Diagnostic et traitement de l’incontinence urinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Christelle Maurey*, Aurélie Levieuge**

Fonctions :
*Maître de conférences au service de médecine de l’école d’Alfort

L’incontinence est définie comme une perte du contrôle volontaire de la miction avec des écoulements involontaires d’urine. Ce symptôme recouvre diverses entités cliniques. L’incontinence touche préférentiellement l’espèce canine. Elle est rarissime chez le chat, pour lequel une recherche d’un processus inflammatoire doit être systématiquement entreprise.

Incontinence par défaut de stockage

Incompétence sphinctérienne

L’incompétence sphinctérienne peut être acquise (postcastration, c’est la principale cause d’incontinence chez l’adulte) ou congénitale. Le traitement comprend plusieurs classes de médicaments.

Hormones sexuelles

L’incompétence sphinctérienne liée à la stérilisation peut être traitée en première intention par une complémentation orale en œstrogènes (estriol, Incurin®, 1 à 2 mg/animal/j pendant 1 semaine, puis 1 jour sur 2). Ce traitement permet de confirmer l’origine hormonale (réponse en 2 semaines). L’efficacité rapportée est de 65 %. Ce traitement étiologique présente l’avantage, à ces doses, de ne pas induire d’aplasie médullaire. En cas d’échec, il est alors recommandé de prescrire de la phénylpropanolamine. La perte de poids doit être intégrée au traitement.

Pour traiter l’incontinence de castration chez le chien mâle, il n’existe plus, à l’heure actuelle, de testostérone avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire. L’utilisation d’une spécialité humaine est possible (testostérone, Androtardyl®1 0,25 à 1 mg/kg par voie intramusculaire (IM) une fois par semaine pendant 3 semaines, puis une fois par mois, les doses pouvant être espacées en fonction de l’efficacité). Si l’animal a été castré pour des raisons médicales, et en particulier dans des situations d’hyperandrogénisme suspecté (hyperplasie prostatique, par exemple), leur utilisation est contre-indiquée.

α-agonistes

L’utilisation d’α-agonistes (phénylpropanolamine, Propalin®) est le traitement de choix de l’incompétence sphinctérienne. L’efficacité rapportée est proche de 90 % chez la femelle et de 50 % chez le mâle. Une deuxième molécule avec une AMM vétérinaire peut être utilisée dans ce cadre : l’éphédrine (Enurace®). L’association d’α-agonistes et d’estriol est possible chez les animaux réfractaires à la monothérapie. Il convient toutefois d’être vigilant aux contre-indications : glaucome, insuffisance cardiaque ou rénale.

Autres molécules

Certains animaux ne répondant pas bien à la phénylpropanolamine seule peuvent bénéficier de l’utilisation concomitante d’oxybutynine, un anticholinergique (Ditropan®1, 2,5 à 5 mg/chien ou 1 mg/chat, deux fois/j).

L’injection de collagène dans la sous-muqueuse du col vésical par voie endoscopique est une technique innovante. Il est rapporté une efficacité de l’ordre de 70 %, avec une durée moyenne d’efficacité de 17 mois. Cette technique mini invasive est peu disponible en France ; le coût du flacon est de 460 €. Des études récentes font état de l’intérêt d’analogues de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH) dans cette indication. Ils suppriment la sécrétion de gonadotrophine, dont la concentration plasmatique poststérilisation est 10?fois plus élevée que la valeur préstérilisation.

Chirurgie et alternative

Le recours à la chirurgie est nécessaire lors d’échec des traitements médicaux. La réalisation d’un profil urodynamique est préconisée pour caractériser l’origine de l’incontinence. Diverses techniques peuvent être employées, comme la colposuspension, qui consiste à fixer le vagin aux tendons prépubiens de chaque côté de la ligne blanche. Elle permet de crânialiser le col vésical en position intra-abdominale, d’augmenter la longueur fonctionnelle de l’urètre et d’augmenter la valeur du point de pression de perte urinaire.

La mise en place d’un sphincter artificiel périurétral hydraulique peut aussi être réalisée (photos). Cette technique permet de renforcer le tonus urétral, mais est encore associée, dans 60 % des cas, à des infections urinaires en phase postopératoire.

Défaut de compliance ou de capacité vésicale

Dans cette entité, c’est le détrusor qui est trop tonique. Une malposition vésicale (vessie pelvienne) ou une vessie instable illustrent cette catégorie. L’incontinence est accentuée par l’excitation. Le traitement repose sur l’utilisation d’un parasympatholytique, dont le chef de file est l’oxybutynine (Ditropan®), et sur les causes de l’inflammation si elle est présente. L’association d’α-mimétiques et de parasympatholytiques permet une amélioration de l’incontinence dans près de 50 % des cas, mais doit encore être évaluée.

Shunt de l’appareil vésico-sphinctérien

L’ectopie urétérale est la cause la plus fréquente. La présence de fistule ou la persistance du canal de l’ouraque sont plus rares. Le traitement est avant tout chirurgical, bien que des anomalies fonctionnelles soient souvent associées à l’ectopie urétérale. Près de 70 % des chiens avec une ectopie ont également une incompétence sphinctérienne, ce qui peut expliquer la persistance de l’incontinence après correction chirurgicale et justifie de poursuivre la prise en charge médicamenteuse. Une technique mini invasive, vidéo-assistée, a récemment été décrite pour le traitement des ectopies urétérales intramurales. Elle consiste en une ablation par laser de la paroi ventrale de la muqueuse vésicale dorsale et de la partie ventrale de l’uretère ectopique, et ce de son abouchement ectopique jusqu’à la zone trigonale. Cette ablation effectuée sous endoscopie, à l’aide d’une fibre laser dédiée, permet donc de fenêtrer l’uretère de la zone ectopique jusqu’à la zone du trigone. La technicité inhérente à l’usage du laser et les coûts associés à son achat et à son entretien limitent pour l’instant son essor.

Incontinence par défaut de vidange

Hypertonie sphinctérienne

La persistance d’un tonus urétral au cours de la phase mictionnelle explique les difficultés de vidange des vessies de type motoneurone central (en lien avec des lésions médullaires localisées en amont de L7). En revanche, aucun trouble neurologique périphérique n’est mis en évidence lors de dyssynergie vésico-sphinctérienne. Celle-ci est principalement décrite chez les mâles de grand format.

La présence de mictions longues, difficiles, associée ou non à un jet entrecoupé, est le signe dominant du tableau clinique. L’examen clinique met en évidence un volume résiduel vésical élevé (> 0,4 ml/kg, alors que les valeurs usuelles sont de 0,2 à 0,4 ml/kg, soit souvent moins de 10 ml). La dysurie est le symptôme qui prédomine.

Le traitement repose sur la correction du déficit neurologique, si possible (hernie discale, par exemple), et l’utilisation d’α-lytiques (alfuzosine, Xatral®1 0,05 mg/kg deux fois/j, ou prazosine, Minipress®1 1 mg/15 kg chez le chien ou 0,25 à 0,5 mg chez le chat, deux fois/j). L’utilisation de myorelaxants permet de limiter le tonus du sphincter externe : le diazépam (2 à 10 mg/chien ou 1,25 à 2,5 mg/chat, deux fois/j) et le dantrolène (Dantrium®1, 3 à 5 mg/kg deux fois/j) sont indiqués dans cet objectif. Le dantrolène présente l’intérêt de ne pas engendrer de dépression centrale.

Hypotonie ou atonie vésicale

Une hypotonie vésicale peut être consécutive à une distension exagérée de la vessie (atonie d’origine myogénique) ou accompagner une vessie de type motoneurone périphérique. La perte totale de la volonté d’uriner témoigne d’une atonie vésicale complète (situation exceptionnelle). Plus fréquemment, le jet est décrit comme faible, sans pression, lors d’hypotonie vésicale. Le traitement repose sur l’utilisation de parasympatho-mimétiques directs ou indirects. Le bétanechol (Urécholine®1, 5 à 75 mg/animal/jour) est le chef de file de cette famille.

Subobstruction vésicale

Une incontinence paradoxale peut se produire lors d’obstruction partielle de l’urètre. Quand la vessie est surdistendue par l’urine, la pression vésicale excède éventuellement la résistance provoquée par la lésion urétrale et il en résulte une incontinence urinaire. Les causes possibles sont les lithiases, les néoplasies ou une sténose de l’urètre. Le traitement est chirurgical.

Face à une suspicion d’incontinence urinaire d’origine nerveuse, un examen urinaire doit permettre en premier lieu d’éliminer une polyurie et une infection du tractus urinaire. Lors d’incontinence associée à un défaut de vidange vésicale, il est nécessaire de rechercher une insuffisance rénale aiguë (IRA) post-rénale. Les examens d’imagerie (radiographie avec produit de contraste, échographie) permettent d’aider le praticien dans sa démarche (mise en évidence d’une anomalie vésicale, d’une ectopie urétérale ou d’une lésion subobstructive urétrale). De nouveaux traitements permettent d’élargir les possibilités thérapeutiques.

  • 1 Pharmacopée humaine.

L’utilisation d’α-agonistes est le traitement de choix de l’incompétence sphinctérienne. Chez la femelle, l’efficacité est proche de 90 %

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