Un western métaphysique

On appelle “conquête du désert” la campagne militaire qui, entre 1878 et 1885, a été menée par l’Argentine contre ses peuples amérindiens pour prendre le contrôle de La Pampa et du Grand Sud. Des Européens se sont associés à cette colonisation brutale. Jauja (nom évoquant un mythique eldorado) s’inscrit dans ce contexte historique.

Accompagnés par des militaires argentins, le capitaine danois Gunnar Dinesen et sa fille Ingeborg (15 ans) voyagent en Patagonie. Quand la très belle adolescente s’enfuit avec un jeune soldat, Dinesen, fou d’inquiétude, se lance à cheval à leur poursuite. Sa quête solitaire évolue en une errance existentielle désespérée où les frontières entre le rêve et la réalité se brouillent, tout comme celles de l’espace et du temps.

En réalisant son film le plus dialogué, avec, pour la première fois, un casting professionnel, Lisandro Alonso nous entraîne dans une narration énigmatique où l’amour fou d’un père pour sa fille résonne étrangement avec l’aliénation du colonialisme. Ce faisant, il aiguise son cinéma singulier, à la fois minimaliste et d’une incroyable intensité. Odyssée cinématographique sensorielle et mentale à travers une nature inhospitalière, Jauja déploie avec ses cadres d’une grande pureté – format 4/3 et couleurs rappelant les autochromes Lumière – un art fascinant de captiver l’attention par un simple paysage, un son, un mouvement ou un élément inattendu. Comme l’apparition insolite dans ces espaces désolés d’un irish wolfhound.

Jauja de Lisandro Alonso avec Viggo Mortensen, Viilbjørk Malling Agger, Ghita Nørby, Argentine-Danemark, 1 h 48, sortie le 22 avril.