Élégie pour un massacre

Avec plus de 200 000 morts – dont 10 000 enfants – le drame syrien est une plaie vive qui entaille notre présent. Depuis quatre ans, cette guerre barbare est également celle des images. Les médias sociaux, qui en sont devenus l’arène, y encouragent tous les excès. Et nos yeux écarquillés se détournent, peinant à reconnaître une réalité à ces images abominables. Ce terrible chaos de vidéos de toutes origines ne dessine-t-il pas pourtant l’autoportrait du désastre ? Exilé en France depuis 2011, le cinéaste syrien Ossama Mohammed y réfléchissait, en vain, jusqu’à ce qu’un signe providentiel ne lui soit envoyé depuis Homs, via Internet, par une jeune femme inconnue de lui.

À distance, ils entament un dialogue qui va rapidement se muer en une collaboration admirable. Tandis qu’à l’aide des images qu’il collecte sur YouTube, Mohammed retrace le conflit depuis les débuts de la protestation jusqu’à sa répression sanglante, Simav (“eau argentée” en kurde) filme son quotidien terrifiant dans une ville dévastée, pilonnée sans répit. Leur film commun – produit par notre confrère Serge Lalou (A 85) – prend le parti de tout montrer, de mêler l’horreur à la beauté, l’innocence à l’ignominie, la mort à la vie, tels ces chats de Homs, atrocement mutilés, miaulant leur détresse au milieu des décombres et pourtant si étonnamment vivants. Mais, par sa forme même, il fait plus que témoigner de la souffrance des Syriens. Il la transfigure en un douloureux et sublime poème cinématographique.

Eau argentée d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan, France-Syrie, 1 h 43, en salles le 17 décembre.