MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE
Actu
Auteur(s) : Clarisse Burger*, Michaella Igoho**, Jacques Nadel***
Le découplage entre la prescription et la délivrance n’aura pas lieu, cette fois. L’amendement n° 236 de la loi pour la modernisation du système de santé n’existe plus. Explications.
Sur fond de lutte contre l’antibiorésistance et de crise sanitaire, avec l’épizootie de fièvre catarrhale ovine, l’amendement n° 236 du projet de loi pour la modernisation du système de santé a été retiré le 28 septembre. C’est une bonne nouvelle pour la profession vétérinaire, le danger du découplage ayant été écarté.
Derrière cet amendement, ajouté au dernier moment et déposé le 14 septembre par plusieurs sénateurs républicains, se profilait une tentative de découplage entre la prescription et la délivrance.
Leur objectif était d’abroger l’article L.5143-2 du Code de la santé publique, avec pour conséquence de retirer aux vétérinaires leur rôle d’ayants droit. Cet article mentionne que les vétérinaires « ayant satisfait aux obligations du chapitre Ier du titre IV du livre II du Code rural leur permettant d’exercer la médecine et la chirurgie des animaux » peuvent « préparer extemporanément, détenir en vue de leur cession aux utilisateurs et délivrer au détail, à titre gratuit ou onéreux, les médicaments vétérinaires ».
Pour faire face à cette menace réelle, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) est intervenu, avant que le projet de loi pour la modernisation du système de santé ne passe au Sénat.
À l’échelon national et européen, le spectre du découplage semble plus que jamais planer.
À la suite d’une mission commune de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER) qui portait sur le bilan du décret du 24 avril 2007 relatif au dispositif prescription-délivrance des vétérinaires, le directeur général de la santé et le directeur général de l’alimentation ont rappelé aux acteurs concernés les principes en la matière. Néanmoins, le rapport Igas de 2013 sur l’encadrement des pratiques commerciales pouvant influencer la prescription des antibiotiques vétérinaires ne retenait déjà pas le découplage entre la prescription et la vente des antibiotiques.
Aux termes des débats sur la révision de la législation européenne sur le médicament vétérinaire, un projet de règlement qui exclut le découplage devrait voir le jour en novembre.
De nombreuses problématiques sont, par ailleurs, traitées par ce projet, dont celles de la lutte contre l’antibiorésistance et de la délivrance d’antibiotiques.
L’alinéa 2 de l’article 107 du projet de règlement a été la cible de nombreux amendements. L’alinéa 2 de cet article indique que « les personnes habilitées à prescrire des médicaments vétérinaires en vertu de la législation nationale applicable ne vendent des médicaments antimicrobiens au détail que pour les animaux qu’elles soignent, et uniquement dans la quantité nécessaire pour le traitement concerné ».
Certains amendements tendent à le préciser en exigeant qu’un diagnostic vétérinaire préalable soit effectué avant toute délivrance d’antimicrobiens. Mais cette proposition n’apporte aucune nouveauté compte tenu, entre autres, de l’article 20 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, qui prévoit notamment la limitation de la délivrance des antibiotiques d’importance critique. Cette disposition déjà appliquée a, par ailleurs, été rappelée par l’arrêté du 22 juillet 2015 relatif aux bonnes pratiques d’emploi des antibiotiques. Ce texte indique que « le vétérinaire prescrit des médicaments antibiotiques après un examen clinique tel que prévu dans le Code de déontologie. » L’Association nationale de la pharmacie vétérinaire d’officine (ANPVO) profite de cette occasion pour que l’alinéa 2 de l’article 107 soit clarifié. Elle propose d’ajouter à cet alinéa le contenu d’un amendement ainsi rédigé : « après qu’un diagnostic ait été posé, uniquement à la suite immédiate de leur examen clinique ».
Une proposition d’amendement a été adressée dans ce sens à plusieurs parlementaires de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) saisie au fond. Cet amendement suppose que les praticiens aient examiné l’animal pour établir un diagnostic avant la délivrance d’antibiotiques. À première vue, cette proposition n’apporte aucune nouveauté, sauf – détail important – qu’elle évince l’exception résidant dans le suivi permanent de l’animal, introduit par le décret “prescription-délivrance” de 2007. « Pour être légitime à vendre l’antibiotique qu’il a prescrit, le vétérinaire devra voir cliniquement l’animal, mais s’il ne peut pas se déplacer, il pourra continuer à prescrire mais ne pourra plus vendre », a précisé Jacky Maillet à l’occasion de la réunion des trois syndicats de pharmacies (FSPF, Uspo et UNPF1) et de l’ANPVO, en mai dernier à Paris.
Plusieurs députés semblent avoir été sensibles à l’argumentaire dressé. Certains amendements déposés proposent ainsi de préciser que « les personnes habilitées à prescrire des médicaments vétérinaires en vertu de la législation nationale applicable ne vendent des médicamentsantimicrobiens au détail que pour les animaux qu’elles soignent, après qu’un diagnostic vétérinaire ait été posé à la suite d’un examen clinique de l’animal, et uniquement dans la quantité nécessaire pour le traitement concerné », sans tenir compte des spécificités de l’activité vétérinaire. Tandis que quelques amendements prévoient des cas exceptionnels d’un simple suivi sanitaire régulier. Pour autant, l’Ordre des pharmaciens pointe les engagements et les enjeux communs avec les vétérinaires (encadré).
Pour sa part,Pierre Buisson, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), estime que l’amendement des pharmaciens a peu de chances d’aboutir car il est trop franco-français. « Le projet de texte de Mme Grossetête nous convient mais il ne peut apporter plus de détails dans les nouvelles obligations de prescription des vétérinaires, compte tenu de la diversité des législations dans les pays, précise-t-il. Pour des pays comme l’Espagne où la prescription vétérinaire n’est pas liée à un acte vétérinaire, appliquer l’article n° 107 représente déjà un progrès important à accomplir. »
Le SNVEL sera vigilant lors des débats au Parlement européen et au cours des arbitrages du trilogue avec la Commission. S’il paraît acquis, du fait de la loi d’avenir agricole, que le vétérinaire devra examiner cliniquement les animaux pour prescrire des antibiotiques dits “critiques”, pour les autres, Pierre Buisson plaide pour un modèle intermédiaire, à mi-chemin entre celui trop “ouvert” de la France et celui plus contraignant de l’Allemagne. Outre-Rhin, « le vétérinaire se déplace, examine l’animal ou un lot d’animaux malades et leur prescrit des antibiotiques, explique-t-il. L’éleveur dispose alors d’un délai de sept jours pendant lequel il peut solliciter le même vétérinaire pour la prescription du même traitement pour d’autres animaux présentant les mêmes symptômes. En France, on pourrait envisager un délai supérieur, à définir. »
1 Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Union des syndicats de pharmaciens d’officine et Union nationale des pharmacies de France.
L’amendement 236 a été retiré du projet de loi ; quelle est votre position ?
Dans ce projet de loi, l’amendement 236 sur le découplage entre la prescription et la délivrance et sur l’interdiction de prescription des antibiotiques critiques, a été retiré.
Ce sujet est néanmoins abordé dans le projet de règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires (à l’alinéa 2 de l’article 107). Le rapporteur a notamment souhaité préciser que « les personnes habilitées à prescrire des médicaments vétérinaires en vertu de la législation nationale applicable ne dispensent des médicaments antimicrobiens au détail que pour les animaux qu’elles soignent, après qu’un diagnostic vétérinaire a été posé à la suite d’un examen clinique de l’animal, ou dans des cas exceptionnels, d’un simple suivi sanitaire de ce dernier, et uniquement dans la quantité nécessaire pour le traitement concerné ». Ces dispositions me paraissent suffisantes pour atteindre les objectifs recherchés.
L’antibiorésistance est un sujet d’importance dont s’est emparée la ministre Marisol Touraine. Les pharmaciens comme les vétérinaires sont mobilisés sur cette question depuis de nombreuses années. Les vétérinaires se sont ainsi engagés à baisser de 25 % la consommation d’antibiotiques dans les cinq ans à venir. La démarche me paraît salutaire. Je crois davantage à une évolution volontaire, concertée et acceptée par la profession, qu’à une contrainte imposée, qui correspondrait mal à certaines spécificités de l’exercice vétérinaire.
Quoi qu’il en soit, l’Ordre des pharmaciens n’est pas fondé à demander d’enlever telle ou telle prérogative à une autre profession. Nous cherchons juste, dans la mesure de nos moyens, à parfaire notre collaboration avec la profession et à faire en sorte que la chaîne de prescription-délivrance soit respectée par l’ensemble des acteurs. Je rappelle ainsi notre déclaration commune avec l’Ordre des vétérinaires, portant sur un champ plus vaste que l’antibiorésistance et le médicament vétérinaire. L’antibiorésistance est un sujet commun, qui ne pourra se résoudre que de manière commune et partagée.
Propos recueillis par Clarisse Burger
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