Le loup comme totem

Le cinéma de Jean-Jacques Annaud est si fidèle à lui-même que tout ce qu’on peut en dire se résume à deux positions tranchées. Ses partisans vantent la beauté “à couper le souffle” et la puissance édifiante de ses fresques épiques (où il est le seul Français à s’aventurer), quand ses détracteurs objectent le classicisme de sa vision, les intrigues prévisibles et manichéennes… Ce dernier opus n’y déroge pas. Les images époustouflantes de la Mongolie intérieure, des hordes de loups, des chevaux dans le blizzard ne pourront que ravir les amateurs. Le scénario, en revanche, reste aussi simpliste que le livre qui l’inspire¹. Déguisée en fable naturaliste au temps de la révolution culturelle, cette aventure mongole de Jiang Rong est un brûlot anticommuniste où le loup (et les nomades qui ont appris à cohabiter avec) incarne une force de liberté dont le “mouton” civilisateur chinois, qui le saccage aveuglément, est indigne. La Chine est désormais plus ambivalente qu’à la fin des années 1960. Publié en 2004, le livre a remporté un succès si inattendu (le plus important après le Petit Livre rouge !) que ce sont les chinois eux-mêmes qui ont souhaité produire son adaptation filmée… et l’ont confiée à Jean-Jacques Annaud à la condition que la charge politique se limite à un plaidoyer pro-environnemental. Le troisième film animalier du cinéaste n’en assoit pas moins son excellence dans ce genre. Et il consacre un dresseur de loups hors pair : le canadien Andrew Simpson.

Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud, avec Feng Shaofeng, Shawn Dou, Ankhnyam Ragchaa, versions 2D et 3D, 1 h 58, en salles le 25 février 2015.

• 1 Le Dernier Loup, réédité au Livre de poche (8,10 €).