Dossier
Auteur(s) : Serge Trouillet
La gestion des ressources humaines est nécessaire pour toute entreprise vétérinaire. Elle a un impact direct non seulement sur l’organisation, mais aussi sur la clientèle et, par conséquent, sur le chiffre d’affaires. Elle inclut aussi bien la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences que la fidélisation des talents. Plusieurs enseignements sont à tirer des pratiques de plus grandes structures qui y consacrent des spécialistes et du temps. L’objectif est, in fine, d’ajuster son mode de fonctionnement, dans l’intérêt de son activité.
Le dirigeant d’une petite structure ne rencontre pas les mêmes problématiques en termes de ressources humaines que celles d’un grand groupe qui dispose d’un département dédié pour recruter, former, développer et évaluer des compétences. La petite entreprise n’a pas une approche aussi distanciée. « Nous sommes plus immédiatement dans le contact humain, et nous n’abordons pas l’individu à travers une grille de lecture de gestion, explique Hélène Villarroya, consultante de la société de conseil et d’audit Adévet. Pourtant, tout chef d’entreprise doit être habité par la nécessité de tirer le meilleur profit des ressources dont il dispose. Sa gestion a un impact direct sur la clientèle et le chiffre d’affaires, surtout dans un métier de services tel que la profession vétérinaire. » Celle-ci vend, en effet, des compétences techniques et une qualité relationnelle propres à ciseler l’image de la clinique.
La conduite des ressources humaines a une composante essentiellement administrative (gestion des contrats de travail, des congés, de la paie, etc.). Aucune structure vétérinaire n’y échappe, même avec le concours, parfois, de cabinets d’experts-comptables. « C’est le socle obligé de la discipline, résume Yves Grandmontagne, directeur des ressources humaines de Microsoft France et vétérinaire de formation. Cette partie apporte peu de valeur ajoutée à l’entreprise. C’est loin d’être le cas pour d’autres sujets relatifs aux ressources humaines : le recrutement, la gestion des équipes et des conflits, la rémunération, la gestion de carrière des salariés, la formation, etc. Pour orienter l’organisation de l’entreprise vers davantage d’efficacité, ils doivent être structurés. »
Le recrutement n’est pas une science exacte. Il est chronophage et peut coûter cher si le chef d’entreprise se trompe. L’important est de savoir identifier ses attentes, de les corréler à une expérience passée, d’en parler entre associés, d’avoir une vraie définition de la fonction, une grille de lecture des CV, une procédure de déroulement de l’entretien d’embauche, avec une fiche à remplir pendant celui-ci, et une réunion de débriefing pour arrêter son choix. Yves Grandmontagne recommande même « que le candidat rencontre plusieurs personnes au sein du cabinet pour avoir un avis partagé. La personne recrutée sera amenée à travailler avec une équipe ».
Recruter exige d’être transparent. Qu’il s’agisse de l’encadrement, des gardes, de l’évolution du salaire, des perspectives d’association, etc., tout doit être clarifié. En outre, il importe de séduire, notamment en rurale, où la demande excède l’offre. « L’annonce valorisera le cabinet et le poste en proposant de l’accompagnement, du développement, un planning d’intégration, ajoute Laurence Lajou, manager de l’agence de conseil Something Else1. Les compétences à acquérir et les points réguliers avec les nouveaux collaborateurs seront évoqués. L’objectif est de leur faire comprendre que nous nous occupons d’eux, qu’ils sont pris en charge, qu’ils ne seront pas seuls, qu’ils grandiront avec l’équipe, avec le soutien de tous. Ces arguments sont rassurants pour les jeunes vétérinaires qui arrivent dans une structure. D’emblée, ils se sentent en confiance. »
Gérer ses hommes consiste à tenter de maîtriser au mieux un destin commun. Il est possible d’y parvenir grâce à une implication collective. « Nous prenons des décisions en permanence, note Yves Grandmontagne. La meilleure façon de les rendre opérantes est d’associer le personnel – et je ne parle pas d’auto-gestion – à la réflexion. Cette considération rend chacun fier de travailler pour son entreprise. » Il est également essentiel de partager sa vision de la structure et son projet. L’organisation de réunions régulières, formelles ou non, permet d’évoquer les priorités pour l’année, de faire état des décisions prises, de résoudre les dysfonctionnements qui sont apparus, etc. « La gestion des équipes s’appelle le management. C’est un facteur d’efficacité du business », soutient le DRH de Microsoft France.
Mener une équipe signifie également créer un climat de travail. Ce n’est pas incompatible avec un objectif d’exigence professionnelle. La différence d’efficacité influe souvent sur la qualité de l’ambiance dans l’équipe. Le client ne s’y trompe pas. « Pour cela, la confiance doit être réciproque, prévient Laurence Lajou. Le manager doit expliquer et appliquer, dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit. Il convient de prendre garde aux promotions internes dans un petit groupe. Sans réelle légitimité, cela pourrait s’apparenter à un cadeau empoisonné ! Attention aussi à prévenir le jeune vétérinaire vis-à-vis d’une proximité excessive avec des collègues, des praticiens ou des auxiliaires spécialisées vétérinaires (ASV), s’il a été recruté dans la perspective d’être associé. »
En matière de rémunération, il convient d’avoir une vraie clé de réflexion. Le chiffre d’affaires, par exemple, ne constitue pas le seul critère de référence. « Un chirurgien en équine génère un chiffre d’affaires plus important qu’un praticien itinérant, poursuit Laurence Lajou. Cependant, le premier consomme énormément de ressources, tandis que le second répond tout autant à la demande de la clientèle, ramène des cas plus lourds pour la clinique et consomme peu de charges de structure. Il est donc indispensable de mettre en place un contrôle de gestion avec une analyse de la valeur créée par chacun, qui permette de repositionner, de manière objective, chaque contribution quant à la réussite de l’entreprise. »
Une rémunération se décline le plus souvent sous la forme d’un “package”. Outre le salaire, certains avantages peuvent permettre de faire la différence d’une clinique à l’autre : une meilleure qualité de la protection de la mutuelle, des bons cadeaux distribués dans certaines occasions, etc. « Il faut mettre en place un système de management, de rémunération, de formation et de développement qui attire les meilleurs et les motive à rester, assure Yves Grandmontagne. Le turnover coûte très cher. Fidéliser n’est pas un mot pour faire chic. C’est un terme qui a un sens “business”. “Vous rejoignez une entreprise, vous quittez votre manager”, dit le dicton. Une bonne politique de ressources humaines rapporte beaucoup. »
La gestion de la carrière d’un collaborateur ne peut se réduire à sa seule évolution salariale. Il est susceptible de devenir associé. Surtout, il s’affirmera via les responsabilités qui lui seront confiées. Dans un cabinet, les missions ne manquent pas. Cela peut être l’encadrement des stagiaires, l’intégration d’un (e) nouvel (le) ASV, la mise en place d’outils de marketing, la réorganisation du serveur, etc. « Confier n’est pas abandonner ; mais un bon encadrement, des encouragements, voire des félicitations le cas échéant, sont des leviers forts pour générer de l’engagement et de la motivation », fait valoir Laurence Lajou.
S’attacher à gérer les carrières se révèle donc la seule façon de retenir les personnes, de les développer, donc de faire acquérir à l’organisation de nouvelles compétences. Yves Grandmontagne a son idée sur la méthode : « Le manager doit essayer de trouver le bon équilibre pour mettre une personne « sous tension » dans son travail, ce qui ne signifie pas la mettre dans une situation inconfortable, mais la placer dans une zone d’apprentissage, de découverte, de situation nouvelle. C’est ainsi qu’un collaborateur construit ses compétences et qu’au fil des années il peut prendre de nouvelles responsabilités. » Cette gestion requiert des conversations dédiées et régulières avec les personnes de son cabinet. Il importe de savoir si elles sont bien dans l’exercice de leur poste, quels sont leurs souhaits, leurs besoins, etc. En résumé, il s’agit d’établir avec elles un dialogue entretenu et sérieux.
La formation continue est une évidence dans tout métier. Pour autant, elle ne constitue pas l’unique moyen de développement des compétences. Le premier axe reste sans conteste l’exercice de son métier, accompagné par son manager. C’est l’avis d’Yves Grandmontagne : « La formation est une chose, mais le quotidien est le plus important. Les vétérinaires doivent être des mentors ou des coachs dans leurs équipes. Ils doivent s’appliquer à mettre leurs collaborateurs dans les meilleures situations pour exercer leur fonction, pour apprendre. Certains le font bien, d’autres ne le font pas. Il importe d’avoir cette attention et de se forcer à consacrer un temps structuré pour cet accompagnement, parce que ce n’est pas naturel. En revanche, c’est très productif. »
Enfin, le manager doit faire face au conflit. Ce dernier est même souhaitable, car il est parfois salutaire de purger les désaccords inévitables dans une entreprise. Mieux vaut se dire les choses. Certes, il est préférable d’éviter que cela ne soit fréquent en cultivant un environnement de travail, le dialogue, une relation professionnelle de qualité. Mais il faut aussi savoir se montrer exigeant. Il est impossible d’accepter des comportements qui nuisent au bon fonctionnement de l’équipe. Au besoin, il convient de prendre les décisions, y compris difficiles, qui s’imposent. « Lorsque nous nous séparons d’une personne, ce n’est pas pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle fait, relève Yves Grandmontagne. Dans nos cultures latines, nous avons souvent tendance à mélanger les deux. »
Ainsi, de nombreux outils et méthodes en management existent : la trame de l’entretien pour le recrutement, le parcours d’intégration ensuite, puis les réunions et les échanges réguliers d’informations, l’entretien individuel pour l’évaluation des compétences, l’attention portée aux conditions de travail, la création d’un esprit d’équipe, etc.
Cependant, il ne faut pas se focaliser sur les outils. Le manager doit être conscient que ses propres qualités participent à la gestion des ressources humaines. Le préalable pour lui sera de se poser la question : « Ai-je l’attitude du bon manager ? » Pour réussir, le dirigeant pourra trouver les réponses en regardant autour de lui, en recourant aux services d’un consultant, mais en essayant toujours d’être honnête avec lui-même. Son rôle n’est pas de changer les individus, mais d’utiliser au mieux leurs qualités et leurs compétences au bénéfice de l’entreprise. « Nous sommes dans l’humain et la gestion managériale est très fine, conclut Hélène Villarroya. Ces compétences s’acquièrent par l’expérience et des formations. Mais le plus important, dans la gestion des équipes, est d’avoir le souci réel des personnes. Pour les aider à se former dans l’intérêt de l’entreprise, pour s’entretenir avec elles en toute franchise, il convient de les connaître et d’avoir envie de leur parler. »
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