Entre nous
Vous avez la parole
Auteur(s) : Jérôme Triffe
Fonctions : (L 97)
Vaste et belle initiative de votre part que de vouloir sensibiliser la profession à ce phénomène ravageur qu’est le burn-out1 sur les plans familial que professionnel. Je souhaite témoigner de ma triste expérience en la matière, afin de faire comprendre à ceux qui sont dans ou – au mieux – proche du gouffre de ne pas hésiter à se faire aider. Le fait de communiquer sur ce sujet est déjà une belle avancée, car si j’avais lu votre article auparavant, je n’aurais pas hésité à saisir la main de Vétos-entraide.
Le surmenage chronique, la recherche constante de la perfection au travail, les coups bas (confrères, clients de longue date) sont autant de facteurs qui ont favorisé l’apparition de symptômes. Tout a commencé par des douleurs chroniques dans le dos, que je mettais sur les années de pratique du rugby, et une certaine nervosité constante, dont mon fils faisait malheureusement souvent les frais. Mon sommeil est devenu de plus en plus léger et non réparateur, me laissant une sensation de contractures des bras et des mâchoires au réveil. Puis sont apparues des recto-colites après chaque repas. Mes molaires se sont cassées une à une. Un ménisque s’est fissuré alors que je me relevais d’une position accroupie. Enfin, je souffrais de douleurs chroniques et lancinantes dans les bras et les jambes.
Au lieu d’écouter mon corps, je me suis plongé dans une série de formations diplômantes (certificats d’études approfondies vétérinaires et spécialisées, etc.), pensant y trouver refuge. Les hauts et les bas se sont enchaînés ainsi, jusqu’au jour fatidique où tout s’est écroulé. Un client venu pour une urgence m’a trouvé allongé sur le sol de la clinique, à la suite d’une tentative de suicide. S’en est suivie une période de six mois où j’enchaînais les hospitalisations, les examens médicaux (scanner, IRM, bilans sanguins, coloscopie, etc.), même les interventions chirurgicales (hernie, dents, etc.). Les médecins pensaient trouver une tumeur. Je me couchais chaque soir, pensant que je ne reverrai pas le jour, les mains glacées. J’appelais ma famille, lui disait que c’était la fin. Et ce, jusqu’au jour où un urgentiste expérimenté a pris le temps de faire la synthèse de mon historique et m’a parlé de ce fameux burn-out.
Je pensais qu’il s’agissait simplement d’une maladie à la mode qui servait de prétexte à certains salariés pour tirer au flan. Malgré tout, j’ai sagement écouté les conseils avisés de ce médecin et pris rendez-vous chez un psychologue. La première visite m’a enfin confirmé que j’étais sur la bonne voie. La spécialiste m’a dit que j’allais m’en sortir, mais qu’il faudrait être patient et, surtout, arrêter toute activité professionnelle pendant des mois, voire une année.
Le début du traitement m’a fait lâcher prise. Je dormais jusqu’à 23 heures par jour. Cela a duré deux semaines. Les amis et les clients m’ont lâché un à un. Un confrère bien-pensant m’a même envoyé ses vœux avec la formule suivante : « 2014, la comédie humaine vers des sommets », alors qu’une clinique voisine débauchait un aide et quelques clients.
Au bout d’un mois d’arrêt forcé, mon épouse a considéré qu’il n’y avait que deux solutions : soit reprendre le travail, soit tout vendre. Les comptes étaient dans le rouge, le régime social des indépendants m’ayant versé, en tout et pour tout, près de 370 € après une année de tractations (ne remboursant que 6,75 € sur les 75 € de séances de la psychologue). Je suis donc retourné à la clinique bien malgré moi. Contre toute attente, bien épaulé par mon équipe, la clinique a sorti un peu la tête de l’eau. Les séances chez la psychologue et ma “camisole” chimique me permettaient de remonter tout doucement la pente, en prenant de la distance avec certains tracas du métier. J’apprends à accepter mes erreurs.
Après deux ans et demi de traitement, j’ai repris le travail à plein temps, malgré quelques douleurs dans les articulations et un besoin de siestes à rallonge. Je n’ai pas tout perdu grâce à mes proches. Je souhaite de tout cœur que mon récit incite ceux qui traversent cette difficile épreuve à ne pas hésiter une seconde à se faire aider.
1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1588 du 6/6/2014 en pages 25 à 30. Contact : scp.triffe@wanadoo.fr
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