En eaux troubles

Amateurs de récits limpides et réconfortants, passez votre chemin. Ce film – dont le titre pourrait être un clin d’œil malicieux à Darwin, à moins qu’il n’évoque le point critique d’une transition (d’un âge… d’un état à un autre) – convie à un voyage émotionnel et sensoriel anxiogène où les ambiances visuelles et sonores comptent autant que la narration. Peu de dialogues donc et des situations étranges dans un cadre qui ne l’est pas moins, réaliste et mental à force d’épure.

Sur une côte volcanique noire et déchirée, un village de cubes blancs uniquement peuplé de femmes et de jeunes garçons. Dans un hôpital proche, suintant et désuet, des infirmières soumettent les enfants à de mystérieux traitements. L’un d’eux, croyant avoir vu dans les profondeurs de la mer le corps d’un de ses semblables, commence à se questionner sur son traitement, sa mère et les étranges rituels lascifs auxquelles elle s’adonne la nuit avec les autres femmes. Récit initiatique au bord d’un océan dont les eaux troubles, amniotiques, dissimulent peurs et désirs, le film déploie avec une cohérence implacable un monde fantastique, minimaliste, à la sensualité déroutante qui suggère une histoire naturelle pervertie : femmes hybrides, chirurgies… enfantements monstrueux. Le formalisme maîtrisé du cinémascope, le remarquable travail de la couleur, les singulières images de fonds marins, de l’hôpital, concourent à nous immerger dans une expérience, à la fois belle et inquiétante, qui a la puissance du rêve.

• Évolution de Lucile Hadzihalilovic, avec Max Brebant, Roxane Duran, Julie-Marie Parmentier, France-Espagne-Belgique, 1 h 21, sortie le 16 mars.