L’ASSURANCE SANTÉ ANIMALE EN PLEINE STRUCTURATION - La Semaine Vétérinaire n° 1641 du 11/09/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1641 du 11/09/2015

DOSSIER

Auteur(s) : Serge Trouillet

Le foisonnement de l’offre trahit l’immaturité de l’assurance santé animale en France. De la quarantaine de courtiers présents sur ce secteur, seuls quatre ou cinq parviendront à se développer réellement dans les années à venir. Le taux d’équipement des chiens et des chats assurés tendra alors vers les 10 %, contre 2 % actuellement. Ce marché n’en est qu’à ses balbutiements.

L’assurance santé animale fait parfois l’objet d’un défaut de compréhension quant à sa nature, y compris chez certains vétérinaires. Comme toute assurance, elle ne constitue pas un placement financier, un investissement dont il faut attendre un retour. Dans un contrat d’assurance, le souscripteur transfère à l’assureur un risque contre lequel il souhaite se prémunir. Mais ce risque est contingent. Il peut se produire ou non. S’il survient, le tracas qui en résultera sera au moins allégé par la garantie pour le souscripteur de ne pas avoir à en supporter seul les conséquences financières. Dans le cas contraire, il pourra se féliciter que rien de grave n’affecte la santé de son animal de compagnie, et que ses primes auront en partie servi à soulager les tourments d’autres assurés.

Des incompréhensions à lever

Pour résumer, assurer son animal de compagnie, c’est prévoir ce que l’on ne souhaite pas qu’il lui arrive : le renversement par une voiture, avec de la chirurgie orthopédique à la clé ; une boîte de foie gras avalée d’un seul coup, entraînant une gastroentérite qui nécessitera trois jours d’hospitalisation… « Dans la mesure où la qualité des soins dispensés par le vétérinaire s’appuie sur des moyens techniques de plus en plus élaborés, et donc de plus en plus coûteux, la facture de celui-ci s’en ressent fatalement, commente Pierre-Yves Anglaret, gérant de la société de conseil Pyac. L’assurance, dans ce cas, est un produit parfaitement adapté. Elle est utilisée pour ce qu’elle est : un produit de couverture financière contre un aléa. »

Ce n’est pas toujours compris ainsi par des propriétaires d’animaux qui attendent également une prise en charge de la prévention. Mais la stérilisation d’une chatte, un traitement antiparasitaire ou vermifuge, par exemple, ne sont pas des risques. Il est dans les bonnes pratiques du vétérinaire qu’un animal soit stérilisé, vermifugé. Ce sont des dépenses certaines, en rien aléatoires. L’assureur n’est pas dupe. Il sait que la dépense aura lieu et qu’il devra la prendre en compte dans ses tarifs. La quasi-totalité des produits d’assurance aujourd’hui incluent une participation sous la forme d’un forfait de prévention dont le montant est généralement lié à la formule choisie.

Un foisonnement de courtiers

Les acteurs de l’assurance santé animale sont, d’une part, les assureurs, pas plus de quatre ou cinq en France (Axa, Allianz, Generali, etc.), qui portent les risques ; d’autre part, les courtiers, une quarantaine, dont les interventions sont plus ou moins étendues. Certains les limitent à la vente des contrats, d’autres participent à leur gestion en prélevant les primes pour le compte de l’assureur. Une infime minorité, enfin, est délégataire de gestion : elle conçoit les produits d’assurance, les distribue, gère les encaissements de primes et les sinistres. « La différence entre les uns et les autres, sur ce marché, tient à cette gestion des contrats. Très peu gèrent eux-mêmes leurs demandes de remboursement, et donc ont une connaissance intime de la mécanique des demandes des clients, des tarifs et des pratiques vétérinaires, voire de la fraude », estime Jérôme Salord, président-directeur général de Vetassur, qui gère notamment la marque SantéVet.

Ces courtiers peuvent être très exclusifs sur leur positionnement en ne proposant que de l’assurance santé animale. C’est le cas de Bulle Bleue, proche du monde vétérinaire, ainsi que de SantéVet qui, de son côté, distribue en outre ce type de produits d’assurance en marque blanche, pour le compte de grandes enseignes commerciales, bancaires ou assurantielles. D’autres courtiers sont des spécialistes de l’assurance, au sens large, comme ECA Assurances, Finaxy, HD Assurances, Solly Azar, etc. Enfin, de grandes entreprises comme La Banque Postale, Carrefour ou la GMF commercialisent des produits proposés et gérés par d’autres cabinets de courtage tels que SantéVet.

Des vétérinaires encore circonspects

Tous les vétérinaires ne sont pas convaincus que la balance des avantages et des inconvénients de l’assurance santé animale leur soit réellement favorable. Le rôle de banquier que leur assignent certains clients assurés, qui ne souhaitent pas voir leur chèque débité tant qu’ils n’ont pas été remboursés par leur assurance, n’achève pas de les convaincre. « Pourtant, assure Pierre-Yves Anglaret, ils y ont tout à fait intérêt. Selon des études menées par SantéVet en 2010, la fréquentation des clients assurés progresserait de 93 % et leur panier moyen de près de 80 %. Cela reste un excellent outil de pérennisation du financement des soins. »

Reste pour les praticiens à bien se renseigner sur les produits proposés et à faire preuve de la plus grande vigilance au regard des produits d’assurance qu’ils peuvent recommander. Il s’agit pour eux d’éviter le nombre de retours négatifs de leurs clients et de ne pas se tirer une balle dans le pied. « Le plus pertinent est d’aborder systématiquement le sujet en matière de prévention pour les jeunes animaux jusqu’à 1 an. La parole du vétérinaire est écoutée par le propriétaire d’un animal. Il a un rôle clé dans le développement de l’assurance santé animale, à son bénéfice. C’est un influenceur majeur », soutient Pierre-Yves Anglaret.

Un devoir de conseil… et de vigilance

La profession semble ne pas s’être suffisamment saisie de ce volet concernant ses pratiques en la matière. Pour Pierre-Yves Anglaret, elle a tout à gagner à se pencher davantage sur les propositions des courtiers d’assurance santé animale, à être en capacité de sélectionner ce qui lui paraît le plus professionnel afin d’aiguiller ses clients au mieux : « Il lui faut pouvoir aider ces derniers à s’y retrouver dans le meilleur choix de couverture pour leur animal, à leur éviter les pièges d’une communication bien rodée. Qu’il s’agisse des délais de carence, des types de remboursement spécifiés, des plafonds de remboursement, des augmentations voire des exclusions liées à l’âge, des franchises et surtout des délais de remboursement, qui marquent le caractère professionnel ou non du courtier. Une mauvaise note dans ce domaine finira toujours par empoisonner la gestion de la clinique. »

Le vétérinaire doit également veiller à ce que le personnel de sa structure soit le moins possible impliqué dans les interactions entre ses clients et leur assureur. Les allers-retours avec le pôle gestion de sinistres des assureurs s’avèrent parfois compliqués, en raison de dossiers incomplets ou qui ne rendent pas compte suffisamment clairement des soins dispensés aux animaux assurés !

Une avancée inéluctable

Sur les 20 millions de chiens et chats en France1, 7,5 millions sont médicalisés et à peine 400 000 sont assurés, soit un peu plus de 2 % de l’ensemble seulement. Loin des 10 % aux États-Unis, 30 % au Royaume-Uni et 80 % en Suède, les contextes étant certes différents d’un pays à l’autre. Le marché se développe, mais pas très vite. « Dès lors que, depuis quelques mois, les grandes enseignes comme BNP Paribas commencent à proposer ce type de produits d’assurance, l’évangélisation dont nous avons tous besoin, c’est-à-dire l’information de leur existence par le grand public, par toutes les voies possibles, est en train de commencer à produire ses effets. C’est une mécanique qui se met en place, un rouleau compresseur un peu lent mais à l’avancée inéluctable », présage Jérôme Salord.

Ce marché, surtout, se structure. « Il est complexe. C’est un marché de spécialistes qui doivent apporter un grand savoir-faire dans l’offre et dans sa gestion, conclut Jérôme Salord. En France, dans les cinq ou six années qui viennent, le taux d’équipement des chiens et des chats assurés voisinera sans doute les 10 %. Ce serait déjà très bien. De nouveaux produits vont apparaître, mais plus nombreux seront ceux qui ne survivront pas. L’une des étapes clés dans notre métier, c’est 50 000 clients. Ce seuil autorise une forme de pérennité au regard du coût des contrats. Quatre ou cinq acteurs majeurs se dégageront sur ce marché. Il sera alors en place et mature. »

1 Source : enquête TNS/Facco Sofres, publiée en mai 2015.

EXIT LA CHARTE ÉTHIQUE DE L’ORDRE

Afin d’éviter des interactions contraires aux dispositions du Code de déontologie, entre les praticiens et les courtiers d’assurances, le Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires (CSO) avait mis en place une charte éthique permettant à ses huit signataires (AAC, Animaux Santé, Bulle Bleue, Cavalassur, ECA, Fox Assurances, SantéVet et Solly Azar) d’apparaître sur le site de l’Ordre. Les vétérinaires pouvaient ainsi les recommander sans discrimination à leurs clients. Mais en raison de la jurisprudence de l’Autorité de la concurrence, selon laquelle cette charte pouvait être considérée comme un octroi d’avantage à ces sociétés, sur le plan de l’image, le CSO l’a dénoncée en mai 2014.

L’INTERMÉDIATION D’ASSURANCES EN QUESTION

Après avoir été à l’origine de la suppression par le Conseil d’État, en octobre 2012, de la fonction d’administrateur de domicile professionnel d’exercice (DPE), « inventée par le Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires » (CSO), Christian Lemaire (N 84), praticien canin à Montivilliers (Seine-Maritime), et son cabinet de vétérinaires poursuivent leur quête « pédagogique » d’éclaircissements auprès du CSO. Cette fois, il s’agit d’une requête auprès du Conseil d’État, afin d’annuler une disposition (article R. 262-42) visant à interdire l’intermédiation d’assurances pour les vétérinaires. « Une interdiction est très stricte. Le droit européen n’en veut pas. Elle doit être justifiée selon des principes pouvant relever de la non-discrimination, du respect de l’intérêt général ou de la proportionnalité.

Cette interdiction n’étant pas motivée, nous en faisons une opposition de principe, et nous attendons que le Conseil d’État dise le droit. Et s’il autorise l’intermédiation pour les vétérinaires, qu’il en précise les conditions. Cette non-conformité, à nos yeux, au droit européen, nous interpelle d’autant que la prétendue modernisation du Code de déontologie n’est, en réalité, qu’un habillage sémantique de notre obligation de mettre à jour nos dispositions en accord avec la réglementation européenne, en s’appuyant notamment sur la directive “services” de 2006. »

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