Bienvenue dans l’anthropocène

Producteur et réalisateur, Jacques Perrin fut à l’initiative d’œuvres ambitieuses (Le Peuple migrateur, Océans), couronnées par le public. L’ex-prince charmant de Peau d’Âne est devenu le monarque du cinéma animalier français. Dans Les Saisons, coréalisé avec Jacques Cluzaud, il va plus loin que ses odyssées précédentes en déroulant, en une grande fresque cinématographique, l’histoire de l’Europe, des temps glaciaires à aujourd’hui. Une remontée du temps décentrée, vue depuis le monde sauvage, de sa relative quiétude originelle quand les forêts s’étendaient à perte de vue, jusqu’à la cascade de métamorphoses que lui imposa l’expansion de l’humanité. Le film n’abuse jamais du commentaire, exploite judicieusement le montage des séquences animalières pour faire revivre l’ample respiration des cycles de la vie et des saisons aux temps préhistoriques. Au moyen de discrètes reconstitutions, il éclaire les moments décisifs de cette histoire revisitée. Soudainement, le tempo s’emballe. La promiscuité avec la faune des chasseurs-cueilleurs engendrera, par intérêt mutuel, la domestication. L’essor de l’agriculture émiettera la forêt, façonnera les campagnes. L’industrie, l’urbanisation et la guerre finiront de bouleverser les équilibres intimes de la vie originelle. « Une nouvelle alliance avec la nature reste possible » veut toutefois espérer Jacques Perrin. Sa majestueuse traversée des millénaires ne pouvait constituer une plus éloquente démonstration.

Les Saisons de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, France, 1 h 35, sortie le 27 janvier.

Un beau livre tiré du film avec des textes de Stéphane Durand a également été édité chez Actes Sud. 280 pages, 29 x 31,7 cm, 36 €.