CONFÉRENCE
Pratique canine
FORMATION
Auteur(s) : Charly Pignon*, Laurent Masson**
Fonctions :
*Diplomate ECZM-Small mammals, chef du service NAC à l’ENVA.
La mise en application du décret relatif aux antibiotiques critiques, le 1er avril dernier1, peut perturber certaines pratiques d’antibiothérapie, notamment chez les petits mammifères. « Même si d’autres molécules sont disponibles depuis longtemps, nos habitudes nous ont portés vers l’utilisation des quinolones, non toxiques chez les nouveaux animaux de compagnie (NAC) », témoigne Charly Pignon. Or elles font dorénavant partie des antibiotiques à usage restreint. Leur prescription ne reste possible qu’en fonction des résultats d’un antibiogramme, qui doivent être conservés pendant 5 ans. Encore faut-il que la localisation et le type d’infection et, surtout, l’état général de l’animal permettent la réalisation d’un prélèvement. Ce dernier ne sera pas répété s’il date de moins de 3 mois. Enfin, des dérogations existent : pathologie aiguë avec animal dans un état critique et réévaluation au bout de 4 jours dans l’attente des résultats de l’antibiogramme. Le praticien devra conserver la trace des conditions d’emploi de l’antibiotique (état clinique, symptômes présentés, suspicion clinique, etc.) en cas de contrôle.
Avant d’utiliser les antibiotiques, il convient d’analyser le contexte épidémiologique et de réaliser un examen clinique. Cela commence par la reconnaissance des signes d’une infection bactérienne chez un NAC : hyperthermie, présence de pus au niveau des yeux ou du canthus médial, abcès, présence de polynucléaires neutrophiles ou de bactéries par cytologie, numération et formule sanguines avec leucocytose neutrophilique (ou hétérophilique chez les lapins). Le praticien ne doit pas négliger les soins locaux, qui peuvent être suffisants : désinfection locale lors de dermite urigineuse chez le lapin par exemple, nébulisation à base de chlorure de sodium (NaCl) hypertonique (destruction du biofilm), utilisation du laser lors d’atteinte du haut appareil respiratoire (liquéfaction du pus par laser froid à certaines fréquences, notamment en cas de rhinite, par des séances de quelques minutes).
La présence d’une infection peut également être confirmée par un prélèvement bactériologique :
– lors de rhinite, la cavité nasale est flushée après éversion de la paupière inférieure du lapin et cathétérisme du canal lacrymal, à l’aide d’un cathéter de 26G ;
– le lavage bronchoalvéolaire (LBA) nécessite un animal stable pour être anesthésié, puis intubé à l’aveugle ou avec un masque laryngé. Il convient ensuite d’instiller 2 ml/kg de NaCl par une sonde urinaire passée à l’intérieur puis de tapoter le thorax avant d’aspirer à nouveau environ la moitié du liquide injecté. Si l’anesthésie est trop risquée (chez le rat, notamment), le LBA peut être remplacé par une cytoponction échoguidée lors d’atteinte localisée ;
– lors d’abcès dentaire, il est prudent de demander un prélèvement aérobie et anaérobie ; compte tenu des difficultés de conservation des anaérobies, le praticien devra privilégier un laboratoire de proximité pour avoir des résultats fiables, en précisant les antibiotiques à tester selon l’espèce soignée (surtout s’il s’agit d’un laboratoire humain d’analyses) ;
– une cystocentèse peut être effectuée lors d’infection urinaire (rare) ;
– une trépanation de la bulle tympanique est envisageable lors de syndrome vestibulaire et d’otite.
Il n’est pas conseillé de mettre en place une antibiothérapie préventive sur des animaux sains en contact avec un congénère malade ou autour du sevrage, ou encore lors de chirurgie propre (chirurgie de convenance, osseuse de courte durée, exérèse d’un abcès sans percement de la coque), car ces situations ne présentent pas plus de risques de complications. Enfin, les antibiotiques ne sont pas indispensables dans les stases gastro-intestinales, sauf lors de dilatation cæcale importante.
Il est nécessaire de connaître les antibiotiques à ne pas utiliser chez les NAC.
Chez le furet, seules une oto- et une néphrotoxicité de l’amikacine, de la gentamicine et de la néomycine sont à signaler. Rien ne justifie donc l’utilisation des quinolones en première intention.
Chez le lapin, une destruction de la flore digestive est observée avec la pénicilline utilisée per os (dose létale médiane ou DL50 de 5,25 g/kg PO), les céphalosporines, la lincomycine, la clindamycine et l’ampicilline (25 mg/kg par voie intramusculaire pendant 2 jours, 10 mg/kg PO pendant 6 jours). La tylosine, l’érythromycine et la spectinomycine sont responsables de diarrhées, parfois sévères, tandis que la spiramycine peut conduire à la mort (signes nerveux).
Chez le cobaye, les substances à proscrire sont la pénicilline, la procaïne, l’ampicilline, les céphalosporines, la lincomycine, la clindamycine (100 % de morts à la dose de 75 mg/kg), la streptomycine et l’érythromycine. Le hamster est très sensible à des dérives de la flore dues à Clostridium causées par les antibiotiques tels que la pénicilline, la procaïne, l’ampicilline et les céphalosporines. Chez le chinchilla, le métronidazole est utilisable, même si des effets secondaires sont possibles. Enfin, le rat semble moins sensible que les autres rongeurs, grâce à sa flore digestive qui est assez proche de celle de l’homme.
Dans tous les cas, il est important de ne pas tester des antibiotiques ne disposant pas de données scientifiques.
Le choix de l’antibiotique est guidé par la probabilité de rencontrer tel ou tel agent infectieux (tableau). Il existe d’autres antibiotiques tout aussi bien tolérés et tout aussi efficaces que les quinolones.
Lors d’affections respiratoires chez le lapin, les tétracyclines (doxycycline 2,5 à 5 mg/kg toutes les 12 heures, à reconditionner ou à diluer dans l’eau ; oxytétracycline, 30 mg/kg toutes les 72 heures) et le chloramphénicol (30 mg/kg toutes les 12 heures) sont de bonnes alternatives aux quinolones. En cas d’urgence vitale causée par une bronchopneumonie avancée ou lors de respiration gueule ouverte, les publications scientifiques présentent les quinolones comme les antibiotiques les plus efficaces (cas dérogatoire, sous couvert de la réalisation d’un prélèvement et dans l’attente des résultats de l’antibiogramme). Chez les rats, les bactéries les plus répandues sont Mycoplasma pulmonis et les bacilles CAR (cilia-associated respiratory bacillus), Corynebacterium kutscheri, Klebsiella pneumoniae et Streptococcus pneumoniae. Les antibiotiques de premier choix sont la doxycycline (5 mg/kg toutes les 12 heures) et le chloramphénicol (50 mg/kg toutes les 12 heures), seul ou en association.
En raison de la fréquence de Bordetella chez le cochon d’Inde, le chloramphénicol (30 mg/kg 2 fois par jour) est la molécule la plus adaptée. Le traitement est prescrit pendant 10 jours, puis un contrôle clinique et radiographique est réalisé.
En moyenne, il est rare de dépasser 2 semaines d’antibiothérapie chez les lapins ; chez les rats, en revanche, les mycoplasmes détruisant l’appareil mucociliaire, le traitement dure le plus souvent un mois. Enfin, il n’existe aucune preuve d’efficacité de la nébulisation avec la gentamicine.
Chez le lapin, lors de troubles digestifs ou urogénitaux, les antibiotiques à privilégier sont l’association sulfamides-triméthoprime (30 mg/kg toutes les 12 heures) en continuant pendant 2 à 3 jours après la disparition de la diarrhée et au moins pendant 2 semaines lors d’infection urinaire. En cas d’iléus et de dilatation cæcale, il est préférable de choisir le métronidazole à la posologie de 20 mg/kg toutes les 12 heures pendant 5 à 7 jours.
Lors d’abcès sous-cutané, le retrait de la coque est généralement suffisant. Si celle-ci est percée, une marsupialisation est alors réalisée et associée à des soins locaux. Les récidives, lors d’infection par des souches hématogènes de Pasteurella multocida, sont difficiles à guérir. Le chloramphénicol est alors utilisé en première intention pendant 10 à 15 jours.
Lors d’abcès dentaire, la clindamycine serait la molécule la plus efficace. En raison de sa toxicité, la pénicilline est toutefois l’antibiotique de premier choix (injection 40 000 UI/kg tous les 3 jours par voie sous-cutanée stricte, Duplocilline®). Cet antibiotique étant très toxique par léchage, il convient de nettoyer le pelage en cas de souillure du site d’injection. Lors d’abcès chez le chinchilla ou le cochon d’Inde, le métronidazole (10 à 20 mg/kg toutes les 12 heures) est la molécule de premier choix.
Dans tous les cas, la durée des traitements est à adapter en réévaluant l’animal et en tenant compte de la réponse aux antibiotiques probabilistes.
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