“Défendre les vautours, oui, mais avec bon sens”

J’ai lu avec attention et un peu de consternation le courrier de La Semaine Vétérinaire intitulé « Rétablissons la vérité sur les vautours »¹.

Avec attention d’abord car, d’une part, j’adore l’observation des vautours, que j’ai pratiquée dans les années 1990 en Sierra de Guara, au Salto de Roldán en Aragon, en Estrémadure à Pâques, dans les gorges de la Jonte et, récemment, dans la vallée de Saint-Colomban-des-Villards, près du col du Glandon. D’autre part, je suis extrêmement étonné par ces faits de prédation. J’ai souvent lu les articles dans les médias les concernant sans a priori. Bref, je ne voudrais pas être accusé de vouloir la disparition des vautours…

Je l’ai aussi lu avec consternation, parce que ce texte, dont le titre parle de vérité, n’apporte aucun fait, aucune preuve pouvant contredire ou jeter le doute sur les attaques de ces animaux. Il est, en outre, écrit et validé par des vétérinaires dont je respecte les travaux par ailleurs, mais qui, dans ce cas-ci, me laissent dubitatif.

C’est pourquoi, je me permets de critiquer quelques éléments à mon avis discutables.

→ « Les vautours ne nichent pas en Ariège » : c’est un argument un peu léger, sachant qu’un vautour peut avertir ses congénères d’un bon repas à des centaines de kilomètres à la ronde.

→ « Les vautours s’attaquent à l’homme » : laisser à penser que des professionnels de la chasse et de l’agriculture puissent croire ou laisser croire que les vautours s’attaquent à l’homme est une injure grave.

→ « Les attaques de chiens sont nombreuses : une enquête nationale vétérinaire (110 réponses) estime à 300 000 à 400 000 ovins détruits de cette façon » : d’abord, il est connu qu’en montagne, depuis 30 ans, les attaques de troupeaux sont le fait des loups, mais je ne vois pas comment cela empêcherait des vautours de tuer des animaux vivants !

→ « Il est fondamental de rappeler qu’en matière d’expertise, le praticien ne doit pas être lié au plaignant sinistré afin de ne pas la disqualifier » : ne soyez pas si durs avec vos pairs, l’humilité a du bon.

→ Accuser les éleveurs de maquiller les brebis mortes en attaques de vautour est navrant. Merci pour eux…

→ « Les vautours ne pullulent pas » : sûrement, mais 40 vautours représentent une force de frappe bien suffisante pour tuer une vache en train de vêler ! Et l’on sait très bien que leur nombre est largement supérieur aux capacités naturelles d’assurer leurs besoins, l’« équarrissage naturel » étant interdit.

→ « Les vautours assurent un service de nettoyage » : assurément non en l’absence de cet équarrissage naturel qui est proscrit. Aucune attaque de vautours n’est relatée dans le Tarn où, par dérogation, des carcasses sont déposées régulièrement dans des aires de nourrissage prévues à cet effet.

Pour conclure, si le cormoran n’est pas une plaie pour nos pauvres rivières, s’il est vrai que l’ours n’a pas fait peur au chasseur qui l’a abattu, s’il est vrai que le loup ne tue pas les brebis par dizaine, alors il est certainement impossible que les vautours se nourrissent de chair trop fraîche.

La polémique pourrait cesser d’elle-même si l’homme recommençait, avec bon sens, à mettre quelques carcasses à la disposition de nos magnifiques charognards…

• 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1599 du 3/10/2014 en page 9.