TÉMOIGNAGE
Pratique canine
L’ACTU
Auteur(s) : Julie Ladon
Une suspicion de rage canine dans la Loire, confirmée le 21 mai dernier par l’Institut Pasteur1, a été portée par Julie Ladon, étudiante en 5e année à VetAgro Sup, lors de l’une de ses gardes en clinique privée. Notre consœur nous livre son témoignage face à des symptômes déroutants, dans un contexte de commémoratifs flous.
Un chien bull terrier de 6 mois m’est présenté en consultation d’urgence pour agressivité depuis trois jours. Il est calme en entrant dans la salle de consultation. Le propriétaire explique qu’il agit de façon agressive depuis plusieurs jours, sans raison apparente. Il le mord dès qu’il veut le manipuler ou menace d’autres personnes et attaque aussi ses congénères. L’examen clinique est peu concluant : à la première tentative d’évaluation des muqueuses buccales, le chien me mord la main. Une prise de température musclée indique que l’animal a une température rectale de 41 °C. Son attitude est normale au repos, il est attentif à la voix et remue la queue, mais dès qu’on lui présente quelque chose au niveau de la gueule, il le mord sans hésitation et sans grognement au préalable. Ce chien n’était pas vacciné contre la rage, et, au premier questionnement du propriétaire, ce dernier m’indique qu’il n’a pas voyagé avec l’animal. Lors de la discussion pour tenter de trouver une éventuelle cause à la récente agressivité du chien (mauvaise expérience, autres symptômes pouvant faire suspecter une douleur importante, etc.), le propriétaire est mordu à l’avant-bras. Par réflexe, je lui fais se savonner énergiquement le bras au niveau de la plaie de morsure. En l’alertant sur les dangers et l’importance de la rage, je lui redemande si son chien n’a vraiment pas voyagé à l’étranger. Il m’avoue, finalement, que l’animal aurait séjourné en Algérie 15 jours auparavant et qu’il aurait fait une fugue d’une journée là-bas.
Beaucoup trop d’indices pour ne pas y penser :
– chien non vacciné,
– agressivité soudaine,
– séjour dans un pays non indemne de rage au cours duquel l’animal a fait une fugue,
– “morsure compulsive”, malgré une attitude normale lors de l’observation à distance.
J’enclenche alors le protocole de suspicion de rage : explication au propriétaire des raisons pour lesquelles son chien doit être placé en observation 15 jours à la clinique, déclaration à la DDPP2, isolement de l’animal dans un box à l’écart des autres hospitalisés.
Du fait de la morsure du propriétaire en cours de consultation, je lui ai vivement conseillé de se rendre aux urgences le jour même en indiquant ce qui s’était passé. Lors de son hospitalisation, le chien est en bon état général. La seule “anomalie” que j’observe est lorsque je lui présente de l’alimentation et de l’eau : il se jette littéralement dessus, et ne lape pas l’eau mais boit de la même façon qu’il ingurgite les croquettes.
Trente-six heures après son hospitalisation, le chien meurt. Une déclaration est immédiatement faite à la DDPP, le corps est acheminé à l’Institut Pasteur pour analyse de l’encéphale.
Soixante-douze heures après la mort de l’animal, la confirmation de rage est établie. Toutes les personnes ayant été en contact avec lui et a fortiori celles s’étant fait mordre ou lécher ont dû consulter le centre antirabique en urgence.
J’étais parmi ces personnes. Aussi, connaissant les risques majeurs de cette maladie, les 24 heures d’attente avant la prise en charge médicale ont été éprouvantes : stress et doute d’avoir pu être infectée par ce chien…
Je suis également inquiète pour le propriétaire et les autres personnes concernées et espère qu’ils ont tous été pris en charge à temps.
Un tel cas de rage est exceptionnel, mais il nous rappelle qu’il ne faut jamais baisser la garde et que les vétérinaires doivent continuer à être sensibilisés, dès leur formation et tout au long de leur activité, pour ne pas passer à côté de ce genre de cas. Je tiens aussi à saluer l’attitude du propriétaire qui a pris la décision de consulter avec son chien pour protéger ses proches. Bien qu’il se soit montré inconscient en voyageant avec un animal non vacciné en pays non indemne, s’il n’était pas venu me voir ce samedi 16 mai, les dégâts auraient été bien plus importants.
1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/5/2015, page 13.
2 Direction départementale de la protection des populations.
L’enquête épidémiologique confirme que la contamination s’est faite en Algérie. Une enquête judiciaire est, par ailleurs, en cours. « Une autre communication est actuellement validée par la préfecture pour “éviter de ramener la rage dans ses bagages”, car d’autres introductions illégales sont en cours d’investigation dans le département », souligne Nathalie Guerson, directrice départementale de la protection des populations de la Loire.
VALENTINE CHAMARD
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