La besnoitiose, une maladie qui ne doit plus ni s’acheter ni se vendre - La Semaine Vétérinaire n° 1644 du 02/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1644 du 02/10/2015

CONFÉRENCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Jean-Pierre Alzieu*, Lorenza Richard**

Fonctions :
*Président du LVD de l’Ariège.
Article rédigé d’après une présentation
faite lors de la journée d’information sur
la besnoitiose organisée par le GDS et le
GTV Bourgogne à Épinac (Saône-et-Loire),
le 8 septembre 2015.

Apparue en France en 1990 en Midi-Pyrénées, la besnoitiose touche désormais 45 départements français, infectés à des degrés variables (de un à de nombreux foyers). L’enjeu commercial de la maladie est important. Elle a émergé en Allemagne en 2008, en Suisse et en Belgique en 2012 et en Hongrie en 2013. La traçabilité des animaux montre que ces foyers européens sont tous en relation avec l’importation de bovins français infectés.

Des animaux infectés à vie

Le chat n’est plus considéré comme l’hôte définitif de Besnoitia besnoiti, protozoaire de la famille des Sarcocystidae : la besnoitiose semble être une maladie spécifique des bovins.

La forme initiale d’invasion, le tachyzoïte, prend, après la réaction cellulaire de l’hôte, la forme bradyzoïte contenue dans des kystes à paroi très épaisse, qui persistent plus de 10 ans dans tous les organes. Ainsi, un individu contaminé est porteur du parasite à vie.

Les bradyzoïtes sont véhiculés sur les pièces buccales des tabanidés et stomoxes vecteurs, souillées quand l’insecte pique l’hôte en traversant les kystes situés dans le derme. Le parasite ne se multiplie pas chez l’insecte et il persiste 4 heures sur ses pièces buccales. Le repas de sang du vecteur est le plus souvent interrompu par la réaction de défense du bovin (trémulations de la peau, coup de queue) : l’insecte va le compléter, immédiatement, sur le bovin situé le plus près possible du premier. Les trois quarts des stomoxes piquent des animaux situés à moins de 5 m l’un de l’autre. Pour cette raison, 90 à 95 % de la contamination est intra-cheptel. Les animaux porteurs de nombreux kystes sont les principaux réservoirs de la maladie. Chaque année, 20 à 50 % de nouveaux bovins infectés sont comptabilisés dans un troupeau où, parfois, un seul bovin riche en kystes a été introduit. En 2 à 3 ans, la prévalence s’élève à près de 80 % (20 % environ des animaux d’un cheptel restent négatifs, même en zone d’enzootie, pour une raison méconnue).

Un cheptel sain doit le rester

La contamination inter-cheptel s’effectue essentiellement lors de mélange de troupeaux ou de l’introduction d’un animal infecté. Un contrôle sérologique1 (Elisa, pour Enzyme-linked immunosorbent assay) devrait être systématique à l’achat, puis 2 mois après (au cas où le bovin se serait infecté au moment de l’achat). En effet, un cheptel sain doit le rester, car de nombreux cas cliniques se développent dans les zones d’émergence, avec des conséquences économiques importantes.

Comme la besnoitiose reste asymptomatique chez 95 % des bovins en zone d’endémie et 70 à 90 % d’entre eux en zone d’émergence, beaucoup d’élevages se déclarent sains, alors que rien ne le prouve. Le sondage de 20 % de l’effectif ne permet pas de détecter un troupeau où la prévalence est faible. Seule une sérologie individuelle négative de tous les bovins âgés de plus de 6 mois (les anticorps colostraux peuvent persister jusqu’à 5 mois) permet de présumer qu’un cheptel est sain. Les animaux douteux ou nouveaux positifs sont contrôlés par western blot, test de référence européen très spécifique pour la besnoitiose2.

Gestion sanitaire d’un cheptel infecté

L’unité de gestion sanitaire de la besnoitiose est le cheptel : la stratégie de contrôle est spécifique à chaque troupeau, suivant la séroprévalence.

Le principe de base est l’élimination prioritaire et rapide des animaux malades et porteurs de kystes (le traitement permet la disparition des symptômes sans faire perdre de valeur bouchère à l’animal, toutefois ce dernier reste infecté et très riche en kystes), puis la détection des asymptomatiques par l’évaluation de la séroprévalence en réalisant une sérologie chez tous les bovins âgés de plus de 6 mois.

Si la séroprévalence est inférieure à 10 %, la prophylaxie sanitaire consiste en l’élimination de tous les séropositifs et la réalisation de contrôles à l’achat.

Si la séroprévalence est supérieure à 30 %, l’impact économique de la maladie peut être limité par la séparation des séropositifs et des séronégatifs, ainsi que par des traitements contre les insectes vecteurs. L’élevage glisse alors vers une stabilité endémique après de nombreuses années (entre-temps, les pertes peuvent être élevées).

Diagnostic et traitement

Le vétérinaire doit inclure la maladie dans son diagnostic différentiel (ehrlichiose granulocytaire bovine, fièvre catarrhale ovine, coryza gangréneux, maladie respiratoire infectieuse lors de la phase fébrile, et gale, carence en zinc ou photosensibilisation lors de la phase chronique). Une photosensibilisation a été suspectée à tort chez de nombreux bovins atteints de besnoitiose, mais lors de photosensibilisation, la peau s’exfolie en petits lambeaux qui laissent apparaître une peau rose en dessous (hyperkératose très faible).

Le diagnostic de certitude est obtenu par sérologie Elisa dès 3 à 4 semaines post-infection, confirmé en cas de doute par western blot. La polymerase chain reaction (PCR) sur sang (recherche de tachyzoïtes) peut être réalisée le plus tôt possible après l’infection, mais le résultat est négatif pour un cas sur deux. La PCR sur derme en phase de sclérodermie s’avère plus fiable.

Le traitement doit démarrer au plus tôt. Il repose sur l’utilisation de sulfamides à une posologie deux à trois fois supérieure à celle mentionnée dans l’autorisation de mise sur le marché et durant plusieurs jours. Ainsi, il convient de déconseiller fortement à l’éleveur de traiter par lui-même.

  • 1 Une valeur prédictive négative (VPN) très élevée des tests Elisa a été recherchée, afin de s’assurer qu’un animal négatif ne soit pas infecté, mais les faux positifs étaient assez fréquents. Depuis octobre 2014, la trousse ID Screen® Besnoitia indirect 2.0 d’IDvet (test bicupule) a procuré des valeurs plus élevées de sensibilité, de spécificité et de VPN.

  • 2 Sur tube sec envoyé au laboratoire de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (20 €).

REPÉRER LA MALADIE AU PLUS TÔT

Pour que la maladie soit détectée le plus tôt possible, il convient d’expliquer aux éleveurs quels symptômes doivent les alerter.

Chez les bovins âgés de 2 à 4 ans, qui sont les plus sensibles à la maladie, trois phases cliniques se succèdent :

• phase fébrile, durant 3 à 10 jours : forte hyperthermie, épiphora ou jetage, parfois œdème de la tête ou anneau congestivo-hémorragique à la base du trayon, bien repérable aussi en élevage allaitant (il peut être confondu avec une lésion due à la machine à traire en élevage laitier) ;

• phase des œdèmes, durant 1 à 2 semaines : température normale, œdèmes, peau chaude et douloureuse, réduction de l’appétit ;

• phase chronique, durant plusieurs mois : sclérodermie (épaississement de la peau, plissée et cartonnée) et dépilation, pouvant évoluer vers une exfoliation de la peau et un amaigrissement nécessitant l’euthanasie de l’animal. Des kystes à bradyzoïtes sont visibles dans 25 % des cas sur la sclère oculaire.

Cas particuliers

Une sensibilité particulière des taureaux est notée : ils développent la maladie dans deux cas sur trois. Celle-ci ne se transmet pas par voie vénérienne, mais elle abaisse la fertilité. En zone d’endémie, une infertilité définitive est observée chez les deux tiers des taureaux malades, d’où l’importance d’éviter l’introduction de la besnoitiose dans les troupeaux reproducteurs, ou de la détecter chez des taureaux en monte naturelle.

Aucun symptôme clinique n’est observé chez les animaux de moins de 7 à 8 mois. Ces derniers sont réceptifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être infectés (des veaux de 3 à 5 mois d’âge élevés en estive sont déjà parfois porteurs de kystes à bradyzoïtes dans la peau), mais ils ne deviennent sensibles qu’à l’approche du sevrage : en zone d’émergence, des formes cliniques précoces et catastrophiques apparaissent. La fièvre et l’œdème chez les jeunes, notamment des testicules chez les mâles (systématique), sont des éléments suffisants pour suspecter une besnoitiose : ce sont les symptômes à observer par l’éleveur.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur