LES PROPRIÉTAIRES FACE À L’ANTIBIORÉSISTANCE EN CANINE - La Semaine Vétérinaire n° 1651 du 20/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1651 du 20/11/2015

L’ENQUÊTE DU MOIS

Enquête

Auteur(s) : Inès d’Amphernet

L’antibiorésistance en médecine canine et féline est moins étudiée qu’en élevage, alors qu’elle mérite aussi l’attention. Ce phénomène a fait l’objet d’une thèse vétérinaire, dont les premiers résultats – sur les usages en antibiotiques, les connaissances et les attentes des propriétaires – rappellent l’impact positif des consignes des vétérinaires, d’où la nécessité d’une bonne communication.

Le développement de la résistance aux antibiotiques est une préoccupation majeure nationale et internationale. Les pratiques des vétérinaires canins et aussi celles des propriétaires peuvent avoir un impact sur l’antibiorésistance. Une thèse vétérinaire comprenant deux questionnaires, soutenue en juillet 2015 à Oniris, sous l’égide d’Hervé Pouliquen, a permis d’enquêter sur le sujet. Ce premier volet décrypte les résultats obtenus auprès des propriétaires1.

Respect de la durée et de la continuité du traitement antibiotique

La durée et la continuité du traitement antibiotique semblent être majoritairement respectées par les propriétaires, comme l’indiquent les résultats de l’enquête. Ainsi, 93 % des répondants (infographie haut de la page 41) déclarent aller jusqu’à la fin du traitement, même si l’état clinique de leur animal s’améliore avant. Aucune différence significative n’est mise en évidence entre les propriétaires de chiens et de chats. Le mode de vie des chats (extérieur ou intérieur) n’a pas non plus d’incidence sur les pratiques. Concernant la continuité du traitement antibiotique, 80 % des répondants déclarent ne jamais, ou presque jamais, oublier un comprimé, mais il existe une différence significative selon l’âge des répondants. En effet, l’oubli semble plus fréquent chez les personnes de moins de 35 ans, comparées à celles plus âgées. Le temps que prend l’activité professionnelle et familiale dans un foyer pourrait expliquer ce résultat (les propriétaires plus âgés peuvent être en retraite ou ne plus élever d’enfants en bas âge et donc avoir davantage de disponibilité). Le nombre de réponses « Oui, cela m’arrive très fréquemment » (0,5 %) est toutefois très faible.

Difficulté à faire avaler un comprimé

Parvenir à faire avaler un comprimé à son animal est un problème récurrent en matière d’observance de traitement.

En effet, près de 30 % des répondants reconnaissent leurs difficultés. Afin de montrer une éventuelle différence, dans l’analyse de l’enquête, entre les propriétaires de chiens et de chats, un nouveau jeu de données a été créé en excluant les réponses des personnes possédant, à la fois, un ou des chiens et un ou des chats. Une p-value égale à 0,00156 a montré qu’il existait bien une différence significative. Ainsi, 69,4 % des répondants qui ont du mal à administrer un comprimé sont des possesseurs de chats. De plus, parmi les propriétaires de félins, 44,2 % ont répondu « Généralement oui », tandis qu’ils sont seulement 19 % à l’affirmer parmi les propriétaires de chiens (infographie ci-contre). Globalement et sans surprise, le propriétaire d’un chat a donc plus de difficultés à faire avaler un comprimé à son animal que le possesseur d’un chien.

Par ailleurs, aucune différence significative de réponses (p-value = 0,7195) n’est relevée selon que le chat vit à l’extérieur ou à l’intérieur. Le mode de vie du félin n’a donc pas d’incidence.

L’âge du répondant n’aurait pas non plus d’influence sur la difficulté ou non à faire avaler un comprimé à son animal (p-value = 0,9003).

Automédication avec les antibiotiques

Une des questions portait sur la réutilisation spontanée d’un reliquat d’antibiotiques prescrits auparavant par le vétérinaire. Une majorité des répondants (82 %) déclarent ne pas effectuer d’automédication avec les antibiotiques (infographie bas de la page 41). Aucune différence significative de réponses n’a été montrée concernant l’âge (p-value = 0,552), le sexe des répondants (p-value = 0,3694) et le type d’animaux (p-value = 0,5356). Un peu plus de 15 % font de l’automédication de manière plus ou moins régulière : 13 % ont répondu « Oui, cela m’est déjà arrivé, surtout que mon animal présentait les mêmes symptômes que la fois d’avant » et 3,7 % ont indiqué « Oui cela m’arrive régulièrement ».

Connaissances sur l’antibiorésistance

Au sujet des connaissances des propriétaires sur l’antibiorésistances (infographies ci-contre), près de 90 % estiment être capables de reconnaître l’antibiotique parmi les différents médicaments d’un traitement. En revanche, 25 % pensent qu’un antibiotique agit contre un virus et près de 30 % n’ont jamais entendu parler d’antibiorésistance dans les médias. Par ailleurs, environ 80 % des répondants considèrent pouvoir définir l’antibiorésistance et déclarent en connaître les conséquences sur la santé. Une relation significative est mise en évidence entre le niveau de connaissance de l’antibiorésistance et le niveau d’inquiétude à ce sujet. Ainsi, 78 % des répondants qui s’estiment capables de définir l’antibiorésistance pensent que celle-ci posera problème pour la santé de leurs animaux (cumul des réponses « Oui et cela me fait peur » et « Oui, mais les vétérinaires trouveront de nouvelles solutions »). À l’inverse, parmi les propriétaires qui ne parviennent pas à définir l’antibiorésistance, 35 % estiment que celle-ci ne posera pas réellement de problème et 51 % pensent que les vétérinaires trouveront de nouvelles solutions (infographie ci-contre).

D’autre part, aucune relation n’a été établie entre l’inquiétude vis-à-vis de l’antibiorésistance et les bonnes pratiques des propriétaires. En d’autres termes, les gens les plus inquiets au sujet de l’antibiorésistance ne réalisent pas pour autant une meilleure observance des traitements antibiotiques et ne font pas moins d’automédication que les autres.

Les attentes des propriétaires vis-à-vis des vétérinaires

Concernant les attentes des propriétaires vis-à-vis de leur vétérinaire : la quasi-totalité des propriétaires (96 % des répondants) souhaitent que celui-ci les informe au sujet de l’antibiorésistance, et seulement 22 % déclarent que leur vétérinaire leur en a déjà parlé (infographie haut de la page 43). Ces derniers affirment, toutefois, ne pas avoir de meilleures pratiques d’observance que les autres. Il aurait été intéressant d’intégrer une question ouverte dans le questionnaire portant sur le contenu de l’information délivrée par le vétérinaire. Selon une étude américaine, moins de 2 % des praticiens prennent du temps pour expliquer l’intérêt d’une bonne observance sur l’efficacité clinique et sur la limitation de l’antibiorésistance.

La quasi-totalité des répondants souhaitent que leur vétérinaire tienne compte du risque d’antibiorésistance dans ses prescriptions. Cependant, 43 % d’entre eux ne veulent pas que cela soit au détriment de la santé de leur animal. Aucune influence significative de l’âge (p-value = 0,6544), du sexe des répondants (p-value = 0,6456) et du type d’animaux possédés (p-value = 0,1406) n’a été mise en évidence. Une relation significative a été constatée entre l’inquiétude des propriétaires vis-à-vis de l’antibiorésistance et le souhait que leur vétérinaire en tienne compte dans ses prescriptions. Ainsi, parmi les répondants déclarant craindre l’antibiorésistance pour la santé de leur animal, 71 % désirent que leur vétérinaire prenne en compte systématiquement l’antibiorésistance dans ses prescriptions, et 29 % souhaitent qu’il l’intègre en privilégiant la santé de l’animal avant tout. En revanche, parmi les propriétaires qui ne pensent pas que l’antibiorésistance posera problème, 63 % ont envie que leur vétérinaire prenne en compte l’antibiorésistance dans ses prescriptions mais en privilégiant avant tout la santé de l’animal, et 32 % veulent qu’il en tienne compte systématiquement dans ses prescriptions. Par ailleurs, aucun lien significatif n’apparaît entre ce souhait et les questions portant sur le respect de la durée de traitement et sur l’automédication. Ainsi, les personnes souhaitant que leur vétérinaire tienne compte de l’antibiorésistance ne font pas forcément plus attention au respect des bonnes pratiques que les autres.

Conclusion de l’enquête

Les résultats obtenus sur l’observance du traitement antibiotique et la pratique d’une automédication sont relativement encourageants par rapport à ceux d’une étude américaine (Verker), qui montrent 45 % de mauvaise observance (toutes causes confondues) lors d’un traitement antibiotique de courte durée. Une autre étude, plus ancienne, révélait 50 % d’inobservance. Cependant, le mode de distribution de ce questionnaire (par Internet) constitue certainement un biais, puisqu’il n’est pas possible de contrôler la fiabilité des réponses des participants, d’autant plus que certaines d’entre elles ont pu être perçues comme évidentes (et peuvent ne pas correspondre forcément à la véritable pratique des propriétaires).

Il ressort que les propriétaires sont demandeurs d’explications sur l’antibiorésistance. Dans cette optique, des recommandations pour les vétérinaires à destination des propriétaires sont disponibles. Elles sont liées au bon usage des antibiotiques. Ainsi, lors de prescription d’une antibiothérapie, le vétérinaire doit impérativement veiller à la bonne adhésion du client. Plusieurs paramètres aident à s’en assurer : une diffusion claire et redondante (ordonnances, instructions orales, boîtes de comprimés) de l’information, une facilité d’administration quotidienne des traitements, l’absence d’effets indésirables (diarrhée, vomissement) et des contrôles vétérinaires réguliers (contact téléphonique, visite). Le praticien doit bien prévenir le propriétaire que la disparition des symptômes et l’amélioration de l’état général de l’animal ne signifient pas la guérison, et que le traitement doit être poursuivi jusqu’à la fin. L’étude de Verker confirme l’utilité de la répétition des instructions dans l’observance du traitement. Par ailleurs, une étude en santé humaine a montré que la durée et la continuité de celui-ci sont plus facilement respectées quand il est réalisé sur une période réduite. Les vétérinaires devraient donc privilégier, quand cela est possible, des traitements antibiotiques de courte durée, afin d’améliorer l’observance.

Quant à la connaissance que les possesseurs de chiens et de chats ont de l’antibiorésistance, au moins 75 % d’entre eux ont bien répondu à chacune des questions, ce qui montre que cette notion n’est pas totalement occulte pour le grand public. Cependant, compte tenu de certaines associations de réponses, les propriétaires ne semblent pas voir le lien entre leurs pratiques et le risque d’augmentation des résistances aux antibiotiques. Il serait intéressant que les autorités sanitaires intègrent dans leurs campagnes d’information des notions explicatives sur les bonnes pratiques des patients (et propriétaires) afin de les responsabiliser.

  • 1 La deuxième partie sera présentée dans le prochain numéro de La Semaine Vétérinaire.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

L’objectif de l’enquête consacrée aux propriétaires était, dans un premier temps, d’évaluer leurs connaissances sur l’antibiorésistance, à travers des questions simples, et leurs pratiques vis-à-vis de leurs animaux en matière d’observance de traitement antibiotique et d’automédication. Dans un second temps, il s’agissait de mesurer leurs attentes vis-à-vis de leur vétérinaire (prise en compte de l’antibiorésistance dans les prescriptions).

Le questionnaire, sous support informatique, a été diffusé sur des forums grand public (Doctissimo.fr, Auféminin.com, notamment) et sur les réseaux sociaux. Tout propriétaire d’au moins un chat ou un chien et ayant déjà consulté un vétérinaire pouvait y répondre. La partie réservée à la présentation du répondant était suivie de quatre autres volets (connaissances, observance, automédication, attentes), comprenant 13 questions à choix unique. 217 formulaires ont été recueillis. Le logiciel de statistiques R a permis de traiter les données, et des tests de Fisher ou de “khi-deux” ont été réalisés.

L’IDÉE EN BREF

• Les propriétaires semblent plutôt bien respecter les consignes relatives aux prescriptions de leur vétérinaire, du moins en ce qui concerne l’administration d’antibiotiques par voie orale.

• La réutilisation spontanée d’un reliquat d’antibiotiques concerne seulement 20 % des répondants et reste donc inférieure au pourcentage de personnes pratiquant l’automédication en médecine humaine.

• Globalement, la notion d’antibiorésistance n’est pas inconnue du grand public, même si celui-ci n’a peut-être pas conscience du rôle qu’il doit y jouer.

• Enfin, les propriétaires semblent inquiets des conséquences potentielles que pourrait avoir l’antibiorésistance sur la santé de leurs animaux et sur la santé publique. Ils tiennent à ce que leur vétérinaire fasse au mieux dans ses prescriptions pour limiter au maximum l’augmentation des résistances des bactéries et leurs conséquences.

• Ils souhaitent également que leur vétérinaire prenne du temps en consultation pour les informer au sujet de l’antibiorésistance.

• Ce travail constitue une première approche, à petite échelle, des pratiques des propriétaires sur l’antibiothérapie en médecine canine et féline. Des questionnaires plus développés pourraient permettre, dans un futur projet, d’approfondir le sujet.

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