Rapport Igas/CGAAER : les précisions attendues - La Semaine Vétérinaire n° 1680 du 22/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1680 du 22/06/2016

ENTRETIEN

ACTU

TA[Id

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO 

Pascale Briand, inspectrice générale de l’agriculture, et Catherine Dupuy, inspectrice générale de la santé publique vétérinaire, corédactrices du rapport Igas/CGAAER, apportent des précisions sur les mesures contestées.

Pouvez-vous, en quelques mots, rappeler l’objectif de votre rapport et son contenu ?

L’objectif de la mission confiée au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) était de réaliser un état des lieux de l’application des dispositions réglementaires concernant la prescription de médicaments par les vétérinaires, sans examen clinique préalable systématique des animaux auxquels ils sont destinés (décret et arrêté du 24 avril 2007). Il s’agissait en particulier d’examiner en quoi cette pratique très largement répandue peut constituer un risque en matière de santé publique et d’émettre des recommandations pour une évolution de la réglementation.

Quelles sont les mesures fortes qui permettraient d’atteindre l’objectif de simplification de votre rapport ?

La prescription sans examen clinique doit être, selon les textes réglementaires, subordonnée à la réalisation du suivi sanitaire permanent des animaux qui en bénéficient par un vétérinaire désigné par l’éleveur. Pour être permanent, ce suivi ne peut bien entendu s’exercer sans la participation active de l’éleveur. C’est pourquoi les propositions d’évolution des textes réglementaires contenues dans le rapport visent à créer les conditions d’un partenariat plus étroit entre l’éleveur et le vétérinaire, non limité à la prescription/délivrance des médicaments, mais couvrant la totalité du domaine sanitaire. Les évolutions suggérées devraient permettre à l’éleveur de s’affirmer encore davantage dans sa responsabilité de premier acteur de la santé de son troupeau et au vétérinaire d’investir résolument le champ du conseil technique, dans lequel son savoir-faire sera valorisé.

Les recommandations relatives à la suppression des quotas de prescription et à la rédaction obligatoire d’une ordonnance lors du protocole de soins ne semblent pas convaincre la profession. Cette appréhension vous paraît-elle justifiée ?

Cette notion de quota s’appuie sur l’idée qu’au-delà d’un certain nombre d’élevages ou d’animaux suivis par un même vétérinaire, la qualité du suivi sanitaire permanent qui doit accompagner la prescription sans examen clinique n’est pas suffisante. Les rapporteurs ne contestent pas cette idée. En revanche, la pertinence des limites maximales fixées par l’arrêté ministériel leur paraît fragile. Ainsi, au titre de ces limites, un élevage peut, suivant les cas, correspondre à une unité de 1 000 truies ou à un lot de 40 porcs à l’engraissement plein air, qui ne présentent aucune commune mesure en matière de risques sanitaires. Il en va de même dans la filière volailles, avec la notion de limite maximale de surface cumulée d’élevages : est-il vraiment possible de considérer qu’un bâtiment de 5 000 m2 de volailles de chair est équivalent, en ce qui concerne les risques sanitaires, à la même surface hébergeant des reproducteurs ? Que dire des élevages de pondeuses en cages superposées ? Pour les bovins adultes, c’est un nombre maximal d’unités gros bétail (UGB) qui a été fixé : dans la filière vaches allaitantes, la surveillance sanitaire d’un élevage de 100 UGB nécessite-t-elle plus de temps que celle d’une unité de 200 UGB ? Par ailleurs, le vétérinaire n’est aujourd’hui pas tenu d’enregistrer les bilans sanitaires d’élevage qu’il réalise, ce qui prive ce dispositif complexe d’une bonne partie de son utilité dans le cadre des contrôles officiels. Les rédacteurs du rapport proposent de substituer à la fixation réglementaire de limites maximales d’activité l’enregistrement de la date du bilan sanitaire d’élevage et du nom du vétérinaire désigné par l’éleveur, sur le formulaire numérisé de la visite sanitaire obligatoire. Les services de contrôle disposeraient alors très simplement du nombre d’élevages suivis par un même vétérinaire.

La question de l’ordonnance nécessaire à la délivrance des médicaments prévus dans le cadre de l’application du protocole de soins est sensible. En effet, la mission conduite par le CGAAER et l’Igas a constaté que, dans la très grande majorité des cas, l’ordonnance est remise à l’éleveur au moment de la délivrance des médicaments par le vétérinaire. Cela prive l’éleveur de la possibilité d’exercer pleinement son choix pour la délivrance des médicaments entre le vétérinaire et un pharmacien d’officine (les deux ayants droit, au titre du Code de la santé publique). Cette situation n’a échappé à personne : en octobre 2012, les présidents du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires ont rédigé une déclaration commune pour rappeler la réglementation et notamment que « l’ordonnance du vétérinaire est obligatoire pour la délivrance des médicaments soumis à prescription, et la délivrance des médicaments s’effectue toujours selon le seul choix de l’éleveur ou du détenteur de l’animal ». À nouveau en 2015, les directeurs généraux de la Santé et de l’Alimentation et les organisations professionnelles agricoles ont rappelé la réglementation à tous les acteurs concernés. L’imprécision du décret est l’objet d’interprétations variées sur le moment où l’ordonnance doit être remise. Les organisations professionnelles de pharmaciens d’officine estiment que seule l’obligation pour le vétérinaire de remettre une ordonnance à l’éleveur au moment de la rédaction du protocole de soins permettrait à celui-ci d’exercer pleinement son choix. L’action qu’elles ont menée en ce sens au moment de la publication des textes réglementaires n’a pas abouti. Le Conseil d’État a en effet considéré que la prescription relève du libre arbitre des vétérinaires. Ces derniers estiment qu’ils ne peuvent pas systématiquement rédiger une ordonnance au moment de l’établissement du protocole de soins, car les pathologies à venir ne sont pas connues à ce moment-là. La mission conduite par le CGAAER et l’Igas considère que pour les médicaments à visée préventive, tels que les antiparasitaires et les vaccins, cet argument est discutable. C’est la raison pour laquelle elle recommande la remise de l’ordonnance à l’éleveur, pour les médicaments préventifs, au moment de l’établissement du protocole de soins.

Une partie de la profession s’inquiète de l’impact négatif des mesures citées sur le maillage vétérinaire. Comprenez-vous cette crainte ?

Une partie de la profession vétérinaire estime que l’existence du maillage territorial est menacée par l’activité de vétérinaires qui assurent le suivi sanitaire permanent de nombreux élevages, dont certains très éloignés géographiquement de leur lieu d’exercice professionnel.

La fixation par voie réglementaire de limites maximales d’activité pour un vétérinaire était précisément destinée à repérer d’éventuels abus. Force est de constater que les critères retenus ne sont pas pertinents pour juger de la qualité du suivi sanitaire permanent et ne peuvent être exploités de façon simple dans le cadre des contrôles officiels. La mission conduite par le CGAAER et l’Igas estime qu’un indicateur d’activité simple (le nombre de bilans sanitaires d’élevage réalisés par un vétérinaire), enregistré dans un support informatique accessible aux services officiels, permettrait à ceux-ci d’organiser un ciblage des contrôles plus adapté à leurs moyens actuels.

La mission menée sur le dispositif de prescription hors examen clinique a été, encore une fois, l’occasion de constater la valorisation insuffisante de l’activité de conseil dans le domaine sanitaire exercée au quotidien par les vétérinaires auprès des éleveurs. Ces derniers ont pourtant bien conscience aujourd’hui que les conseils du vétérinaire dans le domaine de la prévention des maladies, mais aussi dans celui de leur traitement, permettent de diminuer le recours aux médicaments. Ils en font même le principal critère de choix de leur vétérinaire. Cette évolution est favorable au rééquilibrage entre les revenus du vétérinaire liés à la prestation intellectuelle et ceux produits par la vente de médicaments. Les recommandations émises dans le rapport visent globalement à favoriser ce mouvement.

Quelles seront les prochaines étapes, maintenant que votre rapport a été remis aux ministères concernés ?

Les recommandations formulées sont en cohérence avec l’orientation engagée d’une évolution de l’activité vétérinaire donnant plus de place et de reconnaissance aux conseils formulés aux éleveurs et, par cette voie, à la sécurisation sanitaire. Elles entendent participer de la simplification par l’élimination de quotas complexes, dont la pertinence est contestable et le contrôle impossible. Comme tout rapport, il peut être en totalité ou en partie traduit en réglementation s’en inspirant ou bien classé sans suite.

“ Pour être permanent, ce suivi ne peut bien entendu s’exercer sans la participation active de l’éleveur. ”
“ La question de l’ordonnance nécessaire à la délivrance des médicaments prévus dans le cadre de l’application du protocole de soins est sensible. ”
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