Stéphane Le Foll et Laurent Lasne (A 96) auditionnés sur les abattoirs - La Semaine Vétérinaire n° 1676 du 25/05/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1676 du 25/05/2016

POLITIQUE

ACTU

Auteur(s) : Marine Neveux

La commission parlementaire sur les conditions d’abattage, dirigée par le député Olivier Falorni, a reçu le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, pour s’exprimer sur les différents points du dossier, dont les inspections. En lien direct avec le Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), représenté aux auditions par son président, Laurent Lasne.

Après le scandale des vidéos de l’association L214 diffusées auprès du grand public, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, avait diligenté un rapport et transmis des consignes aux préfets pour réaliser des « inspections spécifiques sur la protection animale dans l’ensemble des abattoirs ». Ces derniers avaient jusqu’à fin avril pour en livrer les résultats. L’audition du 18 mai de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français1 a été l’occasion, pour le ministre, de dévoiler les premiers chiffres de ces opérations.

Des résultats d’inspections

259 établissements ont ainsi été contrôlés dans l’Hexagone et outre-mer. « Dans les deux tiers, aucun problème n’a été mis en évidence, note Stéphane Le Foll. Dans le tiers restant, ce sont en majorité des défauts mineurs qui ont été relevés, comme l’utilisation d’un appareil qui n’était pas à jour alors que les responsables connaissent parfaitement son fonctionnement. » Reste l’existence de défauts de conformité moyens ou graves. « Des défauts d’étourdissement ont été notés dans 39 chaînes d’abattage. Dans la plupart des cas, des mesures correctives immédiates ont été exigées par les services et ont permis de reprendre l’activité, rassure le ministre de l’Agriculture. Les non-conformités les plus graves ont donné lieu à des suites immédiates et ont concerné 5 % des chaînes, soit 19 chaînes inspectées (sur 460 chaînes d’abattage donc ) . » Conséquences : 99 avertissements (c’est-à-dire rappels à la règle) et 77 exploitants ont été mis en demeure d’apporter des corrections à leur système. Dans deux établissements, des arrêts d’activité (suspension ou retrait d’agrément) ont été ordonnés. Des procès-verbaux ont été dressés dans huit structures.

« Cette instruction démontre que nous avons encore des progrès à faire », admet le ministre, qui estime que la voie d’amélioration ne passera pas forcément par le renforcement des représentants de l’État. « La désignation de responsables en protection animale (RPA), le renforcement de leur protection, de leur formation et des sanctions pénales sont aussi importants. »

Stéphane Le Foll reconnaît la nécessité de la protection des référents en matière de RPA, surtout de celui sur la mise à mort. « Il y a un lien entre public et privé. La responsabilité de l’abattoir et la sécurité sanitaire sont en jeu. La responsabilité de chacun doit être parfaitement identifiée. Il faut que le référent soit inscrit auprès de la préfecture, peut-être protégé, façon “lanceur d’alerte”. C’est là-dessus que nous devons apporter des évolutions. »

La vidéosurveillance toujours en débat

La surveillance au moyen de caméras est-elle une solution ? « Je n’y suis pas opposé, mais je veux que vos débats puissent éclairer les possibilités, répond le ministre. Tout n’est pas fait pour les salariés. Travailler dans un abattoir n’est pas facile. Si l’on doit mettre des caméras, il faut que cela soit correctement géré. On ne peut pas mettre toute la pression sur ces salariés. » Les analyses de la commission sont donc attendues : « Votre travail parlementaire aura à établir comment cela peut s’exercer et j’en tiendrai compte, s’il est nécessaire de changer la loi. »

Le programme investissement d’avenir

Olivier Falorni, président de la commission, interroge le ministre sur le programme d’investissement d’avenir : 50 millions d’euros pour les abattoirs. « Six projets sont déjà montés, allant du grand groupe à la petite ou moyenne entreprise. On peut investir pour améliorer les conditions de travail, de compétitivité », précise ce dernier, qui évoque aussi les initiatives contre le broyage des poussins : « On a découvert une entreprise qui permet le sexage in ovo. Ce projet bénéficie de 4,3 millions d’euros pour faire de la France un pays d’innovation et ne plus voir ces images terribles de broyage de poussins. »

Autre problématique majeure mise sur la table : la formation. « Elle semble insuffisante, note Françoise Dubois, membre de la commission. C’est ce qui ressort de nos auditions. » « La réflexion doit porter sur la totalité de la carrière et sur la façon dont on peut la faire évoluer dans ces abattoirs, explique Stéphane Le Foll. L’accompagnement des salariés est un point important pour la réussite du respect du bien-être humain et animal. Je prendrai en compte toutes les propositions ». En outre, « 13 organismes de formation sont agréés pour les animaux de boucherie ; là aussi le Parlement doit investiguer ».

Enfin, des modifications dans le contenu des formations sont en cours, afin d’intégrer des volets pratiques et la création de sanctions en cas d’abattage sans certificat.

La question de l’abattage rituel

En France, 218 établissements sont autorisés à abattre sans étourdissement. « Le rapport sur cette pratique sera disponible en septembre. Cela concerne, en 2014, 15 % des bovins et 27 % des ovins abattus en France », déclare le ministre. « D’autres donnent des chiffres beaucoup plus importants », relève notre confrère et député Jacques Lamblin (A 77). Notre consœur Geneviève Gaillard (T 72) souligne d’ailleurs cet autre point : « Il n’y a pas d’étiquetage sur le mode d’abattage rituel. À un moment, je finirai par ne plus consommer de viande. » « Je ne suis pas favorable à l’étiquetage », rétorque tout de go Stéphane Le Foll. Nouveau point donc à la rentrée prochaine, avec la sortie du rapport…

Les abattoirs mobiles

Les abattoirs mobiles ne recueillent pas l’adhésion du ministre. Pour lui, il convient de privilégier les abattoirs existants, dont la rentabilité est déjà faible. Par ailleurs, « on prétend qu’il suffit de limiter le transport pour réduire la souffrance animale. Je dis non ! Autant pour le transport, il reste des efforts à faire, autant avec l’abattoir, vous arrivez vivant, vous repartez découpé… Faire circuler des camions dans la campagne ? Je voudrais que l’on calcule l’empreinte carbone ! Et pour limiter la souffrance animale, je préfère 269 établissements que l’on contrôle, plutôt que de disséminer des abattoirs. Je rappelle aussi qu’abattre un animal, c’est ensuite le découper, avec des conditions sanitaires à respecter ».

1 Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 6/5/2016, page 19, et n° 1674 du 13/5/2016, pages 16 et 17.

audition de Laurent Lasne

Regarder dans la « boîte noire » des abattoirs

Laurent Lasne (A 96) Président du SNISPV. © D. R. « La médiatisation et les travaux parlementaires facilitent le travail de nos collègues concernant un problème qui, jusque-là, était confiné à la “boîte noire” de l’abattoir », a expliqué Laurent Lasne, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), devant la commission parlementaire sur les conditions d’abattage, le 19 mai. Les actions des services en abattoir sont très codifiées : chaque animal doit être vu vivant, chaque carcasse doit être inspectée et va faire l’objet de prélèvements codifiés. « On s’y engage par l’apposition d’une estampille. Ces étapes sont très consommatrices d’effectifs et nous n’avons pas de levier. Parallèlement, nous avons connu une diminution des effectifs1. Elle n’a pas impacté les inspections ante et post-mortem, mais les autres, moins codifiées, au poste d’étourdissement et de saignée. Nous espérons un suivi. »« La vidéosurveillance, pourquoi pas, mais attention aux formules magiques !, a poursuivi notre confrère. Cela ne remplacera pas l’inspection au poste d’abattoir. Il convient de vérifier si les services d’inspection peuvent utiliser ces images, la charge de travail induite, s’il peut s’agir de preuves pour des mesures de police ou pénales. Attention également aux images, aux interprétations : il est important de voir la tête, l’œil de l’animal, mais les tests de toucher le sont également. Les vidéos peuvent paraître très impressionnantes pour le grand public, même s’il n’y a peut-être pas de conscience de l’animal. »Une piste envisagée : créer un comité d’éthique autour des abattoirs, comme en expérimentation animale, pour que la “boîte” ne se referme pas après les derniers scandales et ainsi permettre à la société civile de garder un œil sur ces pratiques.1 Évolution : - 1 000 effectifs entre 2004 et 2014, + 60 par an depuis 2015.
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