L’Aubrac, ses vaches, ses burons

Dans la seconde moitié du siècle dernier, une civilisation paysanne millénaire a disparu sous nos yeux. Les moissons, fenaisons, labours, fêtes et foires qui ritualisaient la vie des campagnes ne survivent plus que dans notre mémoire collective. Alors que le pays compte moins d’un million d’agriculteurs aujourd’hui, ils étaient quatre millions au début des années 1960. Haute et rude terre d’élevage, l’Aubrac semble l’émanation la plus pure de ce qu’était encore alors la France rurale. En garder la mémoire a été l’objectif de la mission Aubrac initiée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à partir de 1963, à laquelle s’est associé, avec passion, Jean-Dominique Lajoux. En dix ans de terrain dans la région, le photographe, cinéaste et ethnologue a assisté à la disparition des cultures de céréales, des moulins, des fours, des forges, des foirails, des laiteries artisanales (ou burons). Lieux, techniques, traditions – le battage du grain, la traite en plein air, la fabrication du fromage, le ferrage des bœufs, la fête du cochon, etc. – ont été néanmoins méticuleusement observés et photographiés. L’épais ouvrage, dont il signe à la fois le texte et la belle iconographie, synthétise ses travaux pour rendre avec précision, au fil des saisons, l’organisation de la vie agricole dans ces “montagnes” des années 1960. Loin du folklore, ce témoignage précis et précieux, vivant plus que nostalgique, nous plonge dans l’intimité de ce monde éteint avec la même immédiateté qu’un album de famille.

Aubrac, des racines et des hommes de Jean-Dominique Lajoux, Delachaux & Niestlé, 26 x 26 cm, 335 pages, 45 €.