Formation
PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS
Auteur(s) : Paul Périé
Fonctions : praticien à Pont-Audemer (Eure), membre de la commission épidémiologie de la SNGTV
En janvier 2013, l’Allemagne, qui a entamé depuis plusieurs années un plan d’éradication de la Bovine Viral Disease (BVD), a connu une importante épizootie de BVD type 2. Auparavant, seuls des virus de type 1 y circulaient, comme dans le reste de l’Europe. Les premiers variants de type 2 ont été isolés aux États Unis et au Canada dans les années 1990. Jusqu’alors, ils étaient considérés comme davantage pathogènes que ceux de type 1. Plus récemment, il a cependant été démontré que la virulence ne constituait pas le facteur de division : des formes plus virulentes et d’autres qui le sont moins ont été retrouvées dans les deux sous-groupes de virus BVD.
Avec l’avancée des techniques de biologie moléculaire dans l’analyse ARN des nombreux isolats de BVD trouvés à travers la planète, la complexité du virus BVD est mise en évidence. Aujourd’hui, les deux virus BVD sont considérés par les experts comme deux espèces bien différenciées au sein du genre pestivirus, au même titre que ceux de la peste porcine ou de la Border Disease.
L’épizootie débute le 17 octobre 2012 avec l’achat de deux génisses au cours d’un marché aux bestiaux. Les symptômes ne tardent pas. Le 7 novembre, le premier cheptel atteint déclare deux avortements. Au même moment, divers signes cliniques sont observés chez plusieurs vaches du troupeau : chute de production, détresse respiratoire et diarrhée. Les veaux présentent des problèmes respiratoires.
L’examen des animaux met en évidence la présence d’érosions de la muqueuse buccale, ainsi que des pétéchies et des suffusions. La mortalité dans cette première ferme atteint 11 %. La souche virale de cette épizootie (2c) n’est confirmée qu’en février 2013, même si le diagnostic a été posé précédemment. Malheureusement, entre l’achat des génisses et le diagnostic définitif dans le troupeau, plusieurs veaux et deux vaches sont vendus. Au final, 23 cheptels de Basse Saxe et de Rhénanie du Nord sont touchés par cette épizootie.
Ces infections aiguës débutent le plus souvent par des symptômes respiratoires accompagnés d’une hyperthermie importante (supérieure à 40 °C). À cela s’ajoute une chute de production, avec une diarrhée profuse parfois accompagnée de sang. De plus, des ulcérations des muqueuses sont observées, ainsi que quelques cas de diathèse hémorragique. La pathologie est assez similaire à ce qui peut être noté lors de maladie des muqueuses.
Une numération et une formule sanguine sont effectuées chez certains animaux atteints. Elles révèlent une leucopénie, associée chez les bêtes présentant des troubles de la coagulation, à une anémie et une thrombopénie. Importante, la mortalité oscille, selon les cas, entre 10 et 80 %.
Aucun animal infecté permanent immunotolérant (IPI) n’est rencontré. Tous les cas cliniques sont consécutifs à des infections aiguës. Malgré cela, les virémies sont persistantes (plus de 8 semaines), à des niveaux élevés quasiment équivalents à ce qui peut être observé chez une bête IPI, et n’épargnent aucune catégorie d’animaux. C’est certainement ce qui est à l’origine de la grande contagiosité observée. Les propriétés du virus et sa pathogénie présentent des similitudes avec ce qui est noté lors de peste porcine classique.
Au départ, les prévalences sont très élevées en Allemagne (près de 70 %). Le modèle scandinave ne peut donc pas être appliqué. Dans un premier temps, la vaccination est directement associée au dépistage et à l’élimination des animaux IPI. En 3 ans, la prévalence troupeau et le nombre d’animaux virémiques sont ainsi divisés par quatre. Depuis 2004, la déclaration des animaux IPI est de rigueur.
En 2005, les autorités allemandes décident la mise en place d’un programme obligatoire qui limite la commercialisation des animaux selon le statut BVD du troupeau, accélérant une nouvelle fois les choses. Enfin, le 1er janvier 2010 débute l’éradication complète du BVD avec un choix de diminution de la vaccination et un arrêt de sa subvention.
L’épizootie de BVD 2c survient donc chez des animaux principalement naïfs et dans des troupeaux où les mesures de biosécurité restent insuffisantes. Tous les éléments sont donc réunis pour que la maladie soit sévère.
Les autorités allemandes réagissent en décidant une vaccination d’urgence des troupeaux atteints à l’aide d’un vaccin vivant type 1. Dans certains élevages, cela permet d’atténuer les signes cliniques. Cependant, dans d’autres, les pertes continuent. Les cheptels voisins sont également vaccinés, mais en deux temps : un premier vaccin inactivé type 1 suivi, 4 semaines plus tard, de l’injection d’un autre, vivant, pour améliorer l’immunité. À cette époque, l’Allemagne ne dispose pas d’un vaccin spécifique type 2. La vaccination est malgré tout choisie en misant sur une protection croisée. Au final, le pays parvient à maîtriser cette épizootie de BVD type 2, mais une résurgence est notée en 2014.
Ce cas rappelle que le BVD est également susceptible d’engendrer des infections aiguës, notamment lors de contamination par des souches hypervirulentes. Face à ce genre de clinique, il importe de réagir rapidement et de confirmer le diagnostic par des recherches de laboratoire adéquates afin de prendre les mesures nécessaires le plus rapidement possible. Les virus de type 1, comme ceux de type 2, peuvent avoir une expression fortement virulente, mais les seconds sont aussi susceptibles de s’exprimer sous une forme classique telle que celle rencontrée traditionnellement avec le type 1 en France.
En outre, ce cas met également une nouvelle fois en évidence l’importance des mesures de biosécurité, qui restent bien souvent mal effectuées et sous-estimées dans notre pays.
Sources : > Doll K, Holsteg M, BVD virus type 2 outbreak in Germany, 2013, http://bvd-day2013.eu/wp-content/uploads/2013/09/26-En-Doll Holsteg BVDV-2-Outbreak-Germanyx.pdf > Lihong L et al. : Phylogeny, classification and evolutionary insights into pestiviruses. Virology 385 (2009) 351-357.
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