Les jeunes sans-abri secourus par leurs compagnons de route

Le Collège vétérinaire de l’université de Guelph en Ontario (Canada) a publié, en mars dernier, dans le journal Anthrozoös, une étude quantitative¹ démontrant que les jeunes sans domicile fixe (SDF) propriétaires d’animaux de compagnie sont trois fois moins susceptibles d’être déprimés que ceux qui n’en possèdent pas. L’étude menée par Michelle Lem (encadré), vétérinaire, a été réalisée dans les villes de Toronto, d’Ottawa, de Kingston et d’Hamilton sur un échantillon de 189 jeunes, dont 89 détenaient un animal. Ces travaux confirment la précédente étude qualitative² de cette consœur et de ses collègues, qui révélait déjà que les animaux de compagnie aident les jeunes sans-abri à faire face à la solitude, offrent un amour inconditionnel et sont des facteurs de motivation vers un changement positif, tel que la diminution de la consommation d’alcool ou de drogue. Ils permettent, en outre, à ces personnes de confier leurs problèmes plus facilement aux vétérinaires, qui peuvent ainsi les aider à prendre en charge leur propre santé.

Des bénéfices physiques et psychosociaux

En dépit des contraintes occasionnées par la détention d’un animal (limitation de l’accès aux centres d’hébergement, aux logements en général et à l’emploi, impossibilité d’hospitalisation pour traiter la dépendance), ce dernier apporte à son propriétaire des bénéfices physiques et psychosociaux indéniables qui font généralement défaut aux jeunes sans compagnon. « Ce que nous tentons de démontrer, c’est que les animaux sont certes des barrières, mais qu’ils ont aussi des impacts très positifs », indique Michelle Lem.

Elle souhaite que les résultats de ses travaux soient un vrai signal d’alarme pour les organismes sociaux qui refusent la présence d’animaux aux côtés des itinérants, par exemple dans les foyers d’hébergement. « Demander d’abandonner son animal pour accéder au foyer montre que les services sociaux ne comprennent pas cette relation, ce qui a pour conséquence de rebuter les demandeurs. » Dans de telles conditions, les sans-abri propriétaires d’animaux préfèrent souvent renoncer à un lit. C’est pourtant dans ces lieux qu’ils peuvent obtenir des conseils, notamment sur les dépendances.

Elle espère aussi changer le regard des Canadiens sur ces jeunes qui vivent dans la rue non par choix, mais à la suite de graves problèmes : violence des parents, traumatismes, rejet par leur famille en raison de leur orientation sexuelle, etc. Ils sont encore trop souvent jugés plus sévèrement lorsqu’ils ont des animaux, avec l’argument : « Comment peux-tu t’occuper d’un animal quand tu ne peux t’occuper de toi-même ? » Michelle Lem a ainsi reçu de nombreux témoignages de SDF confirmant que « ces animaux sont leurs seuls amis, souvent la seule manière d’avoir de l’affection sans être jugés. Ces compagnons leur ont sauvé la vie dans de nombreux cas ».
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^{1 Lem M., Coe J. B., Haley D. B., Stone E., O’Grady W. The protective association between pet ownership and depression among street-involved youth : a cross-sectional study. 8/3/2016, pages 123-136. http://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/08927936.2015.1082772.}

² Lem M., Coe J. B., Haley D. B., Stone E., O’Grady W. Effects of companion animal ownership among Canadian street-involved youth : a qualitative analysis. Journal of Sociology & Social Welfare. 12/2013, volume XL, n° 4.