Faciliter le “travailler ensemble” par la souplesse des structures

Mes grands-parents possédaient un élevage laitier bovin et mon oncle des bovins en engraissement. Cela a simplifié mes premiers contacts avec les éleveurs, car je savais ce qu’ils attendaient. Lors de mes stages, j’ai rencontré des praticiens humainement intéressants, et j’ai souhaité travailler en mixte pour proposer une médecine pluri-espèces abordable. Exercer avec des femmes au début de ma carrière s’est révélé porteur, même si à l’époque j’en avais peu conscience. Je m’attendais à des réactions de la part des exploitants, mais il est possible d’être bien acceptée comme interlocuteur chez les férus de technique, souvent des éleveurs laitiers dans ma région. De toute ma carrière, je n’ai côtoyé aucun confrère profondément convaincu qu’une consœur peut avoir sa place en rurale. Les plus anciens sont dans l’excès de protection.

J’ai choisi de rester salariée. Les gardes et la quantité d’heures qu’acceptent d’effectuer mes confrères sont difficilement compatibles avec une vie de famille, telle que subie actuellement par les femmes (de praticiens) ! La possibilité de travailler à mi-temps (ce qui ne signifie pas au ralenti !) à certaines étapes de la vie est rarement prévue dans les statuts des structures vétérinaires rurales en France. Pourtant, cela faciliterait le “travailler ensemble” non seulement pour les femmes-mères, mais aussi pour les proches retraités, ou pour tout praticien tenté par des responsabilités politiques ou la réalisation d’un rêve de jeunesse, par exemple. La lourdeur structurelle est un frein à l’adaptation de chacun à son poste de travail aux différentes étapes de sa vie.

Une approche relationnelle précieuse

Ma persistance à exercer en mixte est comprise par ceux qui aiment profondément l’élevage, en tant qu’activité humaine en interaction avec un territoire. Outre le contact, j’aime dans mon activité la pos­sibilité de mettre à l’épreuve mon pouvoir décisionnel, dans un contexte économique donné. J’ai moins de force qu’un homme mais, comme dans le sport, il y a plusieurs manières de pratiquer la même discipline. Je pense avoir le sens de l’organisation, de la communication et de l’anticipation, et je suis prudente : des qualités dites innées chez les femmes mais qui sont, selon mon expérience, largement acquises.

Le suivi de reproduction et l’audit global sont des activités assez attirantes actuellement pour les consœurs en rurale, en pratique libérale ou via les groupements de défense sanitaire et autres organismes de conseil en élevage. La désertification des campagnes par les vétérinaires répond à l’évolution des éleveurs, capables d’effectuer les actes de routine mais demandeurs d’encadrement (à faible coût). Accusées de n’être pas faites pour la rurale, les jeunes consœurs ont peut-être, en définitive, la prudence de ne pas investir dans des clientèles qui ont peu de valeur pour n’avoir pas évolué à temps. Quant aux structures plus performantes, il peut y régner une certaine misogynie…