Patrick Pageat : « La phéromonothérapie est en plein essor » - La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015

ENTRETIEN

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Thomas Brément

L’usage des phéromones en médecine vétérinaire est promis à un essor dans les années à venir, avec en particulier le développement de sémiochimiques qui permettront d’obtenir des effets neurophysiologiques et comportementaux sans équivalent dans la nature. Notre confrère Patrick Pageat, qui consacre ses recherches à ces molécules, fait le point sur les applications à venir.

Quelle est la place de la phéromonothérapie en médecine vétérinaire ?

La phéromonothérapie en médecine des carnivores domestiques est aujourd’hui une technique médicale de premier plan pour le traitement des troubles comportementaux, la gestion et la prévention des situations de stress chez ces espèces. Récemment, la Fédération équestre internationale a autorisé l’usage de la phéromone maternelle équine en compétition. Enfin, il est important de souligner que la phéromonothérapie est en train de s’installer dans les fermes, où elle permet de concilier bien-être et productivité.

Comment expliquerce développement ?

Malgré une réticence initiale, due à l’incompréhension de l’efficience d’un traitement impliquant des substances volatiles indétectables par l’homme et au secret entourant leur composition, le développement de la phéromonothérapie a rapidement convaincu les propriétaires par son efficacité. De plus, la clinique comportementale a ceci de particulier que les propriétaires ont la capacité de supporter des nuisances parfois terribles, sur des durées effarantes. Puis vient le point de décompensation. Le clinicien est alors sommé de trouver une solution rapide. Les résultats obtenus avec la phéromonothérapie ont été le principal soutien de cette approche. Face à la demande toujours plus pressante de ses clients, le vétérinaire a besoin de disposer de réponses fiables, de techniques respectueuses du bien-être de l’animal, de la santé de ses maîtres et de l’environnement.

Quels sont les domaines de recherche sur les phéromones ?

Nous entrons dans une nouvelle période, grâce à la meilleure compréhension des mécanismes d’action et des interactions avec les sécrétions neurohormonales. Jusqu’à présent, nous avons reproduit les messages phéromonaux émis par les animaux. Aujourd’hui, nous commençons à comprendre l’organisation structurale de ces sécrétions, le rôle de chacun des composants, et nous produisons ce que nous appelons des sémiochimiques de seconde génération, qui nous permettent d’obtenir des effets neurophysiologiques et comportementaux sans équivalent naturel.

Quelles seront les applications des sémiochimiques de deuxième génération ?

Le chat est la première espèce sur laquelle nous avons travaillé, afin de résoudre une difficulté majeure de la clinique comportementale féline : les conflits entre chats. Nous sommes parvenus à créer un sémiochimique qui bloque les manifestations de marquage urinaire, tout en induisant des interactions paisibles entre les chats impliqués dans le conflit. Des essais sur situation induite, dans nos chatteries, ont été complétés par des expériences cliniques et nous sommes aujourd’hui en phase de développement galénique.

Quelles sont les autres recherches en cours concernant les carnivores domestiques ?

Les phéromones déposées par le chat lors du marquage par griffades ont pu être synthétisées. Elles permettent d’induire ce comportement sur le support souhaité. Cet analogue sera commercialisé dans quelques mois. Chez le chien, nous venons de terminer une étude sur les sécrétions auriculaires impliquées dans les interactions sociales. Leur composition est modifiée en situation de conflit social, ainsi que l’avaient montré nos premières études sur des meutes de chiens. Une étude récente, menée en collaboration avec la faculté vétérinaire de Barcelone, sur des chiens présentés en consultation pour conduite agressive en situation de compétition avec les maîtres, montre une corrélation entre ce profil sécrétoire et le comportement. Cela laisse entrevoir une perspective pour un diagnostic plus précis de certaines réactions agressives du chien. Enfin, nous avons achevé un programme de recherche chez le chat et le porc, qui montre un lien entre l’atteinte inflammatoire bilatérale de l’épithélium sensoriel de l’organe voméro-nasal et l’existence de comportements agressifs intraspécifiques. Ces travaux ouvrent une nouvelle voie vers la recherche de méthodes de diagnostic in vivo et le développement de stratégies thérapeutiques. Nous ajouterons bientôt la communication sexuelle, avec la possibilité de moduler, d’induire ou d’inhiber certains comportements sexuels indésirables.

Comment les phéromones peuvent-elles être employées dans les troubles du comportement sexuel ?

Chez les carnivores, nous nous intéressons aux effets inhibiteurs du comportement sexuel de certaines sécrétions émises par les adultes leaders de la meute : elles pourraient permettre de bloquer l’ovulation des chiennes. Des phéromones, émises par les femelles en œstrus, peuvent être utilisées dans l’induction du comportement d’accouplement chez le mâle, avec une application intéressante pour la récolte de semence lors d’insémination. Enfin, nous nous penchons sur la possibilité de créer des agonistes structuraux capables de bloquer la perception des phéromones sexuelles chez les mâles (ce qui permettrait de les contrôler en présence de femelles en œstrus) ou de masquer l’état d’une chienne en œstrus (plus d’émissions d’urine à proximité de la porte du propriétaire de la chienne, plus d’arrachage de clôtures, etc.).

De façon plus étonnante, les phéromones peuvent aussi s’inscrire dans la lutte antiparasitaire. Comment ?

Un autre pan majeur de nos recherches porte en effet sur l’utilisation des sémiochimiques dans la lutte contre les parasites, notamment les tiques, avec des perspectives intéressantes sur les puces et les phlébotomes, chez les carnivores domestiques. Cette nouvelle approche devrait apporter aux vétérinaires de nouveaux outils très efficaces et dénués de toxicité. Les phéromones peuvent en effet agir dans ce cadre en perturbant l’identification de l’hôte ou le comportement social ou sexuel du parasite. Une fois le parasite attiré par son hôte, il recueille des informations permettant de confirmer que l’hôte potentiel est le bon. C’est là qu’interviennent les sémiochimiques de l’hôte détecté par le parasite, sur lesquels il est possible d’agir.

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