Le vivant invisible

Les Américains sont les chantres du storytelling. Appliqué aux sciences, celui-ci a l’avantage de piquer la curiosité tout en déjouant l’aridité des disciplines. À ce sport difficile de la vulgarisation au moyen de récits éclairés, Carl Zimmer est assurément un champion. Si l’actualité rappelle périodiquement que de nouveaux virus nous menacent en se frayant un chemin vers notre espèce, ces derniers ont conquis depuis longtemps le moindre recoin de la planète. Les rhinovirus provoquaient déjà des rhumes chez les Égyptiens de l’Antiquité et il y a plusieurs millions d’années que des rétrovirus endogènes ont envahi les génomes de nos ancêtres primates. Au point que nous sommes devenus un mélange inextricable de mammifères et de virus (8 % de notre ADN) à qui nous devons sans doute la placentation ou nos défenses contre les affections. Remontant l’arbre du vivant, la science réalise que les génomes de tous les organismes incluent des centaines, voire des milliers de gènes importés de virus. L’océan lui-même est une matrice vivante de gènes faisant la navette entre virus et hôtes. Dix pour cent de la photosynthèse serait assurée par des gènes viraux. Dans ce livre érudit et passionnant, le journaliste et blogueur¹ élucide, en une centaine de pages à peine, bien des facettes de la cosmogonie virale (variole, influenza, rhinovirus, bactériophages, papillomavirus, VIH, Ebola, mimivirus, etc.) et donne la mesure de notre immersion dans cet univers vertigineux.
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¹ Carlzimmer.com.

Planète de virus de Carl Zimmer, collection “Science à plumes”, Belin, 15 x 22 cm, 128 pages, 16 €.