L’enthésopathie des fléchisseurs du coude chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1646 du 16/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1646 du 16/10/2015

CAS CLINIQUE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Peggy Passavin*, Jean-François Bardet**

Fonctions :
*Diplômé ECVS Praticiens à Neuilly-sur-Seine

La dysplasie du coude est à l’origine de la plupart des boiteries non traumatiques chez le chien. Elle regroupe classiquement quatre maladies : celle du compartiment medial, la non-union du processus anconé, l’ostéochondrite dis séquante du condyle huméral médial et l’incongruence articulaire. L’enthésopathie des fléchisseurs est une maladie du coude, récemment décrite (depuis 2012), qui doit être considérée dans le diagnostic différentiel des boiteries du membre antérieur chez le chien.

Cas clinique

Examen

Un dogue de Bordeaux mâle de 2 ans est présenté pour la persistance d’une boiterie du membre antérieur gauche évoluant depuis 5 mois. Le traitement administré jusqu’alors (firocoxib, 6 mg/kg) n’a pas permis d’amélioration clinique. L’examen clinique général est normal, à l’exception de l’examen orthopédique. Une boiterie modérée au pas du membre antérieur gauche est notée. L’examen statique montre une diminution de l’appui sur ce même membre. Une douleur est mise en évidence à l’extension et à la palpation-pression du coude en regard de l’épicondyle médial et de l’insertion des tendons des muscles fléchisseurs.

Hypothèses diagnostiques

L’hypothèse retenue est celle d’une dysplasie du coude et/ou d’une enthésopathie des fléchisseurs. Toutefois, d’autres maladies telles que les arthropathies inflammatoires, les fractures intercondylaires de stress et la tendinite du tendon distal du biceps ne peuvent être écartées.

Examens complémentaires

Les clichés radiographiques des coudes (photos 1a et 1b) confirment l’hypothèse de dysplasie bilatérale du coude associée à une arthrose sévère, mais une enthésopathie des fléchisseurs secondaire n’est pas exclue. Un examen tomodensitométrique des coudes avant et après injection de produit de contraste est ensuite réalisé afin de caractériser plus précisément les lésions de dysplasie (photo 2) et d’explorer la présence d’une enthésopathie secondaire éventuelle. Cette dernière est confirmée après visualisation de lésions caractéristiques : irrégularités du con dyle huméral médial et épaississement des muscles fléchisseurs caractérisés par une prise de contraste anormale avec une hétérogénéité associant une zone hypodense centrale et des zones périphériques hyperdenses (photos 3a et 3b). Enfin, une arthroscopie est réalisée à des fins thérapeutiques. Elle permet de visualiser le processus coronoïde médial fissuré et met en évidence la déchirure du tendon des fléchisseurs associée à une dilacération partielle et à une synovite sévère (photo 4).

Diagnostic et traitement

Le diagnostic est celui d’une dysplasie bilatérale du coude avec fragmentation du processus coronoïde médial, incongruence articulaire, arthrose sévère associée à une enthésopathie des fléchisseurs secondaire. Le fragment du processus coronoïde est excisé sous arthroscopie. Une injection intra-articulaire de plasma enrichi en plaquettes (PRP) est réalisée le jour de l’intervention, renouvelée deux fois à une semaine d’intervalle. Une antibiothérapie est instituée (céphalexine, 20 mg/kg deux fois par jour pendant 4 jours) ainsi qu’un traitement anti-inflammatoire (méloxicam, 0,2 mg/kg pendant 10 jours). Un con trôle est effectué au bout de 4 semaines, puis de 6 mois, ce dernier ne révélant aucune anomalie.

Discussion

Description

L’enthésopathie des fléchisseurs désigne des lésions des muscles fléchisseurs au niveau de leur point d’attache sur l’épicondyle médial huméral. Des remaniements de ce dernier (calcification, ostéophytes) sont rapportés depuis 1966, mais ils étaient considérés comme des lésions concomitantes à la dysplasie du coude et sans grande importance. Dans 34 % des cas, cette affection est associée à la dysplasie du coude et plus particulièrement à la fragmentation du processus coronoïde médial : on parle d’enthésopathie secondaire. Toutefois, plusieurs auteurs montrent que ces lésions peuvent être une cause primaire de boiterie du coude chez le chien (6 %). En médecine humaine, les enthésopathies sont plus documentées ; des maladies comme le tennis elbow ou le golfer’s elbow en sont des exemples. Chez le chien, l’âge moyen au moment du diagnostic est de 60 mois. Les mâles semblent plus fréquemment atteints. Les signes cliniques sont ceux retrouvés dans les cas de maladie du compartiment médial : boiterie, distension articulaire, douleur à la mobilisation du coude. Une douleur plus marquée peut être observée à la pression profonde du condyle huméral médial.

Diagnostic

Les examens d’imagerie ont une place centrale dans le diagnostic. Bien que la radiographie soit une bonne méthode de détection initiale de l’enthésopathie, le diagnostic nécessite la combinaison de plusieurs examens d’imagerie (tableau). En effet, les signes radiographiques observés sont proches de ceux évocateurs d’une fragmentation du processus coronoïde médial et les deux maladies sont souvent présentes en même temps. Il est donc fréquent que, dans les cas d’enthésopathie primaire, les lésions radiographiques suggèrent un diagnostic présomptif de processus coronoïde fragmenté et que, dans les cas d’enthésopathie secondaire, seule la fragmentation du processus coronoïde soit suspectée. Par ailleurs, des cas d’enthésopathie primaire ont été décrits sans aucune lésion radiographiquement visible car, au début de la maladie, l’atteinte est limitée aux tissus mous.

De ce fait, il est nécessaire de combiner l’examen tomodensitométrique, avant et après injection de produit de con traste, avec l’inspection directe des fléchisseurs sous arthroscopie pour un diagnostic de certitude.

Traitement

Chez l’homme, le traitement de l’enthésopathie des fléchisseurs du coude primaire combine un repos de 6 à 8 semaines et une injection intra-articulaire d’anti-inflammatoires stéroïdiens (0,5 mg/kg de méthylprednisolone). Les cas résistants au traitement médical conventionnel peuvent être traités avec des injections intralésionnelles de PRP. Cette technique n’est pas encore décrite chez le chien, mais elle est efficace dans le traitement des tennis elbow résistants au traitement médical classique. Dans les cas d’enthésopathie secondaire, il convient de traiter la cause initiale. Toutefois, des auteurs indiquent que des signes cliniques d’enthésopathie peuvent se manifester plusieurs années après le traitement de la dysplasie. Dans de tels cas, elle doit être considérée indépendamment, comme une enthésopathie primaire. Les anti-inflammatoires, la cryothérapie et le repos sont la base du traitement. Ils peuvent être associés à l’injection de PRP.

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