L’antibiogramme bientôt généralisé pour l’usage des “critiques” ? - La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015

ANTIBIOTIQUES CRITIQUES

Actu

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Michaella Igoho

L’avis très attendu de l’Anses sur l’usage des antibiotiques d’importance critique vient rassurer les praticiens en n’inscrivant pas la colistine sur la liste attendue.

La loi d’avenir prévoyait la publication d’un arrêté, fixant une liste des antibiotiques dits critiques, des ministres chargés de la Santé et de l’Agriculture, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L’avis de l’Anses est arrivé1 ! L’agence se prononce, entre autres, sur le projet de décret relatif aux médicaments contenant un ou plusieurs antibiotiques d’importance critique (AIC) et sur celui d’arrêté fixant la liste des AIC. Elle s’exprime également sur le sort à attribuer à la colistine et sur les conditions de recours à l’antibiogramme.

La colistine ne doit pas être considéréecomme critique

Point important de ce document rendu public, l’Anses considère que « la colistine ne doit pas être incluse dans la liste des antibiotiques d’importance critique ».

L’agence présente de nombreux arguments pour justifier ce refus. Elle reconnaît que cet antibiotique est très important : il est utilisé régulièrement en médecine vétérinaire pour le traitement des infections gastro-intestinales et est un des plus employés, notamment en filières volaille et porcine. Les polypeptides font, en effet, partie des antibiotiques les plus vendus en 2013, bien qu’une nette diminution de l’exposition soit notée depuis 2010, toutes espèces animales confondues. L’agence s’appuie notamment sur un avis rendu en 2013 par l’Agence européenne des médicaments (EMA) sur l’usage de la colistine et son potentiel impact sur la santé humaine. L’EMA avait conclu que la colistine restait un bactéricide particulièrement efficace pour lutter contre les infections gastro-intestinales dues notamment aux Escherichia coli non invasifs qui y sont sensibles. Toutefois, elle recommande de restreindre son usage au traitement curatif et/ou métaphylactique.

Par ailleurs, l’Anses souligne que plusieurs études, telles que celle réalisée dans le cadre du réseau Résapath, confirment « un faible taux de résistance chez les bactéries d’origine animale, malgré une utilisation importante, depuis de nombreuses années, de la colistine dans les élevages ». L’agence ajoute cependant « qu’il est nécessaire de surveiller l’évolution de la résistance chez les animaux de rente et de compagnie ». Si cette recommandation est suivie d’effet, cette tâche reviendra peut-être au Résapath, déjà en charge de suivre la résistance aux antibiotiques des bactéries pathogènes animales. Le regroupement de données d’antibiogramme pourrait permettre de surveiller l’évolution de la résistance bactérienne à la colistine. Dans ce cadre, la réalisation d’un antibiogramme avant la prescription d’un médicament vétérinaire contenant un AIC est conseillée.

L’antibiogramme obligatoire ?

L’Anses a également été saisie par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) au sujet des conditions de recours à l’antibiogramme avant la prescription d’un antibiotique. Il n’est pas surprenant que l’agence soutienne « les propositions du décret prévoyant la nécessité de réalisation, au préalable d’un examen clinique, d’une identification de la souche bactérienne responsable de l’infection et d’un test de sensibilité de la souche bactérienne aux antibiotiques ».

Sur cette question, l’Anses va beaucoup plus loin que le guide de bonnes pratiques en antibiothérapie publié en juillet. Ce dernier recommande en effet que « les examens bactériologiques et les antibiogrammes [soient] réalisés aussi souvent que possible, le plus précocement possible, dans la mesure du possible sur des animaux non traités ». Il s’agit d’une recommandation forte concernant tout recours à un antibiotique, critique ou non. Or, l’agence, elle, considère comme indispensable la mesure visant à rendre obligatoire la réalisation d’un antibiogramme pour toute prescription d’AIC, afin « d’éviter tout usage inapproprié ». Elle rappelle d’ailleurs que les recommandations de l’EMA vont dans ce sens. Si le ministère suit cet avis, un antibiogramme devra être systématiquement réalisé avant tout recours à un AIC, en plus des analyses microbiologiques déjà effectuées de façon quasi automatique en cas d’échec ou de rechute. L’Anses propose également la mise en place de standards minimum pour la réalisation de tests de sensibilité des souches bactériennes. Elle estime qu’il est « important que l’ensemble des laboratoires d’analyses observent la même norme de référence » et préconise la norme NFU 47-107, qui lui semble la plus appropriée, en attendant le développement de normes européennes plus adaptées à la médecine vétérinaire.

Durée de validité d’un antibiogramme

Par ailleurs, l’agence souhaite également corser les dispositions du décret qui permettraient d’exempter le praticien de tout examen complémentaire si ce dernier a déjà connaissance des résultats déjà obtenus depuis moins de six mois pour le même animal ou le même groupe d’animaux et la même affection. Sur ce point, l’avis stipule « qu’il semble difficile, trois ou six mois après une première affection, de savoir si la deuxième affection est due à la même bactérie et d’être sûr que le spectre de sensibilité/résistance n’a pas évolué ». Selon l’agence, cette dérogation de six mois semble inapplicable en pratique. Elle recommande simplement de supprimer cette exception, sinon de la restreindre. Elle considère, en effet, que si un « article dérogatoire devrait être maintenu, il conviendrait de restreindre les conditions d’application quant à la durée d’exemption, de clairement définir la notion de “même groupe d’animaux”, d’adopter des mesures spécifiques à chaque filière animale et de s’assurer de son applicabilité ».

Une liste “critique”

Le projet d’arrêté fixe la liste des AIC qu’il distingue en trois catégories. Une première catégorie définit les AIC autorisés en médecine vétérinaire et se limite aux fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième générations, comme cela a été souhaité au niveau européen. Une seconde comprend les AIC autorisés en médecine humaine autres que des fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième générations qui sont interdits d’usage en médecine vétérinaire. Enfin, une dernière catégorie comporte les fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième générations autorisées en médecine humaine autres que celles autorisées en médecine vétérinaire. L’Anses propose de compléter cette dernière liste en mentionnant la totalité des antibiotiques susvisés autorisés en médecine humaine. Dans son avis, elle préconise de fusionner les articles 2 et 3, afin de regrouper sur une seule liste les antibiotiques autorisés en médecine humaine.

La profession sera fixée d’ici la fin de l’année ou au premier trimestre 2016, sur la suite donnée à ces recommandations (encadré).

LA LISTE DES ANTIBIOTIQUES D’IMPORTANCE CRITIQUE

Olivier Debaere, chef du bureau des intrants et de la santé publique en élevage à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), rappelle que le ministère a reçu, le 23 septembre, l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur deux projets de textes. Il s’agit d’un décret en Conseil d’État relatif à l’usage en médecine vétérinaire de médicaments contenant une ou plusieurs substances antibiotiques d’importance critique et d’un arrêté fixant la liste des substances antibiotiques d’importance critique. Le projet d’arrêté comprend trois listes :

– une première de substances antibiotiques critiques disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire. Il s’agit de fluoroquinolones et de céphalosporines de troisième et quatrième générations qui peuvent être prescrites dans les conditions du décret ;

– une deuxième de substances antibiotiques critiques disposant uniquement d’AMM “humaine”. Dans cette liste se trouvent des pénèmes et d’autres fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième générations ;

– une troisième de substances antibiotiques critiques disposant d’AMM “humaine” uniquement et qui peuvent être prescrites dans les mêmes conditions que la première liste. Il s’agit de trois fluoroquinolones (ciprofloxacine, ofloxacine et norfloxacine) pour un usage par voie locale en ophtalmologie des animaux de compagnie et des équidés.

Toujours selon Olivier Debaere, le maintien de cette troisième liste permet de conserver en médecine vétérinaire quelques fluoroquinoles humaines indispensables aux traitements locaux de certaines infections ophtalmiques des équidés et carnivores domestiques.

S’agissant du décret en Conseil d’État, il ajoute que l’Anses préconise de supprimer la dérogation à la réalisation systématique de l’antibiogramme. « Cette recommandation impactant fortement la pratique vétérinaire, le ministère prendra le temps de l’expertiser afin d’adapter au mieux le projet de texte à la réalité du terrain, tout en maintenant un niveau satisfaisant de garanties pour la santé publique. Les textes pourraient être publiés d’ici la fin du premier trimestre 2016. »

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur