Des abeilles sur la joue

Alice Rohrwacher (34 ans) fait partie de ce cinéma italien renaissant dont les fables filmées, mieux que des narrations explicatives et huilées, sont en prise sensible avec le réel. Sélection officielle du 67e Festival de Cannes (2014), ce second long métrage y a été gratifié du Grand Prix.

“Merveilles” que sont Gelsomina et ses trois jeunes sœurs, ou ces abeilles que l’adolescente fait sortir de sa bouche, quand elle ne travaille pas avec son père pour récolter le miel. La belle bohème de cette famille germano-italienne, qui vit en autarcie dans une ferme délabrée du centre de l’Italie, doit composer avec les excentricités d’un père bourru et l’âpreté des réalités économiques. L’apiculture rapporte peu et les règlements européens exigent des mises aux normes qu’ils n’ont pas les moyens de financer. Deux événements viennent troubler le fragile équilibre de la tribu : l’arrivée d’un adolescent allemand dans le cadre d’un programme de réinsertion et un jeu télévisé de pacotille s’intéressant aux savoir-faire ancestraux de la région.

La confrontation à ces altérités permettra à la timide jeune fille de s’affranchir de l’utopie paternelle pour inventer sa propre vision du monde. Récit initiatique délicat et chant du cygne de l’Italie rurale traditionnelle, le film offre un magnifique regard sur l’enfance. Le chaleureux naturalisme des images en Super 16 sait capter la grâce de ces vies marginales et de leurs rêves perdus. Tout en racontant un échec, Le Meraviglie fait entrevoir un possible ailleurs merveilleux.

Les Merveilles (Le Meraviglie) d’Alice Rohrwacher, avec Maria Alexandra Lungu, Sam Louwyck, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo et Monica Bellucci, Italie, 1 h 51, en salles le 11 février 2015.