Constipation chez le chien : démarche diagnostique et traitement - La Semaine Vétérinaire n° 1610 du 19/12/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1610 du 19/12/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Patrick Lecoindre*, Laurent Masson**

Fonctions :
*diplômé de l’Ecvim, praticien
à Saint-Priest (Rhône).
Article tiré d’une conférence
présentée au congrès du Gemi
à Avignon, en avril 2014.

POINTS FORTS

– La constipation d’origine organique prédomine chez le chien. Ses deux principales origines sont les fistules anales et la hernie périnéale.

– Le diagnostic est avant tout clinique.

– Des précautions sont à prendre lors de lavement.

La constipation est un symptôme fréquent en gastro-entérologie du chien. Pour schématiser, elle résulte d’un trouble de la progression des fèces (lésion du gros intestin ou des organes voisins, défaut de motricité colique en l’absence d’atteinte) ou de l’évacuation. Elle peut être secondaire à une maladie digestive ou extradigestive, mais aussi considérée dans certains cas comme “une véritable maladie”, primitive et fonctionnelle.

ÉTIOLOGIE

Causes organiques

Selon l’étude rétrospective (non publiée) qui porte sur 92 cas avérés sur 4 ans présentée par Patrick Lecoindre, la constipation organique est beaucoup plus fréquente chez le chien (à l’inverse de ce qui est observé chez l’homme). Les fistules anales en sont la principale cause. Dans ce cas, la constipation est due à l’inflammation de la paroi du canal anal (susceptible d’entraîner une sténose) ou à une douleur telle qu’elle empêche le chien de déféquer. La deuxième origine est la hernie périnéale lors de déformation du rectum : saccule rectal, hernie de la muqueuse rectale à travers la paroi musculaire (diverticule), inflexion sigmoïde rectale due au relâchement du ligament suspenseur du côlon secondaire au ténesme.

Parmi les causes moins fréquentes, une inflammation des glandes sacculaires anales peut être à l’origine d’une constipation transitoire et bénigne. Les circumanalomes n’entraînent généralement pas de troubles de la défécation. Toutefois, des infiltrations tumorales du canal anal sont susceptibles de provoquer une rétention fécale par sténose. Les tumeurs colorectales adénomateuses (les plus fréquentes chez le chien) n’induisent généralement pas de troubles de la défécation tant que la paroi colique conserve son élasticité.

L’apparition d’une dyschésie ou d’une constipation est souvent péjorative. Elle est, en effet, en faveur d’une tumeur infiltrante carcinomateuse et sténosante. Ces lésions tumorales sont à différencier de celles granulomateuses post­inflammatoires (ingestion d’os, rectocolite sévère) susceptibles d’être responsables d’une importante douleur lors de la défécation, voire d’une sténose et d’une constipation d’origine obstructive, souvent associée à une dyschésie et à une hématochézie. Enfin, une arthrose coxofémorale ou une instabilité lombo-sacrée peuvent générer une douleur en position de défécation et favoriser une rétention fécale.

Causes fonctionnelles

La constipation fonctionnelle est d’origine neurologique (syndrome de la queue de cheval, hernie discale) ou secondaire à un trouble (hypercalcémie, hypokaliémie, hypothyroïdie). Le syndrome du côlon irritable occasionne de la constipation chez l’homme, mais plutôt une diarrhée avec quelques épisodes de constipation chez le chien.

CONFIRMER LA CONSTIPATION

Les commémoratifs et l’examen clinique confirment la constipation dans six cas sur dix environ sans recours aux investigations complémentaires.

Commémoratifs

Il convient de prendre garde à l’interprétation des signes cliniques par le propriétaire. En effet, chez les animaux constipés, il est possible d’observer une pseudo-diarrhée, sous la forme de glaires, hémorragique, secondaire à l’irritation que la masse stercorale provoque sur la paroi colique. Par ailleurs, le ténesme est souvent confondu avec de la constipation.

Il convient également de s’intéresser au régime alimentaire (ingestion d’os, carence en fibres, suralimentation), à l’administration de médicaments (pansement gastrique, diurétique) et aux antécédents (traumatisme, chirurgie des glandes anales). Des vomissements peuvent être notés lors de syndrome occlusif gravissime. La présence de sang en nature est parfois constatée, ainsi que des fèces “rubanées” qui traduisent une réduction du diamètre colorectal ou, au contraire, l’émission souvent au prix d’efforts importants d’une selle volumineuse (“bouchon” susceptible de s’être formé dans un diverticule rectal).

Examen clinique

Celui-ci débute par une inspection externe des régions périnéale (recherche de hernie) et anale (fistules anales, tumeurs, dermatite, etc.), et se poursuit par une palpation abdominale (taille et consistance du côlon) et un examen articulaire des membres postérieurs et de la jonction sacro-coccygienne. Enfin, le toucher rectal est à réaliser avec prudence, car il peut être douloureux. Il est susceptible de mettre en évidence des fèces dures et sèches, des débris osseux, une sténose rectale ou anale, une accumulation de matières fécales lors de hernie périnéale, une obstruction de la filière pelvienne, une hypertrophie ou une douleur prostatique.

Bilan biologique

Un bilan complet est nécessaire pour rechercher des anomalies électrolytiques et évaluer une déshydratation consécutive à une coprostase chronique.

Imagerie

Les examens d’imagerie permettent de confirmer un contenu colique anormal (diamètre du côlon supérieur à la longueur de L7), d’évaluer la sévérité de la constipation, de rechercher des signes d’arthrose ou une organomégalie pelvienne (prostate et adénopathie, notamment). La coloscopie est l’examen de choix pour objectiver la présence d’une lésion pariétale (tumeur ou sténose inflammatoire, fistule périanale intrarectale), mais elle nécessite une vidange du côlon. Le diagnostic de colopathie fonctionnelle n’est établi qu’après ces examens, en l’absence de lésion.

TRAITEMENT

Le traitement est avant tout étiologique.

→ L’intervention chirurgicale est incontournable dans de nombreux cas : hernie périnéale, diverticules du rectum, tumeurs, fistules anales. « Donner des laxatifs à un chien souffrant d’une hernie peut améliorer un temps les symptômes, mais seule l’opération chirurgicale est recommandée », insiste notre confrère.

→ La prise en charge non spécifique repose sur le lavement, l’administration de laxatifs et, éventuellement, de stimulants de la motricité. Dans les formes sévères, les lavements sont réalisés sous anesthésie générale ou tranquillisation poussée (après la réhydratation de l’animal) et associés à une évacuation manuelle des fèces. Les laxatifs les plus efficaces sont les substances à effet osmotique, telles que le lactulose1 (0,25 à 0,5 ml/kg de Duphalac®, deux ou trois fois par jour, per os). Ils peuvent, sans risque, être utilisés en traitement chronique : l’objectif est d’obtenir une à trois fèces molles par jour. Les stimulants de la motricité sont réservés aux formes d’hypomotilité colique idiopathique ou neurogène (dysautonomie), sans obstacle associé, et après la vidange du côlon lors de coprostase sévère. La ranitidine1 comporte un effet prokinétique chez le chien uniquement (1 à 2 mg/kg, deux ou trois fois par jour, per os). Le cisapride est l’une des molécules les plus efficaces, mais il n’est plus commercialisé en France.

→ Il n’existe pas de règle générale relative au régime diététique. Un aliment hyperdigestible (peu de fibres insolubles, présence de fibres solubles) diminue le volume des matières fécales, mais ne stimule pas la motricité colique et produit des fèces plutôt collantes. En attendant d’opérer la hernie périnéale, notre confrère préfère conserver l’aliment distribué et prescrire un laxatif. Les régimes riches en fibres insolubles stimulent le péristaltisme et se révèlent intéressants dans les cas réfractaires, surtout lors de colopathie purement fonctionnelle. Ils sont cependant déconseillés en cas d’obstacle. Le psyllium est une graine qui contient des fibres solubles, mais peu fermentescibles. Il produit un mucilage qui lubrifie le côlon et le rectum. Ces graines, peu appétentes, sont incorporées à l’alimentation (Psylia®1, une ou deux cuillères à café pour 10 kg de poids par repas, en fractionnant la ration en deux ou trois prises).

  • 1 Pharmacopée humaine.

QUELQUES RÈGLES POUR RÉALISER UN LAVEMENT

→ Réaliser préalablement un toucher rectal pour évaluer la présence d’un diverticule rectal ou d’une sténose (pour prévenir une perforation dans le premier cas).

→ Ne pas dépasser 10 à 30 ml/kg d’eau tiédie, éventuellement enrichie en lactulose. Éviter l’eau savonneuse, susceptible d’être irritante, et l’huile de paraffine, qui complique l’extraction manuelle.

→ Ne pas négliger le risque de choc chez le chat à la suite de la dilatation colique.

→ Ne pas vouloir évacuer toutes les fèces en une seule fois.

→ Prévenir le risque de translocation bactérienne par une couverture antibiotique (selon la sévérité des lésions de la muqueuse rectale).

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