Reportage
Lors de leur stage de fin de 3e année à Oniris, Carole Keryvin et Delphine Delassus ont découvert la médecine vétérinaire en réserves naturelles gouvernementales, dans la province de l’État Libre. Elles ont aidé à attraper et à immobiliser des animaux par téléanesthésie. Récit.
La faune sauvage constitue une ressource économique importante en Afrique du Sud. Il existe de nombreuses réserves privées dans l’État Libre (ou Free State), mais seulement une quinzaine sont gouvernementales. Une fois par an, le gouvernement organise une vente aux enchères d’animaux sauvages. En effet, dans la plupart des réserves où nous travaillons, les prédateurs ont été retirés. La population d’antilopes croît excessivement, ce qui explique le retrait des réserves de certaines d’entre elles chaque année. Le devenir de ces animaux est variable : les fermiers qui les achètent aux enchères les élèvent pour leur viande ou pour le tourisme de chasse (trophée). L’excédent d’antilopes est abattu et destiné à la consommation.
Pendant un mois, nous avons travaillé avec le vétérinaire gouvernemental Pierre Nel. Nous vous emmenons découvrir ce métier si particulier.
La première journée de la semaine est dédiée à la construction du crow, un grand piège en forme d’entonnoir qui conduit les animaux vers les camions (voir photo 1). Les autres jours sont consacrés à la capture : élands, koudous, oryx gazelles, bubales roux, zèbres. Chaque troupeau est repéré par hélicoptère, puis poursuivi pour être amené jusqu’au piège. L’équipe de 24 personnes se mobilise pour refermer les différents rideaux transversaux qui empêchent le troupeau de faire demi-tour. Deux 4x4 le pourchassent pour le contraindre à avancer dans le crow. Notre travail consiste à se poster en haut des camions. L’une de nous détient les différents tranquillisants à administrer, selon les espèces, le sexe et l’âge des animaux, à l’aide d’une seringue montée sur une perche (voir photo 2). L’autre est munie d’un marqueur destiné à identifier les bêtes qui ont déjà reçu une injection (voir photo 3).
Le vétérinaire nous a initiées, dans un premier temps, au tir au fusil hypodermique sur une cible factice (voir photo 4). Il nous a enseigné comment charger une fléchette (voir photo 5) avec les différentes molécules : étorphine, thiafentanyl (famille des opioïdes), médetomidine (α2agoniste) et/ou azapérone (butyrophénone). Celle-ci est complétée avec de l’eau stérile afin de la stabiliser.
L’approche en 4x4 est technique : le vétérinaire doit être suffisamment près pour tirer sans faire fuir l’animal. Une fois la fléchette envoyée, il faut le suivre le temps de l’induction. Dès qu’il est couché, le praticien vérifie les fonctions respiratoires, puis nous devons effectuer des prises de sang (voir photo 6), retirer la fléchette et appliquer à son emplacement une pommade antibiotique. Des injections de vitamines sont réalisées et des crins prélevés en vue d’analyses ADN pour estimer le taux de consanguinité dans la réserve. Enfin, l’animal est réveillé par une injection intraveineuse d’un antidote, la naltrexone (antagoniste des opioïdes), dans la veine marginale de l’oreille.
Lorsque le vétérinaire tire depuis l’hélicoptère (voir photo 7), l’équipe en 4x4 se charge de surveiller l’animal pendant la phase d’induction et de l’embarquer dans le camion au plus vite pour le déposer devant le véhicule de transport. Les prises de sang et les injections sont ainsi réalisées avant de le charger.
Certaines antilopes ont un instinct grégaire et arrivent à grande vitesse par dizaines devant l’entrée du camion : la capture serait alors trop brutale. Pour y remédier, nous utilisons le même piège, mais un filet est placé juste avant l’entrée du camion afin de stopper les animaux dans leur course (voir photo 8).
Les bêtes sont alors attrapées à la main une par une. Une injection d’halopéridol (famille des butyrophénones) est réalisée. Une fois le temps d’induction écoulé, nous montons dans le camion pour effectuer les prises de sang (voir photo 9).
Le vétérinaire intervient chirurgicalement uniquement lorsque l’animal nécessite des soins pour survivre. C’est le cas d’un oryx gazelle dont la lèvre supérieure a été fendue par un coup de corne. La difficulté est de gérer le manque d’asepsie. L’animal est anesthésié localement, en plus de la tranquillisation de la capture (voir photo 10). De même, un blesbok a reçu un coup de corne au niveau de l’aine. La table de chirurgie n’est autre que l’arrière d’un 4x4 (voir photo 11). L’objectif est de refermer la plaie en réalisant une hémostase correcte dans des conditions d’hygiène les plus strictes possible.
Nous avons ainsi découvert, lors de ce stage de fin de 3e année à l’école nantaise Oniris, à quel point il faut être polyvalent, savoir rester calme en toutes circonstances en s’adaptant rapidement à toutes les situations. Heureusement, le vétérinaire n’est pas seul : l’équipe de capture lui est d’une grande aide. N’oublions pas de préciser que le cadre de travail est magnifique et les animaux peu communs… Un vrai bonheur !
Remerciements à Merial pour son soutien dans la réalisation de ce stage, au vétérinaire Pierre Nel pour sa pédagogie et à l’équipe de capture pour son aide quotidienne et sa bonne humeur.
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