Formation
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Pierre-François Isard*, Thomas Dulaurent**
Fonctions :
*spécialiste en ophtalmologie, praticiens au CHV Saint-Martin à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie)
**spécialiste en ophtalmologie, praticiens au CHV Saint-Martin à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie)
Cause majeure de cécité, le décollement de rétine voit son taux de morbidité s’accentuer régulièrement d’année en année, sans doute en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de la médicalisation toujours plus poussée chez les animaux de compagnie.
Le décollement de rétine peut être spontané et lié au vieillissement des tissus (rétine et vitré), idiopathique (décollement de rétine stricto sensu, steroid responsive retinal detachment), ou être la conséquence d’une hypertension artérielle ou d’une uvéite postérieure exsudative ou transsudative.
Le décollement de rétine peut se définir comme une séparation anormale entre le neuro-épithélium rétinien et l’épithélium pigmentaire. La plupart du temps, hormis les cas “médicaux” qui relèvent d’un traitement médical seul, il est de type rhegmatogène. Cela signifie qu’il s’accompagne d’une déchirure du neuro-épithélium (voir photo 1) et qu’il ne peut être traité que par une intervention chirurgicale.
La présence de la déchirure explique le caractère évolutif de l’affection. En effet, le corps vitré aggrave le décollement en se propageant progressivement au sein de l’espace sous-épithélial. Ainsi, de restreint et localisé au départ (voir photo 2), le décollement de rétine augmente en surface et en profondeur jusqu’au décollement infundibuliforme (voir photo 3), concernant l’ensemble de la rétine à l’exception de zones d’attache solides (papille à la tête du nerf optique et ora ciliaris retinae à la périphérie) puis, enfin, en ne conservant que l’attache papillaire. L’image typique de la dialyse rétinienne (voir photo 4) est alors observée.
Il est ainsi possible de comprendre l’importance du diagnostic précoce, dans la mesure où l’aggravation du syndrome rend le traitement chirurgical de plus en plus complexe et aléatoire. Pendant ce temps, les populations cellulaires du neuro-épithélium rétinien dégénèrent pour aboutir dans un délai variable (de 15 à 30 jours) à une cécité irréversible.
Les symptômes sont assez constants : absence ou diminution significative de la vision générant des troubles du comportement (surtout si l’affection est bilatérale), et modification des réponses cliniques (épreuve de la boule de coton, réponse à la menace, à l’éclair lumineux). Le réflexe photomoteur est toutefois susceptible de persister longtemps. La mydriase aréflective s’installe progressivement selon la surface décollée et la profondeur de l’atteinte des différentes couches rétiniennes.
Le niveau de dégénérescence cellulaire est difficile à apprécier, car la réponse électrophysiologique du neuro-épithélium est très altérée dès les premières heures du décollement. D’acquisition récente, la pupillométrie chromatique offre maintenant une meilleure approche physiopathologique en permettant de séparer la réponse des cellules ganglionnaires de celle de l’étage réceptoral (photorécepteurs et cellules associées). En effet, la plus grande partie, voire la totalité, du réflexe photomoteur est déclenchée au niveau rétinien par la stimulation photonique directe des cellules ganglionnaires de la rétine. Celles-ci sont dotées d’un pigment photosensible découvert relativement récemment : la mélanopsine (identifiée en 2002 dans les cellules ganglionnaires rétiniennes).
Ainsi, le résultat des examens ophtalmoscopique, échographique et électrophysiologique constitue l’élément clé du pronostic. Si la transparence des milieux (du cristallin, notamment) n’est pas altérée, l’examen ophtalmoscopique direct, ou mieux indirect, permet d’observer le décollement en appréciant le trajet des vaisseaux rétiniens et les anomalies de position du neuro-épithélium.
Dans le cas contraire, l’échographie en mode B permet d’identifier facilement les décollements rétiniens sous toutes leurs formes. L’électrophysiologie peut objectiver le pronostic de récupération fonctionnelle après une réapplication chirurgicale.
Le traitement médical (anti-inflammatoire et/ou diurétique) concerne essentiellement les affections en relation avec une maladie systémique ou idiopathique.
Dans les autres cas, le traitement est chirurgical et toujours associé à la prise en charge médicale. Les techniques peuvent être invasives ou non.
Si la photocoagulation par laser transscléral est plutôt réservée aux mesures préventives, la photocoagulation transpupillaire constitue la méthode de choix pour circonscrire un décollement localisé et l’empêcher ainsi de s’aggraver. Elle suppose la transparence des milieux endo-oculaires.
La procédure chirurgicale débute par la création de ports de travail, au nombre de trois en général : infusion, éclairement et/ou vidéo, instruments. L’avènement récent de la vidéo-endoscopie oculaire améliore considérablement l’abord du segment postérieur en permettant une observation précise des structures qui s’y trouvent. La deuxième étape chirurgicale est la vitrectomie (voir photo 5). Celle-ci permet de retirer l’ensemble du corps vitré afin de permettre les temps suivants, d’éliminer les éventuelles brides tractionnelles ou de prolifération vitréorétinienne (voir photo 6), et de prévenir la formation de brides secondaires lors de la phase immédiatement postopératoire. La réapplication du neuro-épithélium est alors possible et permise par l’injection, près du pôle postérieur, d’un liquide à haute densité (perfluorocarbone). Le produit agit par gravité et permet également de chasser vers le haut les liquides stockés anormalement dans l’espace sous-épithélial, qui sont éliminés par aspiration.
Ce temps est suivi de la phase de photocoagulation par des impacts (de 60 à 100) réalisés à l’aide d’un laser infrarouge. Le perfluorocarbone est ensuite aspiré et remplacé par un substitut du vitré : de l’huile de silicone est employée si aucun risque de passage dans la chambre antérieure n’est identifié. Dans le cas contraire, l’hyaluronate de sodium hautement réticulé est utilisé, par cross linking, de mise au point récente.
Ces procédures sont complexes et réservées à des services spécialisés. Toutefois, les résultats sont constamment améliorés et, hormis les cas de dialyse rétinienne ou de décollement infundibuliforme ancien, le pronostic de récupération fonctionnelle est régulièrement favorable si les interventions sont pratiquées sans délai. L’avènement de la chirurgie endoscopique oculaire est un élément essentiel de l’optimisation de la procédure, lorsque l’indication chirurgicale est clairement précisée, grâce à une meilleure connaissance de la physiopathologie du décollement rétinien.
→ Isard P.F., Dulaurent T. Affections du vitré et de l’appareil hyaloïde. Encyclopédie médico- chirurgicale. 2014.
→ Hattar S., Kumar M., Takao M., Berson D.M., Yau KW. Melanopsin-containing retinal ganglion cells: architecture, projections and intrinsic photosensitivity. Science. 2002;295:1065-70.
→ Isard P.F., Déan E., De Geyer G., Lazard P. Le décollement de la rétine. Le Point Vétérinaire, juillet-août 2007, n° 277.
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