Quel anesthésiste êtes-vous ? - La Semaine Vétérinaire n° 1605 du 14/11/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1605 du 14/11/2014

Dossier

Auteur(s) : HÉLÈNE ROSE

En termes d’anesthésie des animaux de compagnie, chaque praticien a ses habitudes, ses préférences et ses protocoles. En exclusivité, La Semaine Vétérinaire a enquêté sur vos pratiques. Anesthésie fixe ou gazeuse, surveillance, évaluation du risque, utilisation des anesthésies locales, de l’analgésie, sans oublier le mode de facturation… En voici l’analyse.

La Semaine Vétérinaire a envoyé par e-mail un questionnaire sur leurs pratiques anesthésiques à tous les vétérinaires canins et mixtes inscrits dans l’annuaire Roy qui ont renseigné leur adresse électronique, et qui exercent en France métropolitaine et dans les DOM-TOM. Ce formulaire a ainsi été adressé à 4 255 praticiens. 240 retours étaient exploitables et ont été analysés.

L’anesthésie vétérinaire a été marquée, ces dernières années, par une évolution globale des attentes des propriétaires et des praticiens, pour un confort accru de l’animal. De même, les objectifs d’une anesthésie réussie ont progressivement cheminé d’une absence de mortalité vers une diminution de la morbidité, comme le souligne le guide de l’American College of Veterinary Anesthesiologists dans ces recommandations pour la surveillance des animaux anesthésiés1. L’optimisation de la sécurité de l’anesthésie est d’ailleurs l’une des principales préoccupations qui reviennent dans les verbatim de notre enquête parmi les 28 % de praticiens (canins et mixtes) qui ont récemment envisagé de changer de protocole (ou qui l’ont fait). Viennent ensuite, pour expliquer ces modifications, les soucis de « varier selon les troubles de chaque animal », d’une « meilleure prise en charge de la douleur », d’une « amélioration du temps de réveil » et d’un « plus grand confort opératoire ».

L’évolution des produits disponibles sur le marché joue un rôle important. Ainsi, l’arrêt de la commercialisation du thiopental a contraint de nombreux vétérinaires à modifier leurs pratiques ! La formation continue et les échanges avec des confrères permettent ce cheminement, comme l’indique notamment un praticien qui avait « les mêmes pratiques depuis 30 ans » et qui les a changées « sur la suggestion de [sa] jeune aide ! ». L’« apparition de nouvelles molécules », telles que l’alfaxalone ou le propofol auparavant, et l’utilisation croissante de morphiniques nécessitent également une « adaptation des doses des autres produits anesthésiques » utilisés.

ÉVALUER LE RISQUE

Évaluer l’état de santé d’un animal est la première étape de la prise en charge anesthésique, par le recueil des antécédents et un examen clinique attentif. La détermination du score ASA (American Society of Anesthesiologists) est ainsi un outil pour systématiser l’estimation du risque anesthésique et y adapter son protocole. 42 % des praticiens l’utilisent en interne, avec quelques différences selon le type de pratique : 48 % pour les canins exclusifs, 32 % pour les mixtes. Cette proportion atteint 53 % chez les vétérinaires qui effectuent plus de 25 anesthésies de chiens par mois. L’examen préanesthésique représente aussi une occasion d’échanger avec le propriétaire, de lui présenter le protocole retenu. Communiquer sur le score ASA est l’un des moyens de lui expliquer la situation, ainsi que le font 23 % des praticiens canins exclusifs.

SÉCURISER L’ANESTHÉSIE

La mise en place d’un cathéter permet de disposer en permanence d’une voie veineuse pour induire l’anesthésie, mais aussi pour administrer une perfusion ou des molécules de réanimation si besoin. Les pratiques des confrères diffèrent sur ce point selon les espèces : la pose d’un cathéter est systématique chez les chiens à 62 %, à 10 % seulement chez les chats. Cet acte, quel que soit le type d’exercice considéré ou l’expérience du praticien, est surtout conditionné chez le félin par la nature de l’intervention chirurgicale envisagée, puis par le risque anesthésique encouru, le caractère déterminant la mise en place à 11 %, versus 3,6 % chez les chiens (voir infographie en pages 40 et 41).

L’intubation endotrachéale permet le contrôle du passage de l’air dans les voies respiratoires, que ce soit pour maintenir une anesthésie gazeuse ou afin d’être en mesure de ballonner rapidement l’animal lors de défaillance. La mise en place d’une sonde est également conditionnée par l’espèce. Si 75 % environ des répondants sont à l’aise avec la technique d’intubation, aussi bien chez le chien que chez le chat, ils sont 55 % à la pratiquer systématiquement chez le premier et 20 % chez le second. Les pratiques diffèrent toutefois selon le mode d’exercice : l’intubation est un acte stressant pour les praticiens mixtes à 8 % chez le chien et à 13 % chez le chat, avec un souhait de formation pratique autour de 15 %. Ces chiffres sont divisés par deux chez les praticiens canins.

La surveillance du déroulement de l’anesthésie est primordiale, quelle que soit sa durée. Les guides de recommandations indiquent d’ailleurs de remplir des fiches de suivi pour chaque anesthésie. Celles-ci précisent les protocoles utilisés, les valeurs des paramètres surveillés (rythme cardiaque, fréquence respiratoire, température, profondeur de l’anesthésie, etc.) toutes les cinq à dix minutes, et enregistrent les éventuels incidents, y compris dans les heures qui suivent le réveil. Les moyens d’assurer cette surveillance dépendent des ressources disponibles dans chaque structure. L’idéal est d’associer des machines et un contrôle humain. 64 % des répondants surveillent ainsi l’anesthésie eux-mêmes en cours d’intervention. 43 % y sont aidés par des ASV, 7 % par un confrère et 47 % recourent à des appareils de surveillance. Le taux d’équipement et le personnel disponible sont globalement plus élevés chez les vétérinaires qui pratiquent plus d’anesthésies, avec 59 % d’usage de machines (cette proportion atteint 70 % chez les confrères qui possèdent un appareil d’anesthésie gazeuse dont ils se servent régulièrement) et 52 % de surveillance par une ASV. Un contrôle attentif est à maintenir en phase postopératoire, car le risque de mortalité est important, en particulier dans les trois premières heures.

Dans l’ensemble, les deux tiers des répondants rapportent deux ou trois accidents anesthésiques sur l’ensemble de leur carrière (la durée de celle-ci a peu d’influence). 20 % rencontrent toutefois un ou deux accidents anesthésiques chaque année (25 % pour ceux qui pratiquent un grand nombre d’interventions).

FIXE OU GAZEUSE ?

Les types d’anesthésie utilisés varient fortement selon les espèces. Ainsi, l’ensemble des répondants réalisent 57 % d’anesthésies fixes chez le chat, versus 38 % chez le chien. Par ailleurs, l’induction en fixe suivie d’un relais gazeux systématique est pratiquée à 41 % chez les chiens, versus 12 % chez les chats. La nature et la durée de l’intervention tempèrent toutefois ces constats, comme le souligne un confrère : « Mon protocole dépend de l’opération chirurgicale et pas vraiment de l’espèce (hormis pour les NAC) : en effet, je pratique toute intervention longue sous anesthésie gazeuse. » Cette dernière est plébiscitée par deux tiers des confrères chez les NAC : elle est utilisée seule pour 45 % des répondants, en association systématique ou non avec une induction en fixe pour 22 % d’entre eux.

Des variations sont observables selon les modes d’exercice : les praticiens canins utilisent presque deux fois moins l’anesthésie fixe seule, quelle que soit l’espèce considérée, et privilégient l’anesthésie gazeuse. 42 % de l’ensemble des répondants déclarent d’ailleurs bien maîtriser leur appareil d’anesthésie gazeuse (51 % en considérant uniquement les praticiens canins), et 12,5 % suffisamment pour se débrouiller (voir infographie en pages 40 et 41). Un quart environ des confrères interrogés n’en possèdent pas (47 % en prenant uniquement en compte les praticiens mixtes). Pratiquement 9 % des vétérinaires seraient toutefois favorables à une formation pratique.

L’induction est pratiquée par voie intramusculaire chez le chat par 79 % des confrères, versus 10 % chez le chien, pour lequel la voie veineuse est nettement privilégiée : 68 % utilisent un cathéter, 22 % une injection à l’aiguille.

La kétamine est plébiscitée comme anesthésique par de nombreux répondants, le plus souvent associée a minima à un (ATT)2-agoniste. Quelques-uns soulignent l’utiliser aussi pour ses effets analgésiques (en perfusion continue notamment), avec parfois des risques indirects, comme pour ce confrère qui a subi des « cambriolages à répétition, uniquement à la recherche de kétamine ».

L’achat d’un appareil d’anesthésie est l’un des principaux changements réalisés ou souhaités par les vétérinaires qui envisagent de modifier leurs protocoles, à condition de le maîtriser, comme l’indique un confrère : « Je fais peu d’opérations chirurgicales et essentiellement des interventions de convenance. Pour moi, l’utilisation d’une gazeuse est importante et sécuritaire si l’équipement est adapté et si le praticien est formé à son utilisation, ainsi qu’à la surveillance. » Il convient également de contrôler les risques éventuels pour la santé des utilisateurs. L’Institut national de recherche et de sécurité ne documente pas la preuve du danger de l’exposition à l’isoflurane vis-à-vis de la reproduction (le protoxyde d’azote et l’halothane sont, pour leur part, connus pour leur toxicité hépatique, mais ils ne sont plus utilisés). Toutefois, les organismes de santé appellent à la vigilance. Une étude australienne2 rapporte ainsi une augmentation de la prévalence des accouchements prématurés chez des praticiennes exposées plus d’une heure par semaine à des gaz non collectés (un effet de la durée du temps de travail est également à considérer). Des céphalées, de la fatigue, etc., peuvent aussi être liées à des fuites de gaz dans l’enceinte opératoire. Une vérification régulière de la qualité du matériel et la présence d’un système d’évacuation adéquat sont fortement souhaitables.

  • 1 Recommendations for monitoring anesthetized veterinary patients, Acva Monitoring Guidelines Update, 2009.

  • 2 Shirangi A., Fritschi L., Holman C.D. Associations of unscavenged anesthetic gases and long working hours with preterm delivery in female veterinarians. Obstet. Gynecol. 2009;113(5):1008-17.

  • 3 Voir aussi l’article « Mieux valoriser ses actes » de Marie Hitz, La Semaine Vétérinaire n° 1602 du 24/10/2014, en pages 38 et 39.

FACTURER SES ACTES

Comme tout acte vétérinaire, l’anesthésie est à facturer au client. Déterminer le tarif le plus approprié n’est cependant pas toujours évident3. La majorité des répondants (55 %) se fient principalement au poids (qui conditionne les doses à délivrer) et à l’espèce pour fixer leur barème. Les anesthésies sont comprises dans un forfait opératoire pour 22 % des praticiens, notamment pour les interventions de convenance. Le protocole employé, avec principalement la distinction selon qu’il est fait ou non usage de l’anesthésie gazeuse, mais aussi la réalisation d’anesthésies locales, est le facteur déterminant pour 19 % des répondants. Seulement 3 % prennent en compte la durée de l’anesthésie. Cependant, différents facteurs déterminent souvent le montant de la facture. Plusieurs confrères remarquent que « les quatre cas de figure sont pratiqués en fonction des actes ». Expliquer le protocole anesthésique choisi au client permet de discuter de sa technicité et de faire accepter plus facilement son coût.

ANALGÉSIE ET ANESTHÉSIES LOCALES

L’anesthésie et l’analgésie sont indissociables pour 75 % de nos confrères. L’un d’eux précise que « le protocole analgésique est spécifique à chaque animal et à chaque intervention. Il est prioritaire et peut conditionner le protocole anesthésique ». La morphine, la buprénorphine et le butorphanol apparaissent régulièrement dans les protocoles décrits, en complément des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ces deux domaines semblent cependant complexes à moduler pour 12 % des répondants (24 % pour les praticiens mixtes) et sont des domaines distincts pour 15 % d’entre eux. Les trois quarts des praticiens connaissent les anesthésies locales, utiles pour réduire la douleur causée par la réalisation d’un acte, et qui permettent souvent de diminuer les doses des autres molécules utilisées. Pourtant, seuls 21 % en pratiquent régulièrement (voir infographie en pages 40 et 41). Cette proportion s’élève à 25 % chez ceux qui pratiquent le plus d’interventions chirurgicales en un mois. 37 % des praticiens qui comptent moins de 20 ans d’exercice estiment avoir besoin de se former dans ce domaine.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur