GESTION
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Auteur(s) : Lorenza Richard
Une volonté d’égalité dans le travail, une cogérance, un cloisonnement des activités : un modèle économique qui tient la route pour l’instant, mais jusqu’à quand ? Décryptage.
Une clinique mixte à prédominance rurale rassemble aujourd’hui 17 praticiens, répartis sur deux cliniques en Saône-et-Loire (depuis 1994). Aujourd’hui, la rurale est la priorité du groupe vétérinaire. Mais compte tenu de la conjoncture actuelle et des difficultés de recrutement rencontrées, jusqu’à quand tiendra-t-il avec ce modèle économique ?
Le fonctionnement global du groupe est centré sur l’activité rurale (depuis son organisation jusqu’à l’architecture même des bâtiments). Celle-ci représente 80 % du chiffre d’affaires (CA) contre 15 % de canine, 3 % d’équine et 2 % pour le suivi d’élevages industriels de volailles.
En Saône-et-Loire, l’élevage des vaches charolaises est à l’origine du caractère saisonnier très marqué de l’activité des vétérinaires. Chaque saison de vêlage, de novembre à mai, est une épreuve : elle absorbe quasi exclusivement l’énergie et l’attention des praticiens qui ajournent, jusqu’au printemps, les tâches les moins essentielles. Cette saisonnalité forte impose le recrutement de quatre collaborateurs pour « faire la saison en charolais ». Cela porte à 10 le nombre de praticiens ruraux. Quant aux autres activités vétérinaires de la structure, elles ont justifié des recrutements et/ou des collaborations (encadré).
Les six associés sont tous des hommes, praticiens ruraux, réunis en société de fait (SDF). En dehors des temps partiels accordés aux plus anciens d’entre eux en hiver, leurs activités et leurs plannings sont rigoureusement identiques (jours de repos, gardes de nuit et de week-end, prophylaxie, etc.). Il en va de même pour les jeunes collaborateurs ruraux de l’hiver. Les tâches administratives sont réparties entre les six associés, seuls décisionnaires. Les décisions sont prises à la majorité, après concertation, le cas échéant, avec les salariés. Le planning de rurale est réalisé par un associé, celui de canine est délégué à l’une des vétérinaires canines. Équité, transparence, solidarité et confiance sont les principales règles qu’imposent les associés, à eux-mêmes et à leur personnel. Une forme de gérance familiale, volontiers paternaliste, s’est créée et subsiste.
Compte tenu de la conjoncture actuelle et de la souffrance profonde de la filière bovine, la structure déclare une activité en progression et un bilan comptable satisfaisant. Toutefois, l’encours client, essentiellement généré par la clientèle rurale, représente plus de 20 % du CA total.
Si la rigidité relative de ce modèle d’organisation à l’ancienne a assuré la stabilité du groupe jusqu’à présent (la retraite a été le seul motif de départ des associés), elle pourrait aussi en créer les limites. La cogérance a été, jusque-là, facilitée par l’homogénéité des profils des associés (avec les mêmes objectifs, les mêmes attentes, la même philosophie de travail et de vie). Mais les stratégies de gestion et de développement ont été unidirectionnelles : activité rurale prédominante, rythme soutenu, milieu masculin en rural, ouverture difficile aux autres secteurs d’activité, etc. La confrontation de ce système à la nouvelle génération, dite “Y”, des jeunes confrères est à l’origine de difficultés, notamment de recrutement. Les attentes sociétales des trentenaires actuels ont évolué (préservation de la vie de famille, des temps de repos, etc.). Ainsi, ni le management familial ni les taux importants de rémunération ne suffisent à les retenir. À leur forte culture de l’écrit et du “contrat” s’opposent la confiance orale et la solidarité philosophique que les plus anciens souhaitent entretenir au sein d’une SDF aux contours parfois flous.
Les statuts associatifs imposent actuellement l’achat de parts dont la valeur est d’emblée élevée et difficilement fractionnable, ce qui est aussi un frein à l’intégration des jeunes dans la structure, réticents à prendre des engagements financiers dans un contexte économique perturbé.
Par ailleurs, le mode de vie en campagne est peu attractif et n’offre pas toujours l’emploi recherché par les conjointes des vétérinaires prétendants.
De plus, la féminisation de la profession remet fondamentalement en question le choix du profil unique de l’associé rural masculin : le nombre de postulantes dépasse chaque année largement celui des postulants.
Toutefois, l’association Ergone1 souligne plusieurs points faibles (ou critiques) d’une telle organisation, compte tenu de la conjoncture actuelle :
- la spécialisation très marquée de la clinique en rurale et les perspectives incertaines de la filière bovine créent une sorte de dépendance risquée. La diversification des activités est indispensable. Elle existe, mais il est nécessaire de la poursuivre et de se donner les moyens (humains, matériels, financiers, logistique) d’optimiser les performances dans ces secteurs.
- le “sous-effectif global” des praticiens ruraux est évident. Le rythme de travail est lourd en hiver et vient s’ajouter à la rudesse physique de la pratique, un handicap supplémentaire pour les jeunes vétérinaires, surtout pour les consœurs et les débutants. Les tâches de gestion sont alors partiellement abandonnées au détriment de l’organisation interne des cliniques, un phénomène générateur de stress pour des gérants déjà surmenés.
Parmi les points d’amélioration, l’augmentation du nombre de praticiens ruraux et d’associés pourrait être une piste intéressante. Ainsi, les rythmes de travail s’en trouveraient allégés, en adéquation avec les attentes de la nouvelle génération.
La politique de recrutement des associés pourrait intégrer de nouveaux profils. Cela permettrait la stimulation d’autres secteurs d’activité (la canine, par exemple) et l’apport de nouvelles compétences enrichissantes pour l’entreprise. La révision des statuts associatifs peut être un moyen de favoriser cela, tout en améliorant la lisibilité du cadre juridique de l’association, et en facilitant l’intégration progressive des jeunes par la définition de parts cessibles fractionnables.
Enfin, toujours selon l’association Ergone, il conviendrait de prendre conscience de la valeur réelle du temps de travail lié à la gestion, souvent négligée par rapport à celle accordée au cœur de métier. D’où l’importance d’une organisation interne rigoureuse, pour pouvoir définir correctement sa stratégie de développement.
1 La clinique vétérinaire mixte a fait l’objet d’une visite et d’une radiographie par l’association Ergone, en juin dernier, afin de l’aider à déceler les perspectives d’évolution.
En canine, cinq vétérinaires salariées exercent à tour de rôle dans les deux cliniques. Les gardes de nuit et de week-end sont effectuées par l’équipe des ruraux.
Le développement de l’activité équine a justifié le recrutement d’une vétérinaire spécialisée (en 2010), en complément et en relai pour les urgences de l’associé équin du groupe.
L’activité avicole est réalisée par un associé en collaboration avec une vétérinaire canine.
Le groupe emploie une équipe de huit secrétaires et une magasinière, ainsi qu’une auxiliaire spécialisée vétérinaire, actuellement en apprentissage.
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