Piroplasmose, anaplasmose, maladie de Lyme : diagnostic différentiel et pronostic - La Semaine Vétérinaire n° 1619 du 27/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1619 du 27/02/2015

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Agnès Leblond

Fonctions : diplomate Eceim, enseignante
à VetAgro Sup.
Article tiré de la conférence
présentée lors du symposium
européen de diffusion des
connaissances en sciences équines
à Bellerive-sur-Allier (Allier),
le 15 novembre 2014.Serge Trouillet

CAS CLINIQUE

Une jument de trait, arrivée 10 jours auparavant dans un haras de l’ouest de la France au printemps, pour une mise à la reproduction, présente une hyperthermie assez brutale avec 40 °C, des muqueuses oculaires subictériques et une anorexie depuis 24 heures. Le vétérinaire émet l’hypothèse d’une piroplasmose. Il procède à un prélèvement sanguin, afin de réaliser ultérieurement des examens biologiques complémentaires, puis effectue une injection d’imidocarbe (Carbesia®). Dès le lendemain, la température a diminué, aucun nouveau signe clinique n’est apparu et l’état général est satisfaisant après 48 heures.

DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

Lors d’une hyperthermie, toute démarche diagnostique doit associer à la fois des faisceaux d’indices cliniques et épidémiologiques. Concernant les critères cliniques, la fièvre peut rester inaperçue ; elle est suspectée par l’abattement ou l’inappétence. Il faut alors en suivre l’évolution. L’examen clinique peut aussi révéler de la tachycardie ou des douleurs musculaires. Attention aux faux positifs : il arrive que la fièvre soit plus élevée à l’occasion d’un transport, de coliques ou de tout phénomène inflammatoire autre qu’infectieux. Attention également aux faux négatifs : la fièvre peut être transitoire, biphasique. Il est possible que le propriétaire ne la repère pas si elle n’est pas accompagnée de ce syndrome fébrile, ou non surveillée en permanence.

L’examen clinique vise à recueillir des indices complémentaires qui vont permettre d’orienter la démarche diagnostique. Les signes relevés peuvent aiguiller vers une atteinte du système respiratoire (toux, jetage, dyspnée), nerveux (troubles du comportement et de la démarche) ou digestif (diarrhée). De nombreux cas ne traduisent pas nécessairement des signes cliniques spécifiques de l’atteinte d’un système. Pour les maladies vectorielles transmises par les tiques, le tandem hyperthermie-anémie est éventuellement accompagné de muqueuses pâles, d’un peu d’ictère, d’œdèmes et de difficultés à se déplacer.

CIBLAGE D’UNE PREMIÈRE LISTE D’AFFECTIONS POSSIBLES

Le vétérinaire doit ensuite recueillir des renseignements lui permettant d’évaluer le risque d’exposition à un pathogène donné. Il lui faut prendre du recul et ne plus examiner l’individu seul, mais au sein d’une population, dans l’espace et dans le temps ; ces maladies vectorielles connaissent en effet une saisonnalité. Le praticien est alors en mesure, après avoir fait la synthèse de son examen clinique et des critères épidémiologiques recueillis, d’établir une liste des affections compatibles avec ses observations. En l’occurrence, une maladie vectorielle transmise par les tiques. Reste à identifier laquelle.

Pour la piroplasmose, deux agents pathogènes sont en cause : Theileiria equi, pour lequel le cheval est un réservoir et peut être un porteur sain ; Babesia caballi, pour lequel la tique est un réservoir et que le cheval parvient à éliminer. Ces deux protozoaires parasites envahissent les hématies du cheval, les font éclater, ce qui libère l’hémoglobine et explique l’anémie. L’anaplasmose doit son nom au germe Anaplasma phagocytophilum, qui se localise dans les globules blancs du sang. La maladie de Lyme est encore appelée borréliose, car elle est due à la bactérie Borrelia burgdorferi qui se déplace dans l’organisme plutôt par le derme, ou se localise dans les articulations quand elle n’a pas un tropisme pour le tissu nerveux, d’où la difficulté à l’identifier.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic étiologique va permettre d’y voir plus clair. Il convient de savoir ce qui a provoqué cette hyperthermie, d’où l’importance de la prise de sang préalable à l’administration d’imidocarbe. Dans un premier temps, une demande d’analyse non spécifique est effectuée. Ce sont les résultats de la numération et formule sanguines (NFS), par exemple, qui vont orienter vers des analyses plus spécifiques. Elles peuvent être choisies en fonction du coût et de la rapidité de la réponse, l’objectif étant qu’un traitement soit mis en place le plus rapidement possible.

Le frottis sanguin, une technique peu sensible et donc souvent peu concluante, et surtout la polymerase chain reaction (PCR) sur un échantillon de sang total, qui permet d’aller chercher les traces du pathogène en mettant en évidence les antigènes, s’avèrent des méthodes de diagnostic pertinentes pour la détection de la piroplasmose ou de l’anaplasmose. Pour la maladie de Lyme, on peut envisager une PCR si le pathogène est localisé avec précision dans l’organisme (articulation, par exemple ; ponction de liquide céphalo-rachidien s’il s’agit d’une forme nerveuse). Le plus souvent, il sera toutefois plus pertinent de mettre en évidence la séroconversion, c’est-à-dire l’augmentation du titre en anticorps, avec deux prises de sang espacées d’au moins 15 jours à 3 semaines.

PRONOSTIC

Pour les piroplasmoses, le pronostic est différent selon le pathogène en cause. Le diagnostic étiologique est important, la prise de sang préalable au traitement est donc justifiée, même si l’évolution a été favorable après une injection de Carbesia®. Pour Babesia caballi, ce traitement d’imidocarbe suffit, la mortalité est faible et les anticorps persistent pendant 18 mois. Pour Theileiria equi, le cheval reste le plus souvent porteur de ce parasite. À chaque stress provoquant une hyperthermie, par exemple à l’occasion de coliques, la maladie peut être observée.

CONCLUSION

Ce sont à la fois des critères cliniques et épidémiologiques qui permettent de hiérarchiser le diagnostic différentiel. Il faut veiller à mettre en œuvre des analyses de laboratoire pour identifier le pathogène en cause. Ce sont les examens spécifiques. La réalisation de ces tests s’inscrit dans le cadre d’une vraie stratégie. Seul le vétérinaire sait, en fonction du moment de la première consultation et des facteurs de risque qu’il aura identifiés, quels échantillons il lui faut recueillir. Il ne les enverra pas nécessairement tous en même temps, mais l’intérêt est de les avoir recueillis avant la mise en place du traitement. Il aura ainsi du matériel pour éventuellement pousser plus loin son investigation.

Hyperthermie et anémie ne signifient pas forcément piroplasmose. Un cas clinique est rapporté d’une jument de 10 ans, stationnée dans un haras des Pays de la Loire, en mai ; elle présente une hyperthermie de 38,5 °C-39 °C associée à une subanorexie et une apathie. En fait de piroplasmose, d’abord suspectée, plusieurs semaines ont été perdues avant de diagnostiquer, après palpation transrectale, un abcès rétro-péritonéal par lacération rectale. La démarche diagnostique intuitive et simplifiée a ses limites… Certaines affections, plus rares, inhabituelles voire graves, ne peuvent être ignorées. Il convient en conséquence de conduire une démarche standardisée, minutieuse, documentée et critique. Elle doit être complétée par des examens de laboratoire et assistée par des professionnels.

LE TRAITEMENT

Bien qu’efficace, le traitement de l’anaplasmose à l’aide d’oxytétracycline ou de doxycycline est parfois délicat car cet antibiotique est réputé pour provoquer d’importantes diarrhées chez les chevaux. Par ailleurs, ces derniers sont censés déclarer une immunité après une infection ; quelques exemples contraires laissent supposer que nos connaissances sur l’anaplasmose méritent approfondissement.

Compte tenu du caractère polymorphe de la symptomatologie de la maladie de Lyme, son diagnostic n’est pas aisé, hormis lorsqu’une polymerase chain reaction (PCR) ou une séroconversion ont pu être objectivées par le laboratoire. Les antibiotiques amoxicilline ou doxycycline (en cas de localisation articulaire), à administrer pendant 4 à 6 semaines, sont alors proposés. Ils sont également susceptibles de provoquer des diarrhées. L’érythème n’est pas visible chez le cheval atteint de la maladie de Lyme. Le traitement est souvent instauré tardivement et l’on fait alors face à des formes chroniques, dégénératives, qui évoluent avec le temps par crises.

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