Dossier
Auteur(s) : Serge Trouillet
La décennie 2010 marque une inflexion notable concernant les possibilités d’implication des vétérinaires dans le secteur apicole. Les états généraux du sanitaire, la loi d’avenir agricole et, plus récemment, l’ouverture du mandatement en apiculture élargissent l’horizon de la filière pour la profession, en libéral comme dans les secteurs public et privé. Panorama, non exhaustif, de ce nouveau paysage apicole et des voies d’orientation qu’il entrouvre.
L’apiculture n’étant pas, pour l’heure, un gage de fortune, les vétérinaires qui s’y intéressent sont des passionnés. Ils se répartissent sur l’ensemble du territoire et leur activité principale est des plus variées. Libéraux, salariés du privé ou du public, tous ont une compétence apicole complémentaire. Mais pour quels débouchés possibles ? La voie historique, pour s’impliquer dans la filière, est celle du conseil dans le cadre du plan sanitaire d’élevage (PSE). Traditionnellement, la gestion du médicament vétérinaire et le conseil, en apiculture, sont le fait de coopératives ou de groupements de producteurs, qui sont aussi des GDS, lesquels font appel à des vétérinaires, libéraux ou salariés, pour couvrir ces PSE. Ils sont environ 70 en France.
Jusqu’à très récemment, c’était le principal débouché pour un vétérinaire dans ce domaine. Celui-ci, en effet, n’est pas un acteur privilégié par les professionnels de la filière. Ces derniers sont attachés à leur autonomie ou sollicitent, le cas échéant, ceux appelés, jusqu’à octobre 2014, les agents sanitaires apicoles (ASA)1. Dépendant des DDPP, ils sont aujourd’hui en pleine mutation professionnelle. Devenus des techniciens sanitaires apicoles (TSA), ils ne sont désormais autorisés à effectuer certains actes de médecine apicole que sous la responsabilité et l’autorité d’un vétérinaire2. Une évolution favorable à l’implication de ce dernier dans une filière qui lui ouvre peu à peu ses portes.
La création du DIE en apiculture et pathologie apicole en 2005, celle de la commission apicole de la SNGTV en 2009 et le mandatement en apiculture ouvert aux vétérinaires en 2015, pour des missions sanitaires officielles, sont autant d’étapes ayant accru l’intérêt des vétérinaires pour la santé de l’abeille. L’offre augmente et les compétences requises à cet égard sont favorables aux praticiens. Si, jusqu’à présent, il n’était pas demandé grand-chose aux vétérinaires du PSE, la commission régionale de la pharmacie, qui agrée ces plans sanitaires tous les cinq ans, se montre dorénavant très attentive à ce qu’ils aient reçu une formation minimale dans le domaine apicole.
Le service public continue d’offrir ses débouchés traditionnels pour les vétérinaires. Cela peut être dans les DDPP, voire à la DGAL du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt pour des missions d’appui technique et scientifique à l’administration, ainsi qu’auprès des services déconcentrés de l’État. Les laboratoires départementaux d’analyses, pour certains d’entre eux, réalisent, en outre, les analyses officielles et recherchent les maladies réglementées, tandis que d’autres assurent la détection des parasites exotiques dans le cadre des importations issues de pays tiers. Le laboratoire pour la santé des abeilles de Sophia Antipolis, de l’Anses, est, quant à lui, le laboratoire de référence européen pour la santé de l’abeille.
Compte tenu de l’étroitesse du marché, les places sont extrêmement chères dans les laboratoires pharmaceutiques privés qui sont spécialisés dans le médicament vétérinaire en apiculture. Une piste de développement intéressante concerne l’expertise en assurances. Le vétérinaire peut être missionné pour vérifier la réalité d’un sinistre, en identifier les causes et estimer le préjudice subi par l’apiculteur : une voiture qui écrase des ruches, une mortalité avec la mise en cause d’insecticides, un voisin céréalier ou arboriculteur qui épand des produits de façon irrespectueuse de la réglementation, etc. L’assurance a besoin d’experts, de tiers indépendants et compétents, et c’est une ouverture pour les vétérinaires qui répondent à ces critères en la matière.
La formation est également une voie à ne pas négliger. Si la formation initiale, dans les écoles, est très limitée et se réduit au DIE pour le poste universitaire, elle s’élargit avec la SNGTV, qui propose un catalogue pour le présentiel (b. a.-ba en apiculture, la pharmacie vétérinaire) et de la téléformation sur des sujets ponctuels (frelon asiatique, loque américaine, etc.). Via les groupements, les syndicats ou les diverses organisations sanitaires, elle constitue un débouché pertinent. En participant à la formation des apiculteurs, les vétérinaires restent un référent pour eux : une relation pouvant s’avérer féconde pour leurs relations professionnelles ultérieures.
Une grande piste d’avenir devrait s’ouvrir bientôt pour les vétérinaires. Il s’agit de la certification des élevages apicoles et des animaux. L’apiculture souffrant de beaucoup de mortalité, les éleveurs qui veulent maintenir leur production doivent renouveler leurs animaux, soit en multipliant leur cheptel, soit en achetant des produits d’élevage. Ils sont, dans ce cas, confrontés à l’absence d’une garantie sanitaire à l’achat, contre la mortalité, contre les maladies. Un vrai besoin de certification s’impose. Il s’agit de définir l’état de bonne santé d’une colonie, mais aussi de l’animal qui la compose. C’est une piste prometteuse tant pour la crédibilité des vendeurs que pour la tranquillité des acheteurs.
Le praticien libéral peut également envisager d’autres voies intéressantes dans le domaine de la santé de l’abeille, notamment l’audit et le suivi d’élevage. Cela consiste à identifier des problèmes sanitaires complexes, hors du cadre urgentiste, qui nécessitent un abord global de l’élevage, une bonne connaissance de l’abeille, de la fourche à la fourchette. À cet égard, les vétérinaires pourraient aussi s’investir dans la qualité des denrées produites en conseillant les apiculteurs sur leur travail en miellerie, par exemple.
1 Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, article 47.
2 Arrêté ministériel du 16 janvier 2015.
• Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
• ASA : agent sanitaire apicole
• DDPP : direction départementale de la protection des populations
• DGAL : Direction générale de l’alimentation
• DIE : diplôme interécoles
• Fnosad : Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales
• FVE : Fédération des vétérinaires européens
• GDS : groupement de défense sanitaire
• GDSA : groupement de défense sanitaire apicole
• PSE : plan sanitaire d’élevage
• SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires
• TSA : technicien sanitaire apicole
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