VeTerrA Massif central : des travaux de référence - La Semaine Vétérinaire n° 1645 du 09/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1645 du 09/10/2015

PROJET DE RECHERCHE

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Serge Trouillet

Comment favoriser l’installation durable des vétérinaires dans les territoires ruraux du Massif central ? Tel était l’objet du projet de recherche VeTerrA, dont les résultats principaux ont été présentés le 24 septembre sur le campus de VetAgro Sup (Clermont-Ferrand).

La vocation pour l’exercice en zone rurale auprès des animaux de rente subit une érosion lente, mais constante. Une étude de l’Ordre des vétérinaires de Rhône-Alpes note 15 % de structures vétérinaires en moins à la campagne entre 1999 et 2010. Telle est la problématique qui se pose à la profession vétérinaire, aux décideurs politiques et économiques. La résurgence de la circulation virale de la fièvre catarrhale ovine (FCO) en rappelle les enjeux. Il s’agit, notamment pour le Massif central, de maintenir l’offre de soins vétérinaires, de renouveler le conseil et l’accompagnement des activités d’élevage, de maintenir la sécurité sanitaire et de favoriser la création d’activités économiques.

Largement exprimée dans la presse, cette problématique fait l’objet de rapports ministériels récurrents : Guéné en 2008, Vallat en 2009 et Le Bail en 2010. Pourtant, la raréfaction des vétérinaires dans les territoires ruraux n’est pas érigée en problème public. La fin des campagnes de prophylaxie, le cloisonnement entre santé humaine et santé animale, l’absence d’arrimage de la question vétérinaire aux enjeux d’attractivité territoriale, figurent parmi les ressorts de cette non-politisation. Il en résulte un désengagement progressif de l’État, ce qui, dans l’absolu, ne contrarie pas une profession très attachée à son indépendance, avec une veille sanitaire et vétérinaire s’apparentant davantage à un système urgentiste de gestion de crise qu’à une surveillance passive, régulière et structurelle.

Le projet de recherche VeTerrA1 (encadré), dont l’essentiel des résultats a été présenté le 24 septembre sur le campus agronomique de VetAgro Sup, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), portait sur l’installation durable des vétérinaires dans les territoires ruraux du Massif central.

Vers une identification des zones de désert vétérinaire

À la décharge des pouvoirs publics, le phénomène de la désertification vétérinaire demeure difficile à objectiver. Comment identifier les vétérinaires exerçant la rurale quand, dans le Massif central par exemple, cette pratique est mixte à 36 % sans autre précision sur la nature de cette mixité ? L’expression “désert vétérinaire”, par ailleurs, recouvre différentes acceptions selon que l’on est vétérinaire, éleveur ou acteur public. Cette réalité est perçue à travers le prisme de l’intérêt économique pour le premier, de la rapidité d’intervention des vétérinaires pour le second, et de la sécurité sanitaire globale pour le dernier. Malgré cela, VeTerrA propose une carte très détaillée de la disponibilité des vétérinaires sur l’ensemble du territoire, en fonction de critères de densité, de distance à parcourir et d’indice de gravité.

Les éleveurs s’accommodent plus ou moins de cette situation. Ils deviennent plus tolérants au regard des performances sanitaires de leurs troupeaux, recomposent une offre plurielle, s’appuient sur d’autres intervenants tels que les contrôleurs laitiers ou les inséminateurs, au risque parfois de se placer en situation de repli sanitaire… Quant aux vétérinaires, le choix de leur lieu d’installation repose avant tout sur des raisons professionnelles ; l’attractivité du territoire est peu évoquée. Face aux menaces et aux incertitudes concernant la concurrence du para-agricole, la délivrance des médicaments ou encore le dynamisme de l’élevage, leurs réponses à cette désertification s’articulent autour du conseil, du suivi de troupeau, d’une organisation en cabinets plus grands.

Un consensus social en Finlande

Mais cherchent-ils réellement à administrer la preuve de leurs inquiétudes ? Leur attachement viscéral au statut de profession libérale, teinté d’un individualisme prégnant, leur isolement géographique doublé d’une persistance de clivages professionnels (salariés/libéraux, médecine conventionnelle/alternative, discriminations de genre et de nationalité), leur fait ignorer toute forme de mobilisation collective. La difficulté d’une vision gagnant-gagnant avec les éleveurs ne facilite pas non plus la mobilisation convergente des acteurs du monde agricole concernés par les problématiques sanitaires. De là à ce que cette question des déserts vétérinaires apparaisse, pour certains acteurs publics, comme un faux problème ne méritant que peu d’attention de leur part, il n’y a pas loin…

Aussi, quelles perspectives en France, à l’heure des politiques agricoles territorialisées ? L’augmentation du numerus clausus ne garantit en rien l’amélioration de la répartition géographique des vétérinaires. Elle peut même conduire au renforcement de la concurrence des praticiens, comme c’est le cas en Belgique, dans les zones urbaines et périurbaines, avec des risques psychosociaux. L’exemple de la Finlande, avec un numerus clausus strict et un tissu équilibré de vétérinaires, y compris dans les régions faiblement peuplées, et la mise en place d’un système de vétérinaires municipaux grâce à des partenariats public-privé, peut-il faire l’objet du même consensus social en France ?

Un dispositif pédagogique approprié

L’installation durable des vétérinaires au sein des territoires ruraux passe d’abord par la formation. Le rôle de l’enseignement vétérinaire pour transformer les représentations des étudiants est fondamental. VeTerrA suggère à ce propos un dispositif pédagogique visant à doter les étudiants de compétences de lecture et d’analyse d’un territoire. Avec des outils pédagogiques pour accompagner leur parcours jusqu’en zone rurale, notamment les stages, qui en sont les éléments clés. Avec un accroissement de leurs compétences non disciplinaires, pour enrichir leur réflexion et leur projet professionnel : elles concernent l’installation, l’environnement de travail, les formes d’organisation, la communication, le management, etc. La distension du maillage vétérinaire constitue une réelle préoccupation dont le portage politique, regrette Jacques Guérin, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires, « n’est pas aujourd’hui suffisamment assuré. Le travail de VeTerrA préfigure l’intérêt d’un pilotage de la profession, par anticipation. Pour cela, nous avons besoin de données fiables, et ce projet de recherche peut se prévaloir d’avoir réalisé des travaux académiques de référence. Il faut leur donner maintenant une audience plus large ; ils fondent l’intérêt d’un observatoire démographique de la profession vétérinaire, dont la montée en puissance est maintenant attendue. C’est une responsabilité de l’Ordre national, nous devons maintenant l’assumer pleinement et progresser dans cette direction. »

  • 1 Vétérinaires et territoires ruraux attractifs.

PROJET VETERRA

Lancé en 2013, le projet VeTerrA (vétérinaires et territoires ruraux attractifs), porté par VetAgro Sup, est financé par l’Europe, l’État et la région Auvergne. Son objectif vise à explorer les conditions susceptibles de favoriser l’installation et le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux du Massif central, à travers une approche pluridisciplinaire (géographie, zootechnie des systèmes d’élevage, économie, science politique, sciences de l’éducation). Pendant deux ans, les chercheurs de l’unité mixte de recherche Métafort1 (AgroParis Tech, Inra2, Irstea3 et VetAgro Sup) ont conduit ce projet en partenariat avec les représentants de la profession vétérinaire, du monde de l’élevage, de l’État et des territoires.

1 Mutation des activités, des espaces et des formes d’organisation dans les territoires ruraux.

2 Institut national de la recherche agronomique.

3 Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

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