Traitement et suivi des troubles du rythme cardiaque - La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Renaud Tissier*, François Serres**, Gwenaël Outters***

Fonctions :
*Professeur
de pharmacie-toxicologie
à l’ENVA
(Val-de-Marne)
**Praticien à Villeneuve-d’Ascq
(Nord), DESV de médecine
interne-cardiologie.
Article rédigé d’après une
présentation faite au congrès de
l’Afvac à Paris

Les arythmies sont principalement générées par des mécanismes de réentrée ou d’hyperautomatisme. Leur prise en charge consiste à ralentir la conduction sur la première phase (phase 0) du potentiel d’action et à modifier les périodes de repolarisation (phase 3).

Arythmies supraventriculaires

Caractéristiques

La tachycardie sinusale provient d’une stimulation de l’automatisme sinusal dont l’origine est souvent extracardiaque ou qui accompagne une maladie valvulaire avec un tonus orthosympathique élevé. Elle est avérée lors d’une fréquence cardiaque supérieure à 160 battements par minute (bpm) chez le chien et à 180 bpm chez le chat. Ces valeurs sont influencées par le stress, la douleur et l’âge. En revanche, le gabarit de l’animal n’a aucun impact sur la fréquence cardiaque, contrairement à ce qui a longtemps été supposé.

Les extrasystoles supraventriculaires sont des contractions anticipées issues de foyers ectopiques situés au sein du nœud atrial ou atrioventriculaire. Elles se caractérisent par leur prématurité et par un complexe qRs fin. Elles sont le plus souvent associées à une malformation structurelle cardiaque, notamment une dilatation atriale.

La fibrillation atriale correspond à une désorganisation complète de l’activité électrique atriale. C’est l’anomalie la plus fréquente chez le chien. Elle est d’origine lésionnelle (dilatation atriale) dans la majorité des cas (particulièrement chez le petit chien et le chat), mais peut également être observée sans modification de la morphologie cardiaque chez les chiens de grande race.

Traitement

Le traitement de la tachycardie sinusale est étiologique.

Les extrasystoles supraventriculaires sont rarement symptomatiques au point de requérir un traitement.

La fibrillation atriale peut être prise en charge par un traitement de défibrillation ou par un traitement médical visant à diminuer la fréquence de la fibrillation. La conversion électrique apporte une amélioration pendant 3 à 4 mois. Cependant, elle est peu pratiquée pour des raisons d’indisponibilité du matériel. La conversion médicale est possible, mais assez rarement efficace, si ce n’est lors de fibrillation atriale peranesthésique. Chez le chien, la fibrillation est supportable jusqu’à 120 bpm et ne nécessite pas de traitement. Au-delà, l’association de diltiazem et de digoxine (5 µg/kg/12 h) constitue actuellement le traitement de référence. Cela réduit la fréquence cardiaque efficacement pendant 85 % du temps (contre 12 % avec les mêmes molécules en monothérapie).

Dans cette espèce, contrairement à ce qui est observé chez l’homme ou le chat, et sans qu’une explication puisse être donnée, la fibrillation n’est généralement pas un facteur de risque de thromboembolie et la prescription d’un anticoagulant n’est pas nécessaire.

Avant la mise en place du traitement, un examen échocardiographique recherche un dysfonctionnement systolique et une dilatation atriale. L’effet toxique de la digoxine pouvant être majoré lors de dysfonction rénale ou de troubles de la kaliémie, il convient d’établir un bilan biochimique préalable.

Suivi

Un contrôle est effectué après une semaine de traitement. La fréquence cardiaque doit alors être inférieure à 140 bpm (90 à 110 bpm idéalement). Les effets secondaires (arythmies ventriculaires ou troubles digestifs) sont recherchés. Les suivis ultérieurs sont programmés tous les 6 mois pour les animaux asymptomatiques et tous les 3 mois pour les individus symptomatiques. La qualité de l’examen au stéthoscope est inférieure à celle de l’électrocardiogramme (ECG) ou du Holter. La surveillance biochimique inclut un bilan rénal et une mesure de la kaliémie. La digoxinémie est contrôlée. La concentration thérapeutique est de 0,5 à 1,5 ng/dl. En deçà, la dose peut être augmentée de 10 à 20 % si les résultats sont insatisfaisants. Le suivi échocardiographique évalue l’amélioration de la contractilité.

En l’absence de résultats, de l’amiodarone est prescrite jusqu’à obtenir une diminution de la fréquence cardiaque, de 20 % dans trois quarts des cas. La molécule possède une demi-vie très longue qui impose une dose de charge importante, puis un retour à un traitement d’entretien. Le rythme sinusal est restauré chez un tiers des malades, rarement de façon définitive.

Arythmies ventriculaires

Caractéristiques

Les extrasystoles ventriculaires se manifestent à l’ECG par des ventriculogrammes larges. Elles peuvent être physiologiques (une fois par jour). Leur origine est cardiaque (elles accompagnent alors les cardiomyopathies dilatées, dont elles permettent parfois un diagnostic précoce) ou extracardiaque (déséquilibre hydroélectrolytique, anémie, hypoxie, dilatation-torsion de l’estomac, traumatisme thoracique, etc.). Les symptômes associés se limitent à une faiblesse, voire à une syncope.

Traitement

Chez l’homme, des études ont montré que les antiarythmiques de classe I donnés au long cours ont un effet proarythmogène et qu’ils sont à l’origine d’une augmentation de la mortalité dans des populations recevant une thérapeutique chronique pour des arythmies asymptomatiques. Chez l’animal, il est donc conseillé d’instaurer un traitement uniquement en cas de symptômes et d’arythmies sévères (syncopes ou arythmies majeures).

La lidocaïne est le traitement de référence en phase aiguë, par voie injectable, pour ralentir la conduction du potentiel d’action. Un surdosage induit un bloc de conduction, des troubles digestifs ou neurologiques. Le relais oral (notamment dans les formes arythmogéniques de cardiomyopathie) peut faire appel au sotalol, avec les effets secondaires des β-bloquants (hypotension, bradycardie). L’utilisation du flécaïnide est peu documentée et la dose suggérée chez le chien est de 1 à 5 mg/kg/8 à 12 h.

Suivi

La surveillance clinique est limitée (diminution du nombre des syncopes), alors que le suivi par Holter est intéressant, l’objectif étant une réduction de 80 à 85 % des extrasystoles. Aucun contrôle biochimique n’est recommandé. Le suivi échographique concerne les races à risque de cardiomyopathie dilatée. En cas d’échec thérapeutique, peu d’autres options sont disponibles. Chez l’homme, les médicaments ont largement été remplacés par le défibrillateur implantable.

Bradycardies

Caractéristiques

Les principales bradycardies observées sont les blocs atrioventriculaires et la maladie du sinus.

Le bloc atrioventriculaire est un défaut de conduction électrique cardiaque du nœud sinusal vers le nœud atrioventriculaire, avec notamment un rythme d’échappement ventriculaire assez lent chez le chien. L’asystolie induite peut durer plusieurs secondes. Elle se manifeste par une grande fatigabilité, des syncopes ou une ascite. Le chat supporte mieux les bradycardies car le rythme d’échappement est plus rapide. La maladie du sinus est encore plus rare que les blocs atrioventriculaires et se caractérise par une perte d’activité sinusale de durée variable.

Traitement

Il n’existe pas de médicament chronotrope pur disponible et efficace. En situation d’urgence, l’utilisation de β-agonistes (isoprotérénol, 0,01 à 0,1 µg/kg/min par voie injectable), de vagolytiques (glycopyrrolate, atropine) ou de méthylxanthine (5 à 10 mg/kg/8 h, avec titration à effet ; des troubles digestifs surviennent rapidement) est rapportée. Le pimobendane à dose élevée (0,3 à 0,5 mg/kg/12 h) a un petit impact chronotrope positif, mais les effets secondaires apparaissent avant le bénéfice thérapeutique. Aucun traitement médical n’a montré un effet favorable sur la survie.

Le traitement de choix est donc le pacemaker (dont le premier chez le chien a été mis en place en 1967) et il a largement démontré son efficacité (90 % de survie à 1 an). Le suivi consiste en la vérification de l’usure de la pile et des contrôles ECG.

POINTS FORTS

– La fibrillation atriale est l’arythmie supraventriculaire la plus fréquente. Le traitement qui permet de ralentir la fréquence cardiaque s’appuie sur l’administration de diltiazem et de digoxine.

– Les extrasystoles ventriculaires asymptomatiques ne doivent pas toujours être traitées.

– Le pacemaker est la seule réponse efficace contre les bradycardies.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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