Diagnostic différentiel des affections des griffes - La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/02/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/02/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Charlotte Devaux*, Vincent Bruet**

Fonctions :
*Maître de conférences en dermatologie à Oniris, diplomate ECVD, titulaire du DESV de dermatologie

Les atteintes des griffes sont assez rares chez le chien et le chat. Cependant, elles font partie des éléments à inspecter lors d’un examen dermatologique exhaustif.

Sémiologie

La particularité des griffes se trouve dans les termes employés pour désigner leurs atteintes. La sémiologie est essentielle et se fonde sur différents points.

• Altération de la forme générale. La brachyonychie correspond à une griffe plus courte, l’onychogryphose à un allongement, à une incurvation ou à un épaississement.

• Altération de la surface. La présence de sillons superficiels longitudinaux marqués qui peuvent aboutir à des décollements sous forme d’une lamelle s’appelle une onychorrhexie, tandis que la fissuration de l’étui corné prend le nom d’onychoschizie.

• Altération de l’attache sous-unguéale. Le décollement de l’étui corné en position proximale est une onychomadèse. Celle-ci peut conduire à une absence de griffe lors de la chute de l’étui corné, et il s’agit alors d’une onychoptose.

• Altération des tissus périphériques. Le périonyxis est l’inflammation du bourrelet unguéal. Des pustules peuvent aussi être observées.

• Altération de la couleur. L’atteinte la plus fréquente en médecine vétérinaire est l’érythronychie. Cette lésion se caractérise par une coloration rouge de la griffe.

Diagnostic différentiel

Il convient de faire une distinction selon que l’atteinte des griffes est isolée (rare : environ 2 % des motifs de consultation de dermatologie) ou intégrée dans une présentation plus large.

Lorsque l’atteinte des griffes fait partie d’un tableau clinique élargi, deux cas de figure sont à différencier :

– un périonyxis plus marqué que l’onyxis (inflammation des annexes plus importante que celle de la griffe) peut signer une atteinte parasitaire (comme une leishmaniose ou une démodécie), une dermatophytose ou une pyodermite bactérienne. Ces maladies comportent toujours une modification du bourrelet unguéal.

– un onyxis plus important que le périonyxis caractérise des vascularites, avec notamment la dermatomyosite familiale canine, des troubles de la kératinisation (ichtyose, dermatose répondant au zinc), des maladies auto-immunes comme le pemphigus foliacé ou le lupus érythémateux systémique, ainsi qu’un déficit nutritionnel.

Lors d’atteintes isolées des griffes, il convient de distinguer les deux possibilités :

– L’atteinte d’une seule griffe : si l’onyxis est prédominant, l’hypothèse étiologique s’oriente plutôt vers un traumatisme. Si le périonyxis domine, une infection bactérienne est probable. Dans les deux cas, il peut s’agir d’une tumeur.

– L’atteinte de plusieurs griffes : si le périonyxis est prédominant, une dermatophytose, une infection bactérienne ou une tumeur sont suspectées. Si l’onyxis domine, une infection par des Malassezia, une vasculopathie ou une onychodystrophie lupoïde sont recherchées.

“La maladie des griffes” : l’onychodystrophie lupoïde

Cette maladie se présente majoritairement chez les chiens de 3 à 8 ans, mais peut atteindre toutes les tranches d’âge. Le berger allemand, le rottweiler, le setter gordon, le schnauzer et le caniche sont surreprésentés. Cette affection est un syndrome qui peut avoir pour cause un problème auto-immun, une hypersensibilité alimentaire ou une réaction médicamenteuse. L’atteinte des griffes résulte d’une réaction des lymphocytes à l’interface entre l’épiderme et le derme. Des kératinocytes apoptotiques, comme dans le lupus érythémateux, sont observés à l’histologie. Des anticorps antinucléaires sont retrouvés chez 30 % des chiens atteints (leur recherche n’est donc pas un test diagnostique). Les signes cliniques sont une onychorrhexie, une onychoschizie, une onychomalacie et une onychomadèse sans aucune lésion sur le reste du territoire cutané. Les lésions débutent sur une griffe, puis se répandent en moins de 2 mois sur d’autres griffes de plusieurs membres. Les animaux sont présentés en consultation tardivement, la plupart du temps au bout de 1 à 8 mois, et seulement si une douleur est apparue (elle n’est présente que dans un cas sur deux, souvent en lien avec l’onychomalacie, c’est-à-dire le ramollissement de la griffe). En général, il n’est pas noté de périonyxis, sauf lorsqu’un problème infectieux se surajoute. L’évolution de ce syndrome est cyclique, même sans traitement les lésions peuvent s’améliorer fortement, puis de nouveau s’aggraver. Le diagnostic différentiel reste assez pauvre. Il inclut les vasculopathies, qui peuvent être exclues si le chien n’a pris aucun médicament et n’a pas été vacciné dans les 3 mois précédents. Ce diagnostic peut être conforté par une analyse histologique (qui n’est toutefois pas pathognomonique). Il se réalise en effectuant une exérèse de la troisième phalange d’un doigt présentant des lésions importantes mais peu porteur (de préférence l’ergot). Une onychite d’interface étant aussi présente lors d’infection bactérienne,le problème bactérien, s’il existe, doit au préalable être pris en charge (bain antiseptique éventuellement associé à une antibiothérapie). Le traitement repose sur la mise en place d’un régime hypoallergénique et d’une supplémentation en acides gras essentiels. En cas d’onychalgie, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés. La maladie étant cyclique, il est assez difficile d’évaluer la part du traitement dans l’amélioration. Après 2 mois, si aucun progrès n’est noté, une association de doxycycline (5 à 10 mg/kg) et de nicotinamide (250 mg/kg trois fois par jour pour un poids inférieur à 15 kg ou 500 mg/kg trois fois par jour pour un poids supérieur) peut être essayée, ou encore la pentoxifylline (10 mg/kg deux fois par jour) ou la prednisolone (1 mg/kg/j). Les stress mécaniques (chasse) sont déconseillés et un limage des griffes, associé à un durcissement (glu ou vernis spécial) constituent un traitement hygiénique d’appoint.

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