QUAND LA NATURE S’EMBALLE

« Les maladies émergentes représentent-elles des fatalités ou faut-il les voir comme des révélateurs de la gestion approximative du monde vivant par nos sociétés ? », demande François Moutou au début de son essai. Force est de constater que les crises sanitaires suscitent toujours davantage de peurs que de réflexions et de remises en question. Peurs qui résultent d’une carence (d’information et d’éducation) à laquelle l’ouvrage¹ répond en portant sur l’histoire des épidémies un regard à la fois détaillé et distancié. Notre confrère y allie sa double compétence d’épidémiologiste et de naturaliste. Quand le premier fournit une analyse éclairée et dédramatisée des grandes émergences zoonotiques (Sras, grippe aviaire, pestes, rage, maladies à prions, Ebola, etc.), le second élargit le champ en nous intéressant à l’écologie des espèces animales impliquées à nos côtés. Il n’y a, en fait, pas une mais des histoires naturelles (hommes, animaux… agents pathogènes) et leur combinaison, complexe et évolutive, peut s’emballer sous l’effet de perturbations, majoritairement anthropiques. Appréhender l’émergence des maladies dans « ce vaste schéma de l’organisation de la vie (et donc de la mort) sur Terre » revient à mieux les accepter, mais aussi à comprendre, dans ce jeu, le rôle crucial de la biodiversité, réseau infiniment riche des interconnexions du vivant. Un livre dense, de bon sens, qui nourrit notre réflexion à l’égard de la course au progrès et du monde que nous voulons.

Des épidémies, des animaux et des hommes de François Moutou, Éditions Le Pommier, 380 pages, 13,5 x 20 cm, 23 €.

• 1 Il s’agit de la reprise profondément remaniée, enrichie et mise à jour, de La Vengeance de la civette masquée, paru en 2007 chez le même éditeur.