Les bactéries se moquent des classifications artificielles

L’Europe ! Un mot, une idée, une réalité qui peut effrayer ou inquiéter certains d’entre nous. À tort ou à raison, chacun se positionne comme il le veut. Mais être soumis à une obligation de mise en conformité de directives votées par nos élus peut nous sembler parfois incompréhensible, voire dangereux.

Le projet de règlement européen sur les médicaments vétérinaires a été et est toujours une de ces sources d’inquiétude. Je pense bien évidemment, par exemple, à la proposition de la Commission européenne, qui autorisait la vente en ligne de tous les médicaments vétérinaires, qu’ils soient soumis à prescription ou pas. Cette proposition a heureusement été contredite par le rapporteur parlementaire, qui souhaite interdire la vente en ligne des seuls médicaments à prescription obligatoire. Cette position est extrêmement importante en termes de santé publique et elle ne peut qu’être saluée.

Je retrouve là un débat que nous avons eu déjà tout récemment en ce qui nous concerne, débat où le souci de la santé humaine a été notre seule préoccupation. Mais la santé humaine n’est pas un concept aussi simple que certains veulent bien le penser.

La santé animale est une composante à part entière de la santé humaine.

Tel est le constat que l’on peut faire, par exemple, de la réflexion menée ces derniers mois en France, comme en Europe d’ailleurs, en matière de lutte contre l’antibiorésistance en médecine vétérinaire. La prise de conscience fut progressive, certains diront trop longue. Elle est néanmoins là et il faut s’en réjouir.

Les bactéries se moquent des classifications artificielles. Médecine humaine/médecine animale, pharmacien/vétérinaire… Autant de frontières qui contribuent à faire prospérer ce fléau pour la santé publique. C’est pourquoi ce combat engagé ne peut être qu’un combat commun.

Les démarches entreprises permettent déjà de percevoir des pistes d’amélioration. Celles-ci ne se trouvent ni dans la contrainte ni dans l’habillage de l’un au détriment de l’autre. Ces solutions seraient vouées à l’échec. Elles se trouvent dans une prise de conscience renouvelée, dans des démarches de bonnes pratiques aujourd’hui opposables à nos professions pour la délivrance tant des antibiotiques vétérinaires que des autres médicaments. En un mot, dans la qualité de l’acte, dans cette démarche intellectuelle qui veut qu’un convaincu et incité sera plus enclin à faire progresser une cause qu’un contraint et obligé.

Il nous appartient ensemble, chacun à notre niveau, de faire progresser cette cause. Chacun à notre niveau ne veut pas dire isolément. Nos professions doivent encore apprendre davantage à se connaître, à se comprendre, à respecter la part de l’autre, à ne pas faire de quelques dérives individuelles des piloris auxquels il faudrait clouer toute une profession.

Dans bien des cas, votre lutte est notre lutte, vos problèmes sont les nôtres. Je me réjouis à cet égard de la saine et franche collaboration que nos Ordres entretiennent l’un avec l’autre. L’esprit d’ouverture, de dialogue et d’échange est la marque du respect mutuel que nous ressentons. Cette collaboration aide aussi à la construction de ponts entre nos deux métiers.

Et comme il est question d’avenir, j’aimerais m’arrêter sur les principaux défis qui nous attendent :

– conforter la place et le rôle de nos professions en tant que spécialistes du médicament vétérinaire ;

– garantir le respect des obligations réglementaires de nos deux professions.

Ces défis seront des marqueurs. Ceux de notre capacité à respecter nos différences, mais aussi et peut-être surtout, à faire comprendre, dans ce domaine comme malheureusement dans tant d’autres, que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise.