuse est interdite à l’intérieur du cimetière, témoigne Gérard Faburel, de l’entreprise Mercier et fils, qui jouxte le lieu. Nous nous chargeons des démarches auprès de la ville pour l’achat des concessions et assurons la mise en place de la marbrerie, après avoir obtenu le permis de construire auprès de la mairie. »

Depuis 1987, le cimetière des chiens est inscrit à l’Inventaire des Monuments historiques et n’a retrouvé la paix que depuis 1996, date de son acquisition par la ville d’Asnières. Ce lieu, le premier du genre, a ouvert ses portes au public en 1899 à l’initiative de Georges Harmois, un publiciste intéressé par la cause des pauvres, et de Marguerite Durand, fondatrice du journal féministe La Fronde, une publication réalisée par des femmes uniquement.

Chien, souris, chevaux, singes, tortues…

Le site n’est pas choisi au hasard. À l’époque, les berges de la Seine sont prisées des Parisiens, qui y voient un lieu de villégiature dominicale. La loi de 1898, qui permet d’envisager d’enfouir les animaux domestiques morts sous 1 m de terre, rend le projet possible, d’autant que la Seine dispose de multiples petites îles. Une partie de celle des Ravageurs, occupée par des chiffonniers, est ainsi rachetée par les fondateurs du cimetière. L’architecte Eugène Petit est chargé d’en bâtir l’entrée. Il fait fabriquer un portail de style Art nouveau. En 1975, le cimetière perd son caractère insulaire par le comblement d’un bras de la Seine. Le succès est au rendez-vous, mais des difficultés de gestion mettent à mal la survie du lieu. En 1986, la fermeture est envisagée. Les concessionnaires se mobilisent : sensibilisée, la mairie d’Asnières demande le classement du site, en exproprie les propriétaires, confie la gestion à une société indépendante pour, finalement, la reprendre en main dix ans plus tard.

Si la majorité des espèces présentes sont canines, toutes sortes d’animaux y sont enterrées et le cimetière se targue d’abriter « des oiseaux, des lapins, des tortues, des souris, un hamster, un poisson, des chevaux, un singe, une gazelle, un fennec, etc. ». Une petite colonie de chats (vivants, cette fois), à laquelle une association porte assistance, y a également élu domicile. Ils disposent d’une “maison” et d’une stèle commémorative avec un caveau contenant plus de 100 félins errants. Les concessions se négocient à l’année ou par tranches de un, trois, cinq ou dix ans, jusqu’à 50 ans renouvelables pour un prix compris, pour dix ans, entre 979 € et 1 963 € selon la taille.

Le domaine est grand : officiellement, il comprend plus de 870 concessions. L’étonnante configuration du lieu, conçu à l’identique des cimetières humains, est frappante. Mais, comme au Père-Lachaise, la petite histoire fait le pont avec la grande. À l’entrée, un monument haut de plus de 4 m a été érigé à la mémoire de Barry, saint-bernard de l’hospice du Grand-Saint-Bernard, qui, au début du xixe siècle, sauva vaillamment 40 personnes (la légende prétend que la 41e personne secourue tua l’animal).

Au pied du monument, une stèle rend hommage au chien Moustache, héros de l’armée napoléonienne, dont plusieurs faits de guerre sont rapportés. Célèbre pour ses exploits, il aurait été présenté à l’empereur en sachant exécuter un salut de la patte. Les anatomistes se pencheront sur cette rareté ! Moustache n’est pas le seul chien militaire ou policier : il côtoie Mémère, née en 1914 et mascotte des chasseurs à pied, Drapeau, fait compagnon de guerre, ou encore Léo, mort au service. Le monde du spectacle est aussi représenté : Poilu fut applaudi sur les planches dans Mon Curé chez les riches, dans les années 1920, et la tombe de Rintintin, célèbre vedette de télévision des années 1950, est encore très fleurie.

« L’amour de ma vie »

La visite se révèle encore plus pertinente parmi les animaux anonymes où se traduit davantage l’attachement à ces disparus, parfois révélateur d’une profonde solitude humaine. Les épitaphes (« C’était un cœur enrobé de poils, 6 kg d’amour pur ») en disent parfois plus que nécessaire, plaçant les propriétaires toujours au centre de l’histoire (« Sophie… Toi et tes petites sœurs ont remplacé l’enfant que je n’ai pas eu »). Le plus souvent, pathétiquement, elles pleurent un unique ami (« Elle fut ma meilleure amie », « Mon seul ami », « L’amour de ma vie »), jusqu’à l’aveu d’existences meurtries (« Fidèle compagne et seule amie de ma vie errante et désolée »). Une stèle évoque un souvenir de Lourdes (« À la grotte bénie, j’ai prié pour toi »).

Le compagnon à quatre pattes inconnu a également sa place : une pierre évoque la mémoire de ce chien errant venu mourir à la porte du cimetière : « 40 000e bête qui a trouvé le repos définitif au cimetière d’Asnières ». Mais si le mauvais goût est évidemment de mise, il est rapidement oublié tant le pathétique ne laisse pas indifférent : « 1915-1921. Ici repose Dick des Tranchées, compagnon fidèle qui toujours fut mon seul ami. Sa vie se citerait pour donner un modèle et sa disparition me plonge dans l’ennui. Son souvenir me hante, me manquent ses caresses. Le remord m’envahit. Je me trouve brutal de l’avoir corrigé alors que sa faiblesse aurait dû m’arrêter et cela me fait mal. Ainsi, je suis seul, ne croyant plus à rien. La vie m’a tant meurtri ! (…) Pourtant une pensée demeure en ma détresse : il fut aimé par sa maîtresse et cela seul me fait du bien. » Par-delà sa dimension religieuse, affective et sa valeur patrimoniale, le site peut revêtir un attrait pour le vétérinaire qui veut voir concrétiser sa fonction sociale.

  • 1 Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 16 h en été et de 10 h à 16 h 30 en hiver. Entrée : 3,50 € par personne.

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