LE MUSÉUM DE TOULOUSE AU FIL DES OS - La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015

Évasion

Auteur(s) : Frédéric Decante

C’est l’histoire d’une renaissance. Celle du Muséum de Toulouse, à la fin des années 2000, mais aussi celle des animaux qui habitent ses collections. Un trésor de deux millions de spécimens, auquel notre confrère Yves Lignereux, professeur à l’ENVT, consacre sa deuxième vie professionnelle.

La muséographie n’est pas une spécialité vétérinaire et prendre ses marques au milieu d’un musée en reconstruction n’est pas une entreprise facile. Yves Lignereux, anatomiste, professeur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), peut le confirmer : « Si vous saviez tout ce que j’ai dû assimiler comme nouvelles connaissances ». Le Muséum de Toulouse a fermé ses portes en 1997, du fait de la fragilité de sa charpente. Il a pourtant joué un rôle historique, avec son ouverture en 1865 et sa galerie d’exposition consacrée à la préhistoire, la première au monde. Depuis, il n’a cessé d’acquérir des collections, constituées aujourd’hui de plus de deux millions de spécimens, certains cédés à la ville par des donateurs. Car la ville de Toulouse reste la propriétaire du musée, couvent jusqu’au xviiie siècle, un peu faculté de médecine au xixe et partagé maintenant avec le théâtre Sorano : « L’architecture du cloître se distingue dans le hall d’accueil, un ancien déambulatoire mais dont il manque une galerie, prise par le mur du théâtre. »

Une nouvelle vie

Au début des années 2000, un changement est amorcé. « Un jour, en 2001, le directeur de l’école me propose de rencontrer le directeur du muséum d’histoire naturelle, explique Yves Lignereux. La ville, à travers son maire Dominique Baudis, avait décidé de pérenniser le musée dans un nouveau projet architectural. Concernant la présentation des collections, tout était à faire. Nous nous sommes rencontrés un vendredi. Le lundi, je commençais cette nouvelle vie professionnelle, abandonnant l’école vétérinaire pour une première tâche qui me prit trois mois : classer un énorme tas d’os mis en vrac dans les caves. » Ours, cerf, loup, crocodile, lamantin, etc. : tous ces os bien poussiéreux doivent être identifiés et rassemblés, afin de reconstituer les collections tiroir par tiroir et de permettre le stockage dans un dépôt de la ville aujourd’hui réserve du musée. Très vite, Yves Lignereux, affecté par l’ENVT à la ville de Toulouse et devenu coordinateur scientifique, est associé à la conception du lieu à venir.

Scénarios et imprévus

Le travail se fait bien en amont : les espaces sont délimités à travers le plan d’architecte et des thèmes sont dédiés à ces espaces. Tout est traduit dans un programme initial : « Classer pour connaître, mesurer pour comprendre, 150 m2… » Pour chaque espace, un scénario explicatif permet de décrire la démarche voulue. « J’avais adoré la biologie en classe préparatoire, à Toulouse, au lycée Pierre-de-Fermat. D’ailleurs, quand j’avais un peu de temps, je venais me ressourcer au muséum, explique Yves Lignereux. Il m’a fallu tout reprendre en lisant énormément tout ce qui concernait la biologie et la géologie. Mais j’aime cela ! » Une fois les scénarios discutés et adoptés par la communauté de concepteurs, les équipes du musée font l’inventaire de leurs ressources didactiques au sein des réserves, orientent le cas échéant la politique d’acquisition du musée, puis confient l’ensemble à l’architecte scénographe Xavier Leroux-Cauche. La conception moderne du bâtiment est due à l’architecte Jean-Paul Viguier, connu pour son aménagement du parc André-Citroën à Paris.

Mais le projet prend du retard pour de multiples raisons : les fouilles archéologiques préventives sont fructueuses et retardent, de ce fait, l’avancée des travaux. Puis la nappe phréatique apparaît à une hauteur imprévue et il faut concevoir un double cuvelage des nouvelles caves avec une véritable coque pour l’évacuation de l’eau. Enfin, le 21 septembre 2001, l’explosion d’AZF impose de vérifier l’intégrité du bâtiment en construction, mais, surtout, la mairie de Toulouse, maître d’ouvrage, voit ses crédits disponibles accaparés par les conséquences de cette catastrophe. Le musée n’ouvrira finalement qu’en 2008.

À la recherche du Moa

Le Muséum de Toulouse, à l’opposé de celui de Paris qui a rang d’université, n’a pas vocation à la recherche. Yves Lignereux, que son statut de professeur habilite à diriger des recherches, encadre deux élèves en thèse. Cela lui a permis de revenir sur l’origine de certaines pièces des collections : « Les collections recélaient des os de moas néo-zélandais, ces oiseaux sans ailes, de la famille des Dinornithidae, disparus de Nouvelle-Zélande après l’arrivée des Maoris. Mais ces os étaient mélangés et en relation très lâche avec des étiquettes obsolètes. Tout un travail d’enquête m’a permis de comprendre pourquoi et, surtout, comment le Muséum de Toulouse disposait d’une telle richesse. » Grâce à un livre néo-zélandais intitulé tout simplement Moa, Yves Lignereux apprend qu’au xixe siècle, les Britanniques avaient découvert, près de Christchurch, sur l’Île du Sud, un très important site d’ossements de moas. Forts de ce trésor et dans le mouvement planétaire du développement des musées d’histoire naturelle, les Néo-Zélandais ont procédé à des échanges de spécimens avec l’idée de créer et de diversifier leur propre musée. Toulouse, riche d’ossements fossiles par les travaux menés dans sa région, y a trouvé matière à enrichir ses propres collections. « La petite histoire veut que nous ayons réussi à montrer qu’entre-temps les collections transmises transitaient par Londres, au British Museum, où, perfide, un naturaliste de renom, l’un des plus grands, a prélevé sa dîme sur les spécimens les plus intéressants – la collection de moas au British Museum est de toute première qualité –, les remplaçant par d’autres tout en laissant les étiquettes d’origine ! Depuis, en prenant contact avec mes collègues néo-zélandais, nous avons pu confirmer l’origine de nos pièces car tout était noté à Christchurch et, surtout, les identifier. Le musée de Toulouse est en train de reconstituer un squelette entier de moa. »

Les six têtes de Madagascar

Une autre thèse porte sur la présence de six têtes complètes d’hippopotames endémiques et aujourd’hui disparus de Madagascar, dont une incomplète. Ces pièces proviennent d’un don du premier gouverneur de Madagascar, maréchal de France à titre posthume, Joseph Gallieni, né à Saint-Béat (Haute-Garonne). Il n’est pas revenu les mains vides : elles étaient chargées de squelettes d’hippopotames destinés au musée !

Pour tout cela, notre confrère a acquis, au fil des années, une bibliographie inestimable qu’il pensait au final donner au muséum : « Mais à vivre dans les coulisses du musée, j’ai appris que les bibliothèques se débarrassaient régulièrement d’un trop-plein d’ouvrages. On appelle cela le désherbage. » Force est de constater que, pour l’instant, notre confrère garde l’appétit de cultiver son jardin et n’est pas près du tout à… désherber !

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