La qualité de vie au travail : une approche complexe en France

La qualité de vie au travail est intimement liée à la performance de l’entreprise. Pour Hervé Lanouzière, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), « la qualité de vie au travail n’est pas un supplément d’âme accordé aux salariés, en périphérie de leur travail, mais elle est au cœur de leur activité, dans leur participation à la définition des conditions de réalisation du service »¹.

Pour Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), l’efficacité est fondamentale pour chacun des salariés. Ce qui signifie être capable d’atteindre les objectifs fixés, mais aussi d’en discuter et d’en créer d’autres, au cours de l’action.

« L’efficacité et la santé sont vraiment reliées. La qualité du travail (c’est-à-dire du produit, de la performance et de l’acte), la conception et les critères de la performance sont centraux pour la santé. Si l’on dissocie la qualité de vie au travail et la qualité du travail, on prend le risque de séparer l’efficacité et la santé », explique Yves Clot. Les réponses aux exigences d’améliorations existent selon ce dernier : « Il importe de s’occuper de la qualité du travail et de ne pas “s’enfermer” dans la qualité de vie au travail. Il faut aller jusqu’au territoire de la performance… Le système de relations professionnelles à la française est inachevé, très conflictuel, très critiqué, ne fonctionne pas bien. Ce n’est pas sain de dénier le conflit sur la qualité du travail », précise l’expert lors d’une conférence (2012), organisée par la Haute Autorité de santé (HAS). Il pointe notamment la “naïveté sociale” des divers acteurs et partenaires sociaux qui tentent de résoudre le problème, malgré leurs divergences sur les critères d’évaluation de la qualité du travail.

« Nous avons besoin d’institutions nouvelles en France pour travailler, négocier et résoudre ce problème dans les organisations. Nous ne les avons pas aujourd’hui. Actuellement, des institutions de la performance (des conseils d’administration, des directions d’entreprise) existent, ainsi que d’autres dédiées à la santé comme le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Mais on négocie très peu sur la performance (sur les critères de qualité du travail du point de vue du dirigeant) et, si on le fait sur le stress au travail, on n’établit pas de lien avec la santé : le chaînon manquant entre ces deux éléments, c’est la qualité du travail, c’est-à-dire la façon de se reconnaître dans ce que l’on fait. » Pour réformer le dialogue social, le gouvernement prévoit d’instituer une représentation externe pour les très petites entreprises (TPE).

Depuis quatre ans, la HAS et l’Anact se sont penchées sur les liens possibles entre qualité, sécurité des soins et qualité de vie au travail des professionnels. En témoigne le programme d’amélioration continue du travail en équipe (Pacte). Il s’agit d’un projet expérimental lancé en 2014 dans des établissements de soins (prise en compte des déterminants du travail en équipe, identification des bonnes pratiques de sécurité, évaluation d’une équipe efficace, etc.). Ce programme fera l’objet d’un premier bilan au premier semestre 2015. Il concerne de nombreux professionnels, pourrait s’appliquer à toutes les disciplines et être utilisé pour la gestion des comportements. En témoignent aussi les groupes de travail de l’association Véto-entraide (entre autres), qui a pour objectif le bien-être de la profession « passant par la prise en compte du mal-être professionnel à sa prévention, puis aux données prospectives et aux perspectives d’évolution ».

• 1 Source : revue Travail & Changement, hors-série de décembre 2013.