“La vérité d’hier n’est peut-être pas…”

J’ai pris connaissance de la lettre ouverte conjointe de plusieurs confrères (La Semaine vétérinaire n° 1599 du 3/10/2014) réagissant au dossier « Prédateurs : une incompréhension mutuelle entre leurs défenseurs et les éleveurs » (La Semaine vétérinaire n° 1595 du 5/9/2014), où j’ai témoigné d’un épisode récent d’interventions ante-mortem de vautours.

J’ai également pris connaissance de la position plus nuancée d’un autre confrère (La Semaine vétérinaire n° 1601 du 17/10/2014).

Sur le fond, je suis d’abord consterné par le manque de considération portée par certains confrères à la profession d’éleveur (ovin et bovin), qui se traduit par une accumulation dramatique de clichés et d’exagérations manifestes.

Stigmatisé – pour ne pas dire diffamé – sur les quelques lignes parues dans le dossier princeps, il me semble indispensable d’apporter plusieurs précisions :

→ j’ai pratiqué à la Pentecôte, deux jours consécutifs, des autopsies au titre de directeur du laboratoire vétérinaire départemental de l’Ariège et non à celui de praticien pouvant être lié à son client : il n’y a donc aucun conflit d’intérêts;

→ l’éleveur sédentaire, parmi les meilleurs du département au plan technico-économique, présente un troupeau en excellent état général et n’est pas “un chasseur de primes” ;

→ le lot de 500 brebis environ, objet du sinistre est constitué de brebis gestantes de 3 à 4 mois en parfait état et aucune mortalité n’avait été à déplorer dans la quinzaine précédente et la quinzaine suivante ;

→ les autopsies ont toutes été réalisées en présence d’officiels (gendarmerie, préfet), qui peuvent témoigner de l’authenticitédes faits et clichés produits ;

→ le troupeau est gardé jour et nuit par des patous très efficaces (montagne des Pyrénées) interdisant la moindre pénétration de chiens (et même de personnes) ;

→ l’autopsie, jugée par certains comme « tardive » sur un seul cliché, sans avoir ni lu le rapport officiel ni vu l’ensemble des photos annexées est en fait très précoce (brebis “gardée” par l’éleveur dès 15 minutes après l’intervention des vautours).

Après 25 ans de clientèle mixte et 15 années d’inspection en abattoir, je pense avoir acquis une expérience certaine en anatomopathologie et en particulier sur les ruminants.

Il m’est, de ce fait, possible d’affirmer qu’il n’y avait, en la matière, aucune possibilité d’action anthropique (en aucun cas, plaie de saignée), ni d’intervention d’un quelconque chien errant sur l’ensemble des brebis autopsiées.

À ce propos, le long couplet sur les chiens errants est très révélateur : ne cherchons plus, c’est la cause quasi unique !

Ce discours généraliste est réducteur et obsolète : cet argument, servi systématiquement, est exaspérant pour les éleveurs et les vétérinaires, confrontés à des situations où manifestement, la gent canine n’est pas en cause.

Il semble surréaliste de recevoir des fins de non-recevoir et des “oukazes” de ceux qui prétendent détenir et rétablir la vérité : tout scientifique sait que la vérité d’hier n’est peut-être (sans doute ?) pas celle d’aujourd’hui.

Je n’ai pas cherché à m’inviter dans une quelconque polémique sur les vautours : je n’ai décrit que les faits et rien que les faits.

Mon observation que certains se complaisent à considérer comme “unique” peut-elle constituer à elle seule une preuve scientifique ? La logique dit, bien sûr, non, mais la succession de déclarations et de publications de “cas uniques” finira peut-être par interroger ceux qui sont installés dans leur certitude.