Formation
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Aurélie Levieuge*, Olivier Dossin**
Fonctions :
*diplomate Ecvim-CA, service de médecine, ENVT
L’hypertension portale chez le chien est une complication des hépatopathies chroniques, qui s’accompagne d’une fibrose. Elle est exceptionnelle chez le chat.
La pression veineuse portale est le produit de deux facteurs : le flux veineux et les résistances vasculaires dans la veine porte ou les territoires situés en aval (sinusoïdes hépatiques, veines sus-hépatiques, veine cave caudale). Chez un animal sain, la pression veineuse portale est étroitement régulée et varie peu. En pratique, seules les situations d’augmentation de la résistance à l’écoulement et de baisse de la compliance des territoires veineux portes et de la circulation d’aval conduisent au développement d’une hypertension portale.
Trois grands types de causes peuvent conduire à la mise en place d’une hypertension portale :
> préhépatique : obstruction (embole métastatique), occlusion par compression extrinsèque de la veine porte (tumeur, granulome), malformation artério-veineuses ;
> hépatique, classiquement divisée en :
– présinusoïde, liée aux hypoplasies de la veine porte (également appelée hypertension portale non cirrhotique), aux fistules artério-veineuses hépatiques, aux cholangites chroniques, au syndrome de Caroli (dilatation kystique des voies biliaires intrahépatiques) et, exceptionnellement, à l’hyperplasie nodulaire hépatique des chiens âgés (due à Heterobilharzia americana) ;
– sinusoïde, principalement liée aux hépatopathies chroniques avec une fibrose et une cirrhose, à l’hépatite lobaire dissécante ou à une hyperplasie nodulaire ;
– postsinusoïde, très rare, qui correspond à une fibrose centrée sur la veine centrolobulaire (bien décrite chez l’homme, en lien avec le métabolisme de certains xénobiotiques) ;
– posthépatique : liée surtout à l’insuffisance cardiaque droite, mais aussi aux obstructions et aux occlusions de la veine cave caudale (thrombose, tumeur vasculaire, masse médiastinale caudale) ou au syndrome de “Budd Chiari” décrit en médecine humaine (lié à un obstacle des veines hépatiques).
Les conséquences de l’hypertension portale sont :
> un épanchement abdominal, dû à l’augmentation de la pression dans les capillaires splanchniques. Lors d’hypoalbuminémie associée, la transsudation est majorée par la chute de la pression oncotique. Le phénomène a tendance à s’auto-aggraver, car l’organisme riposte en retenant de l’eau et du sodium, ce qui entretient l’épanchement. Il s’agit le plus souvent d’un transsudat pur lors d’atteinte préhépatique ou hépatique présinusoïdale et d’un autre modifié lors d’atteinte hépatique et, surtout, posthépatique ;
> la mise en place de shunts portosystémiques acquis. Ceux-ci s’installent après plusieurs semaines d’hypertension portale. Leur formation suit le gradient de pression, mais est aussi stimulée par la production de facteurs angiogéniques aboutissant à la réouverture de vaisseaux embryonnaires. Toutes les situations d’hypertension portale sont susceptibles de conduire à la formation de ces shunts, sauf lorsque celle-ci est cardiogénique (dans ce cas, les pressions veineuses porte et cave augmentent simultanément : il n’y a donc pas d’établissement d’un gradient de pression favorisant la réouverture des vaisseaux embryonnaires oblitérés). La mise en place des shunts peut conduire à des manifestations cliniques classiques d’encéphalose hépatique (non différentiables de celles observées lors de shunt portosystémique congénital).
> Les manifestations cliniques évocatrices de l’hypertension portale sont l’épanchement abdominal (transsudat pur ou modifié) et le développement de symptômes d’encéphalopathie hépatique lors de shunts acquis. Le spectre de ces manifestations cliniques va de simples troubles cognitifs mineurs à des manifestations sévères de type coma ou convulsions, classiquement majorées après le repas. Le plus souvent, la suspicion n’est envisagée que dans un contexte qui associe ces deux symptômes.
Le reste du cortège symptomatique est variable selon l’affection causale. L’identification d’une hypertension portale chez un animal jeune doit faire prioritairement considérer une hypoplasie de la veine porte, une fistule artério-veineuse ou une hépatopathie du jeune (hépatite lobulaire dissécante en premier lieu). Dans les autres cas, l’hypertension portale se développe plus habituellement chez des animaux adultes ou âgés. Lors d’hépatopathie chronique, des manifestations précoces, telles que la constitution d’un épanchement abdominal subclinique ou des signes d’hypertension portale, sont à rechercher via les méthodes d’imagerie médicale (flux hépatofuge à l’examen doppler, augmentation de la taille de la veine porte, etc.).
> Les causes sont à identifier. Il convient en premier lieu d’écarter l’existence d’une insuffisance cardiaque droite. Face à une anomalie hépatique, une biopsie est recommandée. L’imagerie permet d’objectiver une thrombose exerçant une compression sur le système porte ou une malformation artério-veineuse.
> La dernière étape de la démarche consiste à rechercher des complications éventuelles :
– encéphalose hépatique ;
– désordres électrolytiques (hypokaliémie, hyponatrémie) ;
– shunts portosystémiques acquis ;
– ulcères gastriques ;
– saignements digestifs. Les varices œsophagiennes sont fréquentes lors d’hypertension portale chez l’homme. Leur rupture peut conduire à des hémorragies digestives hautes incontrôlables. Elles sont également susceptibles de se développer chez le chien et le chat, mais elles n’ont, le plus souvent, pas de répercussion clinique ;
– modifications de l’hémogramme : microcytose secondaire au développement de shunts portosystémiques acquis ;
– œdème de la paroi stomacale ;
– thrombose de la veine porte.
Un traitement spécifique doit être proposé selon la cause : prise en charge chirurgicale des malformations artério-veineuses, médicale pour l’hépatite chronique, par exemple. L’ascite requiert un traitement non spécifique (spironolactone, 1 à 2 mg/kg/jour ; restriction sodée). De l’oméprazole (1 mg/kg, 2 fois/jour) et du sucralfate (0,5 à 1 g, 2 à 3 fois/jour) peuvent être proposés lors de saignements digestifs.
Le tolvaptan (Samsca®1), un inhibiteur sélectif du récepteur de la vasopressine V2, est susceptible d’être utilisé dans la prise en charge de l’hyponatrémie. Il est utilisé en médecine humaine mais son effet n’est pas documenté chez le chien. Le carvédilol (ß-bloquant) est indiqué lors de vasodilatation splanchnique.
Enfin, des inhibiteurs d’angiogenèse (inhibiteurs de tyrosines kinases) peuvent théoriquement être employés. Cependant, aucune étude ne documente cette indication.
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