Le point sur l’utilisation raisonnée des antibiotiques en dermatologie vétérinaire

La dermatologie vétérinaire est-elle “consommatrice” d’antibiotiques ?

Dominique Héripret : La part des antibiotiques utilisés en dermatologie vétérinaire est difficilement évaluable. Cependant, cet usage peut être considéré comme important. En effet, les pyodermites représentent la deuxième cause de consultations dermatologiques et nécessitent souvent une antibiothérapie de trois semaines ou plus.

Peut-on s’en passer ? Quelles alternatives proposer ?

D. P. : Il est encore difficile de se passer des antibiotiques, mais lors d’infection cutanée très localisée (intertrigo, par exemple), il est intéressant de tenter d’utiliser des soins topiques antiseptiques seuls sur une dizaine de jours. L’utilisation d’un antibiotique topique peut compléter cette approche. En cas de lésions étendues, le traitement systémique devient obligatoire. Limiter l’utilisation des antibiotiques passe surtout par une prévention antiseptique (shampooings) et une gestion des facteurs favorisant les récidives des dermatoses infectieuses (en particulier la dermatite atopique canine), après avoir géré la crise aiguë.

Quelles sont les règles pour mettre en place une antibiothérapie raisonnée en dermatologie ?

D. P. : Il n’existe pas de règles, mais des recommandations établies par le Gedac¹. Il faut cependant avouer que leur diffusion n’est pas encore optimale. Des fiches d’utilisation des antibiotiques ont été réalisées à la demande de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) pour élaborer des recommandations de bonnes pratiques en antibiothérapie, discipline par discipline. La diffusion est prévue pour l’hiver 2016. Pour l’instant, les conseils suivants peuvent être prodigués : savoir reconnaître une pyodermite (aspect clinique, cytologie, bactériologie), savoir choisir les antibiotiques adaptés (céfalexine, amoxicilline + acide clavulanique², clindamycine, etc.), connaître les doses et la durée de traitement, suggérer une bonne observance aux propriétaires et – peut-être le plus important – faire un suivi clinique de ces cas.

Quelles erreurs sont le plus souvent commises ?

D. P. : Les principales erreurs commises sont les durées de traitement trop courtes, le sous-dosage (le “syndrome des 11 kg” : le chien est traité comme un chien de 10 kg car « c’est plus simple ») et la surutilisation des corticoïdes. Une étude³ menée auprès de 48 vétérinaires généralistes montre cependant que les recommandations en antibiothérapie sont majoritairement bien suivies, avec une utilisation prioritaire des antibiotiques de première intention, la réalisation d’examens cytologiques et une utilisation raisonnée des corticoïdes. Ces résultats sont encourageants et laissent penser que la profession est prête à changer ses habitudes en antibiothérapie.

Quelle est l’utilité des antibiotiques systémiques dans la gestion des otites externes ?

Il est inutile de recourir à une antibiothérapie par voie systémique lors d’otite externe. L’intérêt des antibiogrammes est nul en l’absence de pus (polynucléaires à la cytologie) et discutable lors d’otite purulente. Les antibiogrammes testent en effet in vitro des concentrations en antibiotiques de l’ordre du µg (concentrations sanguines), alors que l’instillation topique d’antibiotiques dans les conduits auditifs délivre des quantités de l’ordre du mg.

• ¹ http://bit.ly/1Xlf4bu.

• ₂ Le statut de cette association est en discussion à l’European Medicines Agency (EMA), qui pourrait la classer comme antibiotique critique en médecine vétérinaire courant 2016. Lire La Semaine Vétérinaire n° 1640 du 4/9/2015, page 13.

• ³ Menée en 2012-2013 par Estelle Buendia, dans le cadre du CES de dermatologie.