Dutch Cell Dogs, la médiation animale dans les prisons

S’inspirant d’un modèle américain, Betty Buijtels et Marlies de Bats, éducateurs canins et comportementalistes, ont créé, en 2009, Dutch Cell Dogs. Cette fondation se rend dans des établissements pénitentiaires néerlandais afin de faire éduquer, par des détenus, des chiens de refuges difficilement adoptables, car présentant des troubles du comportement ou simplement un physique ingrat. L’objectif de Dutch Cell Dogs est double : prévenir les récidives des détenus et donner aux chiens abandonnés, une fois sociabilisés et éduqués, un maximum de chances d’être adoptés.

Betty et Marlies collaborent avec sept grands refuges aux Pays-Bas. Elles sélectionnent des chiens dont les possibilités d’adoption sont faibles : animaux supportant mal la détention, stressés et anxieux, agressifs envers leurs congénères, ayant fait l’objet de maltraitance et de négligence ou délaissés pour des raisons purement esthétiques. Les chiens montrant certaines formes d’agressivité et pouvant présenter un danger pour les détenus ne sont pas retenus. Ils sont, au préalable, testés par les deux professionnelles. Ils doivent pouvoir jouer et être motivés par la nourriture.

Cinq prisons participent au projet Dutch Cell Dogs. Les détenus volontaires sont choisis après avis du psychiatre et du chef de division. Marlies et Betty s’entretiennent ensuite avec ces candidats et leur soumettent un questionnaire. Sur la base des réponses obtenues, les deux femmes constituent six tandems détenu-chien par projet, en essayant autant que possible d’accorder leurs personnalités et de garantir une bonne entente.

Une implication totale

Le prisonnier sélectionné doit s’engager totalement. S’il faillit une fois à ses obligations sans justification valable, il est exclu du programme, de même que le chien. Ce qui implique une grande responsabilité.

Le projet dure huit semaines, à raison de deux entraînements hebdomadaires d’une heure et demie¹. Les détenus sont encadrés par les deux éducatrices. La méthode d’éducation utilisée, basée sur le renforcement positif, est celle du clicker training. Les chiens assimilent, dans un premier temps, environ 16 exercices de base comme s’asseoir, s’allonger, rester immobile, marcher sans laisse, venir au pied, répondre à un signal, accepter une friandise uniquement après en avoir obtenu l’autorisation. Puis ils réapprennent à avoir confiance en l’homme par le biais de manipulations réalisées par les détenus. Enfin, l’animal doit s’habituer aux situations inhabituelles, tels des stimuli sonores.

Après une période d’apprivoisement mutuel, le déclic s’opère souvent vers la deuxième semaine. À leur arrivée, les chiens sautent de la voiture et se dirigent spontanément vers leurs éducateurs respectifs. Un véritable lien s’établit qu’il faut, hélas, rompre après deux mois. Un suivi psychologique est pour cela proposé au détenu.

La médiation animale diminue le sentiment d’isolement

Chaque prisonnier tient un journal où il consigne toutes ses observations sur son binôme canin. Ce livret sera remis au futur adoptant, accompagné d’une lettre souvent très émouvante. On peut lire ainsi dans l’une d’entre elles : « Traiter ce chien avec amour, je pense qu’il en a reçu trop peu dans sa vie. »

À ce jour, environ 95 % des quelque 230 chiens qui ont participé au programme ont trouvé un foyer. Dans le cas contraire, l’animal retourne au refuge et continue son entraînement jusqu’à ce qu’un adoptant se présente. À l’issue de ces sessions, les détenus reçoivent un diplôme. Le chien est un véritable stimulant pour les prisonniers, qui améliorent ainsi leurs aptitudes sociales et de communication. La médiation animale diminue le sentiment d’isolement, favorise l’altruisme et procure un sentiment d’utilité. Cela a un effet positif durant la détention et peut contribuer à une réinsertion réussie dans la société et prévenir la récidive.

Une étude de l’université d’Amsterdam

L’université d’Amsterdam réalise actuellement une étude sur deux ans pour analyser les bienfaits à long terme de ce projet. Si celle-ci est concluante, le ministère de la Justice pourra intégrer et apporter son soutien financier à ce programme qui n’existe pour le moment que grâce aux dons. Le but de Marlies et de Betty est de proposer leur concept dans un maximum d’établissements pénitentiaires et aussi de l’exporter en Belgique et en Allemagne.

Nul doute que ce projet est promis à un bel avenir. Dutch Cell Dogs a en effet reçu, le 9 octobre dernier, au Royaume-Uni, le prix International Redemption and Justice, pour lequel 173 institutions étaient en lice.

• ¹ http://bit.ly/1YxPLA9.