La nuit traversée

Comme l’écrit Jean-Christophe Bailly dans le texte introduisant le recueil de ces merveilleuses photographies, les images documentaires rendent rarement justice à la façon dont les animaux habitent la nuit. Cet « extraordinaire jeu de cache-cache, théâtre d’apparitions et de disparitions qui se déploie dans l’obscurité et le silence », nous le fréquentons peu. Il se présente ici avec « une violence d’irruption qui est aussi une violence d’existence ». Aux abords du lac Supérieur (Michigan), cervidés, ratons laveurs, castors, lynx, etc., sont saisis dans le même jeu d’affût tendu, de face-à-face, qui s’engage dans la chasse. Images poétiques pourtant, d’une fraîcheur inouïe malgré le siècle qui nous en sépare !

Connu aux États-Unis comme environnementaliste (on lui doit la création de parcs naturels et de mesures en faveur de la faune) mais grand oublié de l’histoire de la photographie, Georges Shiras (1859-1942) n’en inaugura pas moins, en 1889, la wildlife photography. Chasseur ayant troqué son fusil contre un appareil photo, il a utilisé pour ces prises de vue nocturnes au flash deux dispositifs différents : le jacklighting, sur barque, inspiré d’une technique de chasse indienne, ainsi que des pièges à fil de son invention. « Flammes d’être » jaillissant de l’inconnu, ces images constituent bien plus qu’un bestiaire. Et au-delà de leur fantasmagorie, elles témoignent d’un monde… à préserver.

En parallèle à l’ouvrage, ces photos sont actuellement exposées au musée de la Chasse et de la Nature à Paris.

Georges Shiras, l’intérieur de la nuit, de Jean-Christophe Bailly et Sonia Voss, Éditions Xavier Barral, 22 x 28 cm, 96 pages, 39 €.

Musée de la Chasse et de la Nature, 62, rue des Archives à Paris, jusqu’au 14 février 2016, www.chassenature.org.