SÉANCE ACADÉMIQUE
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Auteur(s) : Ségolène Minster
Fin octobre, l’Académie vétérinaire de France s’est réunie autour d’un thème d’actualité : l’approche One Health. À travers des exemples d’applications, médecins, biologistes et vétérinaires ont présenté leurs travaux portant sur les zoonoses. La séance était placée sous le haut patronage de Gérard Larcher.
Après s’être intéressée cette année au nouveau statut de l’animal, à l’évolution des choix alimentaires des consommateurs, aux difficultés thérapeutiques engendrées par les résistances aux antibiotiques et aux antiparasitaires, aux conséquences du changement climatique sur la santé animale, l’Académie vétérinaire de France s’est associée à la réflexion – menée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Institut Pasteur et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – sur l’approche One Health. Christian Dumon, président de la séance, a rappelé que 80 % des maladies infectieuses sont d’origine animale. Aujourd’hui, avec les échanges globalisés, il suffit de quelques heures pour diffuser les épidémies de syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), d’Ebola ou d’influenza.
Cette séance du 22 octobre, placée sous le haut patronage de Gérard Larcher, président du Sénat, s’est tenue au palais du Luxembourg comme signe de la volonté des vétérinaires de communiquer avec le monde politique. La solidarité internationale est nécessaire pour garantir la santé dans un système globalisé, ainsi que pour la détection d’agents pathogènes à l’origine de pandémies. Le maintien de la santé animale exige des solutions humanitaires et économiques.
Comme le souligne le chapitre « Biosavoir et biopouvoir » du livre Vie et mort des épidémies, de Patrice Debré et Jean-Paul Gonzalez, les décisions en matière de santé publique ne doivent pas s’appuyer sur la pression des médias, mais sur le biosavoir. C’est ce même message que souhaitait transmettre la profession vétérinaire auprès des gouvernants et élus, en même temps qu’elle réaffirmait sa légitimité pour créer du biosavoir. André Jestin, conseiller scientifique auprès du directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), a souligné que, depuis 10 ans, la circulation d’agents infectieux s’est amplifiée. « L’amélioration de la situation sanitaire doit se concentrer sur les actions de prévention », a-t-il précisé. L’interface homme-animal est particulièrement importante. L’approche novatrice One Health, interdisciplinaire à plusieurs niveaux d’échelle, inclut la gestion écologique de la santé. C’est un concept qui prend en compte les hommes, les animaux et leur environnement, et qui doit aussi s’appliquer sur le terrain.
Gwenaëlle Dauphin, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome, a présenté le réseau d’expertise vétérinaire sur les grippes animales, Offlu. Créé en 2004 en réponse à la diffusion majeure du virus influenza aviaire de sous-type H5N1 hautement pathogène à caractère zoonotique, ce réseau a pour ambition le partage d’expertises techniques aux pays membres en matière de prévention, de diagnostic, de surveillance et de prophylaxie de l’influenza aviaire. Offlu promeut également l’échange de données scientifiques et de matériel biologique, le développement et l’utilisation d’outils communs entre les scientifiques du secteur vétérinaire et ceux de la santé publique. Un objectif est de collaborer avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les questions relatives à l’interface homme-animal, notamment sur le choix des souches vaccinales pour la préparation des vaccins humains.
Le réservoir de l’influenza zoonotique est représenté par les oiseaux sauvages. En cas d’interface proche avec des espèces domestiques, ceux-ci peuvent s’infecter et contaminer l’homme. Le virus influenza présente un acide ribonucléique (ARN) simple brin linéaire, ce qui favorise une évolution rapide par mutation, et segmenté, permettant des réassortiments, principal mécanisme à l’origine de sauts importants d’hôtes. Depuis juin 2014, une diversification importante des sous-types circulants est notée. Le phénomène peut être amplifié par l’industrie de la volaille, comme dans le cas du H7N9 en Chine.
« La surveillance des grippes animales est une activité complexe, du fait de l’intensité de la circulation des sous-types viraux, du périmètre d’action très large, des volumes de commerce de denrées animales importants et de nos lacunes en écologie », constate Gwenaëlle Dauphin. En réponse à cette complexité, la surveillance doit donc être mondiale. Offlu bénéficie de la contribution volontaire d’acteurs variés, issus de 29 pays : universités, laboratoires nationaux de référence, etc.
Le réseau souhaite aussi faire travailler ensemble, à l’échelle nationale, épidémiologistes et virologistes, médecins et vétérinaires. Une mission s’est déroulée en Égypte, où une forte recrudescence de cas chez les humains et chez les animaux était observée début 2015. Des carences ont été mises en évidence dans la collecte, la compilation et l’échange d’informations zoosanitaires. La communication des scientifiques avec les décideurs devrait s’améliorer. Le regroupement des données humaines et animales pour réaliser une évaluation combinée du risque permettra d’appuyer la gestion de ce dernier sur une démarche scientifique. Les difficultés restent cependant importantes dans un contexte de pauvreté extrême.
L’expertise d’Offlu a été identifiée comme une mise en place pertinente du concept One Health. Les vétérinaires ont une bonne capacité à travailler en multidisciplinarité.
La médecine vétérinaire représente un domaine minuscule par rapport à la médecine humaine, en termes d’effectifs et de moyens. Mais le monde vétérinaire a une bonne connaissance de l’influenza zoonotique, car plus de cas sont identifiés chez les animaux à ce jour. Par cet avantage, il gagne en légitimité dans les débats concernant l’approche One Health. Son avis est de plus en plus pris en compte à l’OMS. Pour Gwenaëlle Dauphin, il doit néanmoins persister des sphères de travail distinctes, car les problématiques sont différentes pour chaque médecine, en témoignent, par exemple, les contraintes liées aux échanges commerciaux, inhérentes au monde vétérinaire.
L’exposé de Fabian Leendertz, primatologue au Robert Koch Institute à Berlin, a rappelé la pertinence de l’approche multidisciplinaire dans les enquêtes épidémiologiques. L’annonce officielle d’une épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola par l’OMS en avril 2014 a été faite près de quatre mois après le début effectif de celle-ci. Le réservoir animal de cette zoonose reste à ce jour mystérieux. Le plus probable semble être les chauves-souris : celles-ci ont survécu à des infections expérimentales. Des hôtes intermédiaires (chimpanzés, gorilles) seraient amplificateurs et à l’origine de transferts zoonotiques. L’exposition à de la viande de brousse figure parmi les modes de transmission hypothétique d’Ebola. Une étude anthropologique auprès du cas index de l’épidémie de 2014, un enfant âgé de 2 ans, a montré qu’il aurait été en contact avec des chauves-souris du genre Mops condylurus.
Pour Fabian Leendertz, « la recherche en santé animale gagnerait beaucoup à être associée à la surveillance des épidémies humaines, afin d’élucider la transmission zoonotique du virus Ebola à de futurs cas index ». Le suivi vétérinaire des événements de mortalité des espèces sauvages, ainsi que le contrôle de la qualité sanitaire des viandes en Afrique sub-saharienne seront des éléments également importants de la recherche sur l’origine de la maladie à virus Ebola.
La coopération multidisciplinaire améliore la compréhension de la dynamique des maladies, et le niveau d’informations disponibles pour les cliniciens. Les variations climatiques modifient l’activité et la répartition des vecteurs de maladies infectieuses. À quelques semaines de la COP21, approfondir l’implication des aspects écologiques en santé publique est une réflexion qui figure au cœur de l’actualité.
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