Le loup est dans la bergerie

La problématique du loup s’inscrit dans l’ambiguïté de son image. Le canidé sauvage hante les contes pour enfants parce qu’il cristallisa pendant 3 000 ans en Europe la terreur des hommes (on lui attribue 10 000 victimes humaines en France, entre le Moyen-Âge et le début du xx_e siècle). Éradiqué de l’Hexagone sous la III_e République, il y réapparaît fin 1992 avec une image complètement rénovée. L’ennemi public est devenu le symbole de la restauration de la nature et de la biodiversité. Prédateur sauvage désormais protégé, Canis lupus réinvestit le pays. À l’est d’une diagonale reliant Pau à Sedan, sa population s’élève aujourd’hui à environ 300 individus. L’agropastoralisme faisant les frais depuis 20 ans de cette cohabitation forcée (en 2014, 8 200 animaux domestiques ont péri sous les crocs du loup), ce dernier incarne à présent le clivage entre deux visions antinomiques de la gestion de l’environnement. Une controverse complexe, très sensible, qui imposait un état des lieux historique et réglementaire, confié ici à l’historien Jean-Marc Moriceau, spécialiste actif de l’animal sauvage. Condensé et explicite, son bilan permet de lever les préjugés, de nuancer les positions et de rendre compte du manque de transparence et de cohérence de l’État, aux arbitrages souvent plus onéreux qu’efficaces. Si l’avenir du loup reste donc à réfléchir ensemble, il « nous contraint à reconsidérer notre rapport à la nature en tempérant l’idéologie par le réalisme sur le terrain européen ».

Le Loup en questions : fantasme et réalité de Jean-Marc Moriceau, collection “Dans le vif”, Buchet/Chastel, 144 pages, 130 x 205 mm, 12 €, www.buchetchastel.fr.