Restructurer son activité pour retrouver sa rentabilité financière - La Semaine Vétérinaire n° 1610 du 19/12/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1610 du 19/12/2014

Entreprise

Auteur(s) : Serge Trouillet

Face à la baisse de rentabilité des cliniques, des solutions atypiques de mutualisation des moyens, de gouvernance et de financement émergent dans la profession. En témoigne le projet du premier centre d’imagerie multi-espèces (avec IRM), élaboré par deux praticiens au Mans.

Il ne manque plus que la levée de fonds au projet baptisé Imagerie vétérinaire 72 (IV72). La construction d’un centre d’imagerie vétérinaire multi-espèces du Grand Ouest est en effet prévue en 2015, pour un démarrage de l’activité en 2016. « Il nous a semblé nécessaire que les confrères s’impliquent dans cette création à travers un engagement financier  », soulignent Philippe Zeppa et Christian Bussy, les initiateurs de ce projet. La forme juridique du centre s’articulera ainsi : d’un côté, une société par actions simplifiée (SAS IV72 créée en 2012) détiendra le terrain, le bâtiment et le matériel ; de l’autre, une société d’exercice libéral (SEL) gérera l’activité professionnelle. « L’intérêt de prescrire au centre va de pair avec une mise de fonds initiale. Nous estimons que 300 vétérinaires environ sont susceptibles d’adhérer au projet : c’est indispensable pour un départ d’activité sain. »

L’idée vient d’un petit groupe de praticiens attachés à la sauvegarde des intérêts de leur profession. Leur association, implantée près du Mans, a permis d’organiser le service d’urgence pour les petits animaux, de favoriser la bonne entente entre les vétérinaires, puis de faire germer des idées de mutualisation de compétences et de moyens, tant en canine qu’en équine, dans le domaine de l’imagerie médicale.

REBONDIR DANS UN MARCHÉ CONCURRENTIEL

L’apparition de la directive “services” et sa transposition en droit français, en 2006, ont bouleversé l’équilibre en place. « L’arrivée des chaînes de cliniques low cost ou high-tech est un sujet d’inquiétude ou d’espoir selon les interprétations ou les attentes de chacun, soulignent les promoteurs du projet IV72. Plutôt que de subir ces changements, nous avons choisi de les anticiper. Nous voulons être les acteurs de notre avenir. »

La rentabilité des cabinets et des cliniques vétérinaires baisse en France, avec une croissance atone. Des erreurs de gestion, telles que le manque de revalorisation des actes, n’y sont pas étrangères. Le tarif d’une césarienne chez une vache, par exemple, n’a pratiquement pas évolué depuis 25 ans ! Parallèlement, la profession s’est considérablement modernisée, en investissant dans du matériel haut de gamme.

La taille des structures ne permet cependant plus de faire face à cette surenchère permanente. Selon Christian Bussy, « la restructuration de la profession devient une nécessité vitale. La mutualisation des moyens doit prendre la place de l’individualisme. C’est collectivement que nous pourrons faire face. Les enjeux de ce changement sont la qualité des soins prodigués et la rentabilité financière ».

UN CAPITAL DÉTENU PAR LES ÉQUIPES

Ce centre sera la première structure d’imagerie multi-espèces équipée d’un appareil d’IRM1 à haut champ mis en place en médecine équine en France. En outre, la SAS IV72 sera la première société dont le capital sera détenu par des vétérinaires et des salariés. Les vétérinaires (1 000 €) et les ASV (100 €) peuvent y participer. Les frais d’investissement, qui s’élèvent à trois millions d’euros, comprennent un appareil d’IRM à haut champ magnétique (600 000 € environ) et des bâtiments d’une superficie de près de 1 000 m2.

Deux catégories d’investisseurs sont ainsi envisagées. « Les jeunes vétérinaires, dont l’investissement se situe plutôt dans la fourchette basse des propositions, sont pleinement convaincus du développement de cette discipline dans leur profession, selon Philippe Zeppa et Christian Bussy. Leurs aînés, quant à eux, voient se reproduire dans cette démarche ce qui a été mis en place il y a 30 ans avec les centrales d’achat. Cela leur parle. Le niveau de leur investissement est plus élevé. »

Par sa haute technicité, le centre a vocation à accueillir des praticiens qui désirent effectuer des travaux de recherche. 2 300 vétérinaires libéraux de plus d’un millier de cabinets et cliniques des 18 départements du nord-ouest de la France sont potentiellement concernés. Cette structure s’ouvrira aux spécialistes (chirurgie, cancérologie, neurologie, etc.), aux étudiants qui travaillent sur leur thèse, ainsi qu’aux laboratoires de recherche médicale de la région. Certains centres ne sont pas adaptés à l’examen et à l’hébergement d’animaux qui n’appartiennent pas aux espèces de laboratoire classiques. Celui du Mans pourra tous les accueillir, quelle que soit leur taille.

MUTUALISER LES ÉQUIPEMENTS COÛTEUX

Les initiateurs du projet veulent lui donner une résonance sociale, économique et environnementale. En effet, les salariés auront la possibilité de s’y associer. Puis, « grâce à la mutualisation des moyens et des compétences, doublée de notre souci de rentabilité, le prix des actes restera abordable pour de nombreux propriétaires d’animaux, se félicitent Philippe Zeppa et Christian Bussy. Cela évitera de voir apparaître une médecine vétérinaire à deux vitesses ». De plus, « en limitant le nombre de sources de rayonnements et en les installant dans des structures construites à cet effet et capables de respecter les normes les plus drastiques, notre centre d’imagerie vétérinaire apporte une réponse concrète à la protection de l’environnement ».

Ils ont même souhaité lui conférer une dimension éthique, sans concurrence déloyale : le centre n’investira pas dans des scanners (déjà nombreux). En outre, les structures équipées d’un appareil d’IRM les plus proches sont à 200 km. Il n’y aura pas non plus de récupération des prestations : « Le centre d’imagerie acceptera uniquement des cas référés, précisent les initiateurs du projet. Il ne s’agit pas d’un centre hospitalier vétérinaire. Seuls les examens prescrits par le praticien traitant seront réalisés. Ce mode de fonctionnement permet de ne pas diminuer l’activité propre des cabinets et des cliniques de la région. La structure peut également être un outil de mutualisation d’équipements coûteux et souvent peu rentables au niveau d’une seule clinique. »

DÉMULTIPLIER SON MODÈLE

En mettant de tels moyens diagnostics à la disposition des vétérinaires, en prévoyant de diffuser des publications, d’organiser des soirées thématiques et des journées de formation, le centre se projette comme un outil majeur de la formation continue adapté aux praticiens, et de la recherche, grâce à son rayonnement facilité par le soutien des collectivités locales. Ce projet ambitieux nécessite une gestion financière rigoureuse, afin d’assurer un retour sur investissement aux futurs actionnaires. « Nous avons privilégié la participation massive de la profession, indiquent ses promoteurs. Nous avons même consacré deux années supplémentaires à tenter de la convaincre. Cela permet d’espérer une activité plus soutenue dès le démarrage. Tout référent actionnaire deviendra alors acteur des bons résultats de la structure. »

La multiplication des investisseurs devrait permettre de mutualiser le risque financier par une participation individuelle minime, ainsi qu’un recours le plus restreint possible aux emprunts bancaires. Enfin, « la conception juridique et financière du centre permettra de suivre les progrès technologiques en investissant régulièrement. Son évolution logique est le clonage, selon le modèle réussi du développement des centrales d’achat ».

  • 1 Imagerie par résonance magnétique.

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